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Tramway de Québec

Le projet est bel et bien sur les rails

Le tracé comprend cinq pôles d’échanges qui facilitent le passage d’un mode de transport à l’autre : bus, tramway, automobile, autopartage, vélo, marche.

Le mégachantier du tramway de Québec suit son chemin, malgré les controverses politiques et les défis techniques. Les travaux doivent commencer à la fin de l’année.

Par Stéphane Desjardins

Daniel Genest, directeur du bureau de projet, Tramway de Québec. CR: Ville de Québec

Québec ne sera plus jamais la même après l’implantation d’une ligne de 19,3 km, s’étendant de Cap-Rouge à D’Estimauville, en passant par Sainte-Foy, l’Université Laval, la colline Parlementaire, Saint-Roch et Limoilou.

Le projet traverse 13 quartiers, compte 29 stations, dont 2 souterraines, un centre d’entretien, deux ponts d’étagement, la reconfiguration d’un pont existant au-dessus de la rivière Saint-Charles, un tunnel de 1,8 km creusé dans le roc et la plantation de 30 000 arbres.

« Le tramway sera la colonne vertébrale du réseau de transport en commun de la région de Québec», explique Daniel Genest, directeur du bureau de projet.

Le tramway diffère de projets comme le train léger d’Ottawa ou le REM de Montréal, dont les voies sont en site propre. « Nous avons opté pour une ligne aérienne de contact, plus élégante qu’une caténaire et engendrant moins de perturbations visuelles, dit-il. Le projet s’insérera de manière élégante dans la trame urbaine. » La ligne de tramway comprend un tunnel, dont les accès seront situés au Grand Théâtre et au jardin Jean-Paul-L’Allier. Les édicules des stations souterraines présenteront un bon volume et des murs rideaux vitrés, avec escaliers fixes et roulants.

Le chantier entraînera la réfection de toutes les infrastructures des rues où passera le tramway : aqueduc et égouts (84 km de conduites), réseaux techniques (31,5 km), éclairage, élargissement des trottoirs, reconstruction de la chaussée, revégétalisation.

L’approche de ce projet est résolument européenne, soit un véhicule à propulsion électrique circulant sur une plateforme ferroviaire protégée de la circulation automobile et gazonnée, et ayant priorité aux intersections.



L’implantation du tramway se fera selon un principe de rénovation urbaine de « façade en façade». Le chantier entraînera la réfection de toutes les infrastructures des rues où passera le tramway : aqueduc et égouts (84 km de conduites), réseaux techniques (31,5 km), éclairage, élargissement des trottoirs, reconstruction de la chaussée, revégétalisation.

Un lieu de connexion qui changera le visage du secteur. Le pôle d’échanges de Saint-Roch transformera l’entrée de la ville, favorisera le déploiement d’infrastructures sécuritaires pour le transport actif et reconnectera les quartiers centraux. Illustrations pages gauche et droite. La rue de la Couronne, avant et après l’arrivée du tramway. CR: Ville de Québec

 

Cinq pôles

Le tracé comprend cinq pôles d’échanges qui facilitent le passage d’un mode de transport à l’autre : bus, tramway, automobile, autopartage, vélo, marche.

Le pôle Le Gendre, sur l’avenue Blaise-Pascal, près de l’autoroute Félix-Leclerc, dans le secteur Chaudière (où se situe le magasin IKEA), offrira le plus grand stationnement incitatif de la région de la Capitale-Nationale, avec 817 places (500 de plus que l’actuel). Il sera intégré dans une aire de type TOD (milieu de vie axé sur les transports en commun et actifs), desservi par une nouvelle piste cyclable et sept quais d’autobus.

Plusieurs stations sont stratégiquement situées dans des sites à fort achalandage, comme Roland-Beaudin (Marché public et gare d’autocars de Sainte-Foy, campus Rochebelle), CHUL (desservant aussi les centres commerciaux du boulevard Laurier), Desjardins (campus Laval), Maguire (quartiers Saint-Sacrement et Sillery), Collège Saint-Charles-Garnier (hôpitaux, RAMQ), Colline Parlementaire et D’Youville (souterraines) et Cégep Limoilou. Illustration. La future station CHUL. CR: Ville de Québec

Le pôle Sainte-Foy, à l’angle des boulevards Laurier et Hochelaga, constituera une signature pour l’entrée de la ville. Celui de l’Université Laval comptera 16 quais d’autobus et une place publique.

Localisé au croisement des quartiers Saint-Roch, Limoilou et Saint-Sauveur, le pôle Saint-Roch deviendra la plus importante zone de connexion du centre-ville avec ses 18 quais d’autobus, une place publique et une reconfiguration de l’intersection avec l’autoroute Laurentienne, pour assurer une traversée sécuritaire vers le parc Victoria.



Enfin, le pôle D’Estimauville, implanté à la limite est du secteur de Maizerets, aux portes de Beauport, s’intégrera dans l’écoquartier actuel avec une nouvelle place publique et 15 quais d’autobus.

L’insertion du tramway sur le boulevard René-Lévesque, à proximité de l’avenue Cartier, présente plusieurs défis, notamment en raison de l’espace qui y est restreint, de la densité d’habitations et d’activités qu’on y retrouve, et de l’accessibilité à l’artère commerciale. Illustration. La Place Cartier. CR: Ville de Québec

Plusieurs stations sont stratégiquement situées dans des sites à fort achalandage, comme Roland-Beaudin (Marché public et gare d’autocars de Sainte-Foy, campus Rochebelle), CHUL (desservant aussi les centres commerciaux du boulevard Laurier), Desjardins (campus Laval), Maguire (quartiers Saint-Sacrement et Sillery), Collège Saint-Charles-Garnier (hôpitaux, RAMQ), Colline Parlementaire et D’Youville (souterraines) et Cégep Limoilou.

Des défis… et des arbres

Le projet comprend plusieurs défis majeurs. Ainsi, le tunnel, trop court pour justifier le creusage par tunnelier, sera aménagé selon des méthodes traditionnelles (haveuse ou dynamitage), sans excavation de surface.

Ce tunnel, qui comprend une pente maximale moyenne de 8 %, plonge sous le quartier Saint-Jean-Baptiste, longe la côte d’Abraham, passe sous l’avenue Honoré-Mercier, où se situe la station D’Youville (qui n’est pas sous la place du même nom), grimpe sous le boulevard René-Lévesque, rejoint la station Colline Parlementaire à la hauteur du Complexe G, puis refait surface au Grand Théâtre.



L’étroit boulevard René-Lévesque, entre l’avenue Myrand (campus Laval) et l’avenue Turnbull (Grand Théâtre), représente un défi d’insertion sur 4 km. Le tramway doit aussi circuler sur les rues exiguës du Vieux-Limoilou, un environnement résidentiel dense.

Le tracé entraînera l’abattage controversé de 1500 arbres dans les quartiers Saint-Sacrement et Montcalm, mais 80 % des 7000 arbres d’alignements du tracé seront protégés. «Le ratio de remplacement des arbres est tout de même de 20 plantations pour un abattage », souligne Daniel Genest.

Sur le boulevard René-Lévesque, les voies de circulation seront aménagées de part et d’autre d’une voie surélevée d’une dizaine de centimètres. Certains carrefours seront aussi surélevés.

Le tramway circulera au centre de la chaussée, et les stations seront aménagées de chaque côté des voies. Ces dernières comporteront un toit, des murs vitrés, des quais de béton chauffants, des espaces de stationnement pour vélos, une œuvre d’art et de la billettique, soit un outil automatisé de gestion des titres de transport. Pour donner une idée, les promoteurs évoquent un « abribus sur stéroïdes ».

Un nouveau centre d’exploitation et d’entretien

Parmi les chantiers d’envergure, un pont d’étagement au-dessus du boulevard Laurier, ainsi que la montée Mendel, entre les stations Chaudière et McCartney, composée d’un important talus en remblai et d’un pont d’étagement au-dessus de la voie du Canadien National. Le pont Drouin, qui enjambe la rivière Saint-Charles, sera aussi transformé.

Le réseau sera doté d’un Centre d’exploitation et d’entretien (CEE), rue Mendel, dont la dernière phase des travaux préparatoires commençait début février. Il s’agit d’un immeuble de 33 000 m2 (l’équivalent de six terrains de football) aménagé sur un terrain de 4,5 ha, où la décontamination effectuée à l’été 2022 a permis de retirer 40 500 tonnes de matières résiduelles et 3 800 tonnes de sols contaminés. On y fera l’entretien et la réparation du matériel roulant. Le CEE abritera un poste de commande centralisé de repli, véritable centre de contrôle du réseau.

On comptera aussi neuf vélostations offrant jusqu’à 400 places de stationnement cyclable intérieures et extérieures, de la vidéosurveillance, des accès contrôlés et des outils de mécanique pour vélos.

Un tramway toutes les 4 à 8 min à l’heure de pointe

Le tramway circulera entre 21 et 22 km/h, explique Daniel Genest, (la vitesse maximale est de 70 km/h) et prendra 55 minutes pour effectuer le parcours au complet, à une fréquence de 4 min aux heures de pointe. Chaque train, d’une capacité de 260 personnes (capacité maximale du réseau : 3900 passagers à l’heure par direction), sera climatisé, comptera plusieurs modules et fera 45 m de long. On pourra y circuler d’un wagon à l’autre.

Deux partenaires privés sont appelés à la réalisation du projet, l’un pour le matériel roulant (MR), le second pour les infrastructures (PP). À la fin de février on apprenait qu’Alstom obtiendra au minimum le contrat MR, puisqu’elle se retrouvait seule soumissionnaire. Les trains seront assemblés à La Pocatière, la conception sera réa­lisée à Saint-Bruno-de-Montarville. Alstom entretiendra aussi le MR pendant 30 ans. La signature du contrat est attendue à la fin d’avril et on espère dans les prochains mois la décision pour les infrastructures (PP).

La facture dépassera les 4 G$

La mise en exploitation est toujours prévue pour août 2028, après des essais de composants qu’on appelle « marche à blanc », qui seront effectués en été et en hiver. « On ne veut pas répéter les erreurs d’Ottawa », commente Daniel Genest, en faisant référence aux problèmes qu’a eus le train léger d’Ottawa avec la neige.

Pour la construction des infrastructures, l’appel de propositions se fera à la fin de l’été et le choix final d’un soumissionnaire, à la fin de l’année.

Signalons que la Ville de Québec a effectué à ses frais certains travaux préparatoires estivaux depuis 2020, essentiellement de relocalisation de réseaux techniques.

En février, elle octroyait un contrat à la firme CSINTRANS Inc. (CSiT) pour la mise au point de systèmes d’exploitation, de partage d’information aux voyageurs, de perception des titres de transport et de gestion de la mobilité.

Le financement autorisé du projet est de 3 365 G$, mais l’estimation des coûts s’élève à 3 965 G$. En février, les médias faisaient état d’une facture qui dépassera vraisemblablement les 4 G$. Québec assumera la moitié de la facture, Ottawa, 40 %, et la Ville de Québec, le solde. ■