MAGAZINE CONSTAS

Un poste de transformation de l’époque victorienne

Des fouilles archéologiques au poste de la Reine

« Les fouilles sont réalisées au moment de la décontamination et la remise aux normes. Lors du démantèlement d’une installation, nous avons la responsabilité de réhabiliter le terrain en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement du MELCC. » – Bertrand Émard, archéologue à Hydro-Québec

Le poste de transformation de la Reine est un poste de transformation installé dans le quartier Saint-Roch à Québec en 1894. Ce poste, longtemps propriété de la Quebec Power, une filiale de la Shawinigan Water and Power Company, a été acquis par Hydro-Québec au moment de la deuxième nationalisation, en 1963. C’est en 2016 que, jugé vétuste, il est finalement démantelé.

Par Jean Brindamour

Avant tout démantèlement on considère la valeur patrimoniale de certaines technologies plus anciennes qui pourraient se trouver sur ce site. « Il y a à Hydro-Québec, explique Bertrand Émard, conseiller environnement et archéologue, une spécialiste du patrimoine qui examine tous les projets de démantèlement d’équipement. Pour le poste de la Reine, elle a réalisé une étude qui a permis de récupérer plusieurs objets à valeur patrimoniale et même des témoignages d’anciens opérateurs du poste. Les objets récupérés se retrouvent dans la collection d’Hydro-Québec »

Une cohabitation délicate

« Dans cas-ci, note Daniel Banville, Conseiller aux relations avec le milieu, les travaux ont été confiés à un entrepreneur privé sous la supervision d’Hydro-Québec. Pour ce qui a trait à l’archéologie, le mandat des activités à réaliser a été composé par un archéologue d’Hydro-Québec, Bertrand Émard, soumis au ministère de la Culture puis confié à une firme d’archéologues experts. »



Ces travaux ont été réalisés en pleine ville : « Considérant qu’il s’agit d’un projet en milieu urbain, l’arrimage avec la Ville de Québec a été très important, souligne Daniel Banville. Par exemple, il a fallu considérer des travaux de la ville dans le même secteur et au même moment évitant ainsi des entraves à la circulation. Nous avons adapté nos échéanciers en conséquence. Des mesures d’atténuation pour la poussière et le bruit ont également été mises de l’avant. »

« Les relevés archéologiques doivent se réaliser sans compromettre les budgets prévus, le calendrier du projet et les obligations de chaque discipline, explique Bertrand Émard. »

« La cohabitation, note Bertrand Émard, entre les archéologues et les autres travailleurs et la machinerie nécessite la mise au point d’une démarche qui est rediscutée et améliorée chaque semaine ou à chaque événement nouveau. Il faut concilier plusieurs éléments, comme les activités de décontamination et de démolition. Les relevés archéologiques doivent se réaliser sans compromettre les budgets prévus, le calendrier du projet et les obligations de chaque discipline. »

 

Démantèlement de postes et lignes de transport, Poste de la Reine, octobre 2017.  CR: Hydro-Québec TransÉnergie

 

Pourquoi a-t-on conclu dans le cas du poste de la Reine que des fouilles archéologiques étaient de mise ? « Pour chacun de nos projets, répond Bertrand Émard, nous réalisons une étude de potentiel archéologique. Celle-ci a été réalisée il y a plus de 4 ans, en 2014, par l’examen des informations historiques pertinentes : cartes anciennes, récits, thèses, monographies, etc., qui furent consolidés dans un document, « Étude de potentiel archéologique du Poste de la Reine ». Ce document rassemble de nombreuses informations qui ont permis de préparer l’intervention par superposition cartographique. Bien que le potentiel ait été évalué comme étant très élevé, il reste que d’évaluer la probabilité que les vestiges (fondations, artefacts, etc.) soient toujours en place n’était pas facile. Il a fallu faire trois scénarios selon une probabilité forte, moyenne ou faible de la présence des vestiges et composer le mandat en conséquence. »

Les secrets d’un site

« L’analyse de toutes les données recueillies n’est pas terminée, poursuit l’archéologue. On dénombre entre autres : les fondations de sept habitations du XIXe, plusieurs portions de fondations de bâtiments industriels du XIXe, fort probablement les vestiges d’une fabrique de chandelles et de savon construite en 1830 et plusieurs portions de fondations associées au premier poste de la Montmorency Power (fin XIXe) ainsi qu’aux nombreux agrandissements qui ont suivi. Plusieurs portions de fondations dont on n’a pas encore pu faire le lien avec le bâtiment. Et au moins sept latrines, les toilettes extérieures au XIXe, qui contenaient une très grande quantité d’objets complets ou fragmentés (vaisselle, ustensiles, etc.). Les latrines servaient de dépotoir à chaque maison, avant la venue du passage des éboueurs au XXe. Sans avoir un décompte final, on estime avoir recueilli plus de cinq mille objets complets ou fragmentés, certains datant de la fin du XVIIIe, la plupart datant du XIXe siècle. »

 



 

Et les artefacts, à qui appartiennent-ils et où se retrouvent-ils ? « En vertu de la loi sur le patrimoine culturel du Québec, indique Bertrand Émard, les objets appartiennent au propriétaire du terrain sur lequel les fouilles ont eu lieu. C’est Hydro-Québec qui est propriétaire du terrain donc des objets recueillis. La décision de la destination des objets recueillis n’est pas encore prise. Compte tenu de la grande quantité et des conditions de conservation et de préservation requises, la décision n’est pas simple à répondre. Toutefois, le ministère de la Culture dispose d’un bâtiment, au centre de conservation du Québec, où se retrouvent la plupart des collections archéologiques du Québec, il est fort possible qu’Hydro-Québec en vienne à cette solution. »

« Les fouilles sont réalisées au même moment que la décontamination et la remise aux normes, poursuit l’archéologue. En fait, lors du démantèlement d’une installation, nous avons la responsabilité de réhabiliter le terrain en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement du MELCC. Pour ce faire, nous devons retirer tous les sols contaminés et les remplacer par du matériel sain. Dès que des vestiges sont mis au jour par les activités de démolition et que les échantillons de sol sont recueillis pour analyse, les relevés archéologiques commencent. Quand les relevés sont terminés, les travaux de démantèlement peuvent se poursuivre sans perte d’informations archéologiques significatives. » •