MAGAZINE CONSTAS

Fortifications et citadelle de Québec

Héritage du génie civil

Le Québec est la seule ville fortifiée au nord de Mexico, disent les agences de voyage depuis au moins une bonne centaine d’années. On le doit bien sûr à ces bâtisseurs français, disciples de l’illustre architecte militaire Vauban, et, après la Conquête, aux ingénieurs britanniques qui voulurent s’assurer que Québec ne devienne jamais une ville yankee. Mentionnons à tout le moins les noms de l’ingénieur militaire Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry (pour la troisième fortification érigée sous le régime français en 1745) et du lieutenant-colonel et ingénieur royal britannique Elias Walker Durnford (pour les fortifications construites entre 1820 et 1831).

Par Jean Brindamour

Lord Dufferin en 1878

Mais à tout seigneur, tout honneur, c’est à un grand serviteur de l’Empire britannique, Frederick Temple Blackwood, 1er marquis de Dufferin et Ava, gouverneur général du Canada de 1872 à 1878, ambassadeur en Russie, en Turquie, en Italie et en France, et vice-roi de l’Inde de 1884 à 1888, à qui l’on doit d’avoir sauvé les vieux murs de la ville, et ainsi conservé à Québec ce caractère distinctif qui lui donne son charme unique. C’est lui également qui a proposé de construire de nouvelles portes, plus belles et plus grandes, permettant ainsi à la ville de préserver son cachet historique, tout en continuant à se développer. L’on doit essentiellement la préservation des fortifications (les autorités municipales de l’époque souhaitaient leur démolition) ainsi que leur visage actuel à ce qu’il faut bien appeler le projet Dufferin réalisé entre 1872 et 1878.

Depuis 1878, on n’a cessé d’entretenir ces fortifications. Récemment, en septembre 2016, le ministre de la Famille et député de Québec Jean-Yves Duclos, a annoncé qu’un montant de 22 M$ était alloué pour la restauration des fortifications de Québec. Ce montant s’ajoute aux 30 M$ déjà investis depuis 2014. « Ces travaux de préservation, réhabilitation et restauration de nos lieux historiques nationaux, souligne Kimberly Labar de Parcs Canada, contribuent à protéger notre patrimoine et à renforcer l’intérêt de ces endroits comme lieux représentatifs des accomplissements de notre nation. Parcs Canada administre ses propriétés de manière à assurer la protection des ressources culturelles, en plus de permettre à tous de profiter de ces endroits exceptionnels pour se rapprocher de l’histoire de notre pays. »

Description des travaux

Depuis 2014, plusieurs projets de restauration ont été réalisés ou sont en voie de l’être sur les fortifications, notamment la réfection complète de la maçonnerie de plusieurs murs de soutènement :

  • la courtine d’Youville (secteur place d’Youville);
  • le bastion du roi (secteur de la Citadelle);
  • la courtine Dauphine (secteur du parc de l’Artillerie);
  • la casemate 24 et le bastion Dalhousie (secteur de la Citadelle);
  • la caponnière 26 et le bastion Richmond (secteur de la Citadelle);
  • le bastion Montcalm, le mur Montcalm ainsi que le mur de la Canoterie (secteur rue des Remparts);
  • la porte Prescott (côte de la Montagne).

Parcs Canada prévoit restaurer près de 30 % des 4,6 kilomètres des fortifications d’ici la fin du programme d’investissement sur les infrastructures.

Ces travaux permettront d’ouvrir de nouvelles sections des fortifications au public. La Casemate 24 en particulier, qui n’avait pas été ouverte depuis 2007 en raison de sa détérioration, sera accessible dès la saison prochaine (une casemate correspond à ce que les Anglo-Saxons nomment un bunker).

Admirons la configuration étoilée de la Citadelle de Québec, dessinée par un officier de l’armée britannique mais tout droit venue des systèmes de défense de cette grande figure du génie civil français que fut le marquis de Vauban.

 

Parcs Canada prévoit restaurer près de 30 % des 4,6 kilomètres des fortifications d’ici la fin du programme d’investissement sur les infrastructures. « Nous disposons d’une équipe technique dédiée aux travaux dans le cadre du programme d’investissement sur les infrastructures, commente Mme Labar. Notre équipe est composée d’intervenants de plusieurs domaines d’expertises, afin que l’ensemble des éléments à considérer soit abordé. Elle est composée, entre autres, d’un gestionnaire de projets, de techniciens en architecture, en environnement, en gestion de ressources culturelles et en archéologie. L’aspect patrimonial des travaux étant très important, l’équipe de la gestion des ressources culturelles effectue des recherches, des analyses, donne des conseils et documente les travaux à effectuer, le tout accompagné de l’expertise d’un archéologue, qui assure également la surveillance archéologique lors des travaux. »

« Sur un ouvrage tel que les fortifications de Québec, poursuit la porte-parole, plusieurs chantiers d’envergures différentes peuvent avoir lieu simultanément. Parcs Canada a une équipe de travailleurs spécialisés dans la restauration de biens historiques tels que des maçons et des menuisiers. Ceux-ci travaillent sur les chantiers de moins grande envergure. Lorsque nous avons un projet de plus grande envergure, nous mandatons Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) afin qu’ils procèdent à un appel d’offres. »

Techniques et matériaux

L’importance patrimoniale de ces travaux a des incidences sur les techniques et sur le choix des matériaux. « La désignation des fortifications de Québec en tant que lieu historique national du Canada, explique Kimberly Labar, fait en sorte que le développement d’activités et de services le long des murs sera toujours planifié de manière à ne pas nuire à la conservation du patrimoine culturel du site. La restauration des murs est réalisée dans le respect de sa configuration et de sa construction initiales. Les éléments caractéristiques des ouvrages fortifiés sont conservés et restaurés selon des normes bien précises. Le traitement et la finition des pierres de parements des murs sont donc faits selon les méthodes utilisées autrefois, soit piquetées et/ou bouchardées et/ou layées selon le cas et l’emplacement de l’ouvrage restauré. »

 

Un maçon à l’œuvre sur l’un des chantiers préparés par les spécialistes en structure de parcs Canada CR: Parcs Canada

 

« Les matériaux utilisés sont toujours choisis en respectant le caractère patrimonial des biens à restaurer et en lien avec les recommandations de l’équipe de gestion des ressources culturelles. Ceci étant dit, nous profitons également de certains matériaux et méthodes plus modernes afin d’assurer une pérennité à long terme des ouvrages. La pierre de grès, qui est le matériau principal de nos travaux de restauration, est réutilisée lorsque cela est possible (elle peut être retaillée ou simplement remise au même endroit). Cette pierre est un peu plus en demande; cependant nous avons pu dans le passé récupérer des pierres des différents chantiers de la région, ce qui nous a permis d’avoir une réserve à nos ateliers. »

Les fortifications de Québec furent longtemps considérées comme une structure de soutènement à stabiliser, ce qui pouvait évidemment justifier une intervention urgente. Dès les années 1980, les restaurations ont tenu davantage compte de leur valeur tant historique que culturelle. Ce souci d’authenticité et de continuité était déjà en germe chez le grand ancêtre Lord Dufferin – avec une connotation d’esprit médiéval propre au romantique XIXe siècle. Les devis de l’époque ne recommandaient-ils pas l’utilisation de la pierre de parement récupérable des vieux murs ? Aujourd’hui encore, le projet Dufferin se poursuit.


Un brin d’histoire / La forteresse du Vieux-Québec

La Citadelle de Québec est la plus importante forteresse britannique en Amérique du Nord. Partie intégrante des fortifications de Québec, elle se situe sur le Cap Diamant, le point naturel le plus haut de Québec.
Lieu historique national du Canada depuis 1980, la Citadelle est située à l’intérieur de l’arrondissement historique du Vieux-Québec, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985.
www.lacitadelle.qc.ca/fr/la-citadelle/son-histoire.html