MAGAZINE CONSTAS

Bâtir le Québec pendant huit décennies

Entrevue avec Me Gisèle Bourque, directrice générale de l’ACRGTQ

Les 80 ans de l’ACRGTQ  
Un héritage en construction 

L’ACRGTQ célèbre ses 80 années d’existence. Sa directrice générale depuis 2001, Me Gisèle Bourque, revient sur un parcours qui fut loin d’être un long fleuve tranquille.

par Stéphane Desjardins

Me Gisèle Bourque

Pour mesurer le chemin parcouru, Me Bourque énumère des chantiers comme la Baie-James, Churchill Falls, le réseau autoroutier, les ponts, l’Exposition universelle et le métro de Montréal dans les années 1960, ou l’autoroute Ville-Marie, le complexe La Grande, les Jeux olympiques et l’usine de filtration Charles-J.-Des Baillets dans les années 1970 et 1980. «Toutes les infrastructures, des réseaux d’aqueducs, d’électricité, de transports, toutes ces choses qui assurent notre confort et que l’on tient aujourd’hui pour acquises, ce sont les membres de l’ACRGTQ qui les ont construites.»

Autre temps

Le monde a bien changé, notamment avec la crise climatique et celle de la main-d’œuvre. «Notre dernier congrès avait pour thème Maîtriser les enjeux de cette nouvelle ère. On a collectivement conclu qu’il fallait être inventifs et bien outillés pour demeurer à la fine pointe de la technologie.»

Tout a basculé depuis la pandémie. Des phénomènes se sont accélérés. Et l’industrie doit changer ses habitudes. «Le ministère de l’Environnement n’existait pas avant 1976. Aujourd’hui, il est omniprésent. Les coûts explosent. C’est la nouvelle réalité. Il en va de même pour la santé et la sécurité au travail: cette préoccupation, moins présente il y a 20 ans, est désormais au cœur des contrats, avec des pénalités importantes. Ce qui entraîne des coûts additionnels pour nos membres», analyse-t-elle.

Pont Pierre-Laporte
Pont Pierre-Laporte

Mais le dossier qui mobilise l’industrie est celui de l’attribution des contrats. Les modèles établis, surtout ceux faisant appel au plus bas soumissionnaire, ne sont souvent plus adaptés à la réalité. «Pour les gros chantiers, reprend Me Bourque, nous proposons un mode collaboratif, où les entrepreneurs sont impliqués dès la table à dessin, où donneurs d’ouvrage et entrepreneurs collaborent en continu. Ce modèle a fait ses preuves aux États-Unis et en Europe.»

 

Le ministère de l’Environnement n’existait pas avant 1976. Aujourd’hui, il est omniprésent. […] Il en va de même pour la santé et la sécurité au travail: cette préoccupation, moins présente il y a 20 ans, est désormais au cœur des contrats.

– Me Gisèle Bourque

Ce mode de fonctionnement permet de régler les litiges et les imprévus sans les judiciariser grâce à la médiation en cours d’exécution. Il se traduit par des économies tant pour les contribuables que pour les entrepreneurs, avance-t-elle.

Gisèle Bourque perçoit d’ailleurs des changements de mentalités.

 Hydro-Québec a clairement tendu la main. Les médias ont récemment illustré qu’une révolution se prépare dans les officines gouvernementales…

Métro Montréal
Métro de Montréal

Du changement

Sur le front de la main-d’œuvre, les entrepreneurs doivent désormais attirer femmes, autochtones et minorités visibles, ce qui n’est pas une mince tâche. Ailleurs dans le monde, l’industrie embauche massivement dans la diversité.

Le fait que Me Bourque soit la première femme (et la première avocate) à la tête de l’ACRGTQ est-il symbolique d’un changement? «J’ai trouvé que les administrateurs étaient surprenants et audacieux de me confier ce mandat en 2002, répond-elle. J’en suis fière, d’autant plus que durant toutes ces années, je n’ai connu que des relations respectueuses et constructives avec mon entourage.»

Elle ajoute que son statut d’avocate a permis de faire avancer des dossiers, car les membres vivent de nombreux litiges et ont besoin d’expertises en relations contractuelles ou en maîtrise des lois et règlements. La formation juridique se fait aussi sentir au moment de négocier des conventions collectives ou de présenter un mémoire en commission parlementaire.

Elle est surtout consciente qu’elle constitue un modèle dans une industrie à majorité masculine, même si, désormais, plusieurs femmes occupent des postes dans l’organisation. «Les femmes ont besoin de modèles pour inspirer les autres. Mon histoire personnelle démontre qu’on peut s’épanouir et faire carrière dans notre industrie. Qu’on peut embaucher des femmes. C’est constructif», conclut-elle. ■

Le dernier congrès de l’ACRGTQ portait sur de grandes tendances observées dans le milieu de la construction.

No67 Pub Commission de la construction