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Au cœur de l’UQAC, un évacuateur de crues à échelle semi-réelle

Un nouvel outil pour étudier l’érosion

« C’est un projet qui a pris naissance il y a plus de 8 ans lors d’une conférence où j’ai échangé avec les équipes d’Hydro-Québec sur les problèmes d’érosion liés notamment au réchauffement climatique. » — Ali Saeidi

Optimiser la conception et l’entretien des évacuateurs de crues existants ou futurs est un enjeu essentiel pour la pérennité et la sécurité des barrages hydroélectriques présents à travers le Québec. La construction d’un évacuateur de crues à échelle semi-réelle au sein de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), en collaboration avec Hydro-Québec, représente une étape importante dans l’étude et la compréhension des mécanismes d’érosion de ces ouvrages. 

Par Elsa Bourdot

Le Québec est le plus grand producteur d’électricité au Canada. La grande majorité est produite à partir des centrales hydroélectriques qui fournissent 94% de l’électricité de la province*. On dénombre ainsi 61 centrales hydroélectriques à travers la province incluant 28 grands réservoirs, 681 barrages et 91 ouvrages régulateurs.

Au Québec, 94% de l’électricité est fournie par les centrales hydroélectriques*.  

Afin d’assurer la sécurité de ces barrages et centrales, les évacuateurs de crues jouent un rôle clé. Ils permettent d’éviter que le niveau d’eau dépasse le sommet d’un ouvrage ou que celui-ci ne cède sous la pression trop importante de l’eau. Ces soupapes de sécurité laissent ainsi s’écouler les surplus d’eau au besoin.

Pour qu’ils soient efficaces et adaptés, leur dimensionnement et leur fonctionnement doivent être pensés pour maîtriser au mieux les risques, parmi lesquels ceux liés à l’érosion.

Ce modèle à échelle semi-réelle permettra d’améliorer la conception et la sécurité des ouvrages. CR: Marie-Hélène Wisse, CPI, Étudiante à la maîtrise en mécanique des roches, UQAC.

Comprendre les mécanismes de l’érosion grâce à un évacuateur de crues à échelle semi-réelle

Les évacuateurs de crues équipant les centrales hydroélectriques sont généralement excavés dans le roc. Le problème est que l’érosion du roc provoquée par l’eau peut exposer la fondation immédiate de l’ouvrage.

Un investissement de plus d’un million de dollars a été nécessaire pour la mise en place de cette infrastructure de recherche.

Afin d’étudier et de comprendre ce phénomène et ainsi en limiter les risques, Ali Saeidi, professeur-chercheur au Département des sciences appliquées, et son équipe en collaboration avec Hydro-Québec, mènent des travaux sur un modèle d’évacuateur de crues à échelle semi-réelle installé au sein même de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

« C’est un projet qui a pris naissance il y a plus de 8 ans lors d’une conférence où j’ai échangé avec les équipes d’Hydro-Québec sur les problèmes d’érosion liés notamment au réchauffement climatique. Les techniques et constructions existantes ne répondaient pas spécifiquement à ces problématiques et il était donc essentiel de travailler sur cet aspect de la sécurité des barrages. C’est grâce au financement d’Hydro-Québec et du gouvernement fédéral ainsi qu’à l’implication de la compagnie suédoise Juniper, que le projet a pu voir le jour», explique le professeur. Un investissement de plus d’un million de dollars a été nécessaire pour la mise en place de cette infrastructure de recherche à laquelle ont également contribué l’UQAC et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

Une nouvelle méthode pour la prévision de l’érodabilité. CR: Marie-Hélène Wisse, CPI, Étudiante à la maîtrise en mécanique des roches, UQAC.

 

Cet outil aidera à mieux prévoir l’érodabilité des évacuateurs de crues des aménagements hydroélectriques. En effet, la modélisation physique est depuis longtemps privilégiée à la modélisation numérique pour vérifier et optimiser la conception des ouvrages, elle permettra ici de mieux appréhender les mécanismes d’érosion. « C’est la première fois qu’on travaille sur un modèle à échelle semi-réelle, on étudie habituellement à une échelle beaucoup plus petite ou à échelle réelle, directement sur les ouvrages», précise le professeur Saeidi.

Étudier les risques pour renforcer la sécurité des barrages dans les prochaines années

L’érosion interne des évacuateurs consiste en un arrachement de particules qui risque par la suite d’abîmer le barrage ou sa fondation et contribuer à fragiliser l’ouvrage. Ce phénomène a déjà causé d’importants dégâts en Asie, en Australie ou aux États-Unis, où des barrages ont cédé. Les conséquences financières et humaines de tels accidents sont énormes et peuvent conduire notamment à l’évacuation de centaines de milliers de personnes.

Grâce à l’évacuateur de crues à échelle semi-réelle, il sera possible de « rehausser encore davantage la sécurité des ouvrages et de mieux suivre le comportement des installations dans le temps ».

Grâce à l’évacuateur de crues à échelle semi-réelle, il sera possible de « rehausser encore davantage la sécurité des ouvrages et de mieux suivre le comportement des installations dans le temps », soutient Mme Annick Bigras, directrice Expertise, Barrages et infrastructures à Hydro-Québec. «Il nous permettra de mieux comprendre l’évolution de l’érosion et ses impacts sur nos ouvrages. C’est un outil extraordinaire, à la fois pour nous et pour la formation des étudiants. »



« Certains barrages dans le monde présentent une érosion qui peut atteindre 30 mètres de profondeur. C’est un sujet important à étudier pour la pérennité de l’ouvrage, ajoute le professeur Saeidi. Les méthodes actuelles pour la prévision de l’érodabilité dans les massifs rocheux sont limitées, on ne connaît pas les paramètres qui entrent en jeu dans l’érosion (direction des crues, ouverture des joints, etc.). Ce projet permet d’étudier ces paramètres et de déterminer leur pondération pour ensuite développer une nouvelle méthode pour la conception des évacuateurs de crues dans un futur proche. »

Grâce au modèle d’évacuateur de crues à échelle semi-réelle, l’équipe de recherche pourra identifier les paramètres ayant le plus d’incidence sur le degré d’érosion afin de développer une nouvelle méthode de conception.

Le professeur Saeidi espère voir les premières mises en application concrètes de ses recherches d’ici un maximum de 10 ans. ■

* Source : « Profils énergétiques des provinces et territoires – Québec», Régie de l’Énergie du Canada (chiffres 2019)