MAGAZINE CONSTAS

Mieux gérer les eaux pluviales

Une nouvelle façon d’aménager la ville

DOSSIER CONSTAS : LES ENJEUX D’UN AVENIR VERT
Infrastructures vertes à Montréal

« Les infrastructures vertes sont un domaine de multidisciplinarité: hydrogéologues, hydrauliciens, géotechniciens, ingénieurs en infrastructure urbaine, ingénieurs forestiers, architectes paysagers, urbanistes, etc. », explique David Courchesne.

Montréal est un territoire fortement imperméabilisé qui rend difficile l’infiltration des eaux pluviales dans les sols. La grande majorité de ces eaux est donc captée dans le réseau unitaire souterrain qui peine à tout gérer, ce qui peut créer des inondations locales et obliger parfois l’usine de traitement des eaux à surverser les eaux directement dans le fleuve, sans traitement. Les capacités techniques et financières étant limitées, il est impossible de refaire entièrement le réseau. Il faut donc agir à la source pour réduire l’apport d’eau dans le réseau municipal. Les infrastructures vertes apparaissent comme un incontournable pour atteindre cet objectif.

Par Elsa Bourdot et Soazic Le Priol

Concept apparu dans les années 80, l’infrastructure verte s’oppose à l’infrastructure grise (ouvrages techniques de drainage et de transport, tels que des conduites et des puisards). Elle désigne les espaces naturels et semi-naturels intégrés au milieu urbain et qui apportent plusieurs fonctions que ce soit en matières techniques, sociales et/ou environnementales.

En effet, ces infrastructures, qui incluent aussi bien de la végétation, des arbres que des rivières ou des plans d’eau, sont tout aussi utiles pour le bien-être des habitants que pour lutter contre les îlots de chaleur, améliorer la qualité de l’air et contrôler les eaux pluviales.

Ces dernières années, plusieurs projets de la Ville de Montréal ont permis d’intégrer des infrastructures vertes drainantes et de limiter ainsi les quantités d’eau captées par le réseau.

Sur ce dernier point, les infrastructures vertes jouent un rôle essentiel. En effet, dans une ville comme Montréal, où les sols sont fortement imperméabilisés, il est impératif de repenser l’aménagement urbain pour éviter les refoulements et inondations qui impacteraient les résidents. Cela est d’autant plus important que les changements climatiques risquent de multiplier les épisodes de fortes pluies dans les prochaines années.

Favoriser l’implantation d’infrastructures vertes à Montréal

Dans cette optique, la Ville de Montréal a lancé un groupe de travail en 2020 pour favoriser l’intégration d’infrastructures vertes drainantes dans les travaux d’aménagement urbain. Intitulé SETPluie (Stratégie intégrée de gestion des eaux en temps de pluie), ce programme d’une durée de 3 ans a pris fin en décembre 2022 pour se transformer en une équipe dédiée aux « infrastructures vertes ». Son objectif est d’optimiser les forces et de favoriser les échanges et les visions entre les différentes équipes du Service de l’eau dont les actions sont connexes.

« Les infrastructures vertes sont un domaine de multidisciplinarité (hydrogéologues, hydrauliciens, géotechniciens, ingénieurs en infrastructure urbaine, ingénieurs forestiers, architectes paysagers, urbanistes, etc.) Notre travail est donc de comprendre les enjeux de tous les intervenants. Cela représente un beau défi », explique David Courchesne, ingénieur au Service de l’eau de la Ville de Montréal, membre de cette nouvelle équipe.

La restructuration de l’avenue Papineau permet désormais de capter 92% des eaux de pluie. CR : Ville de Montréal.

 

L’équipe « infrastructures vertes » travaille déjà depuis août 2022 sur différents projets. Composée de deux ingénieurs, d’une chef d’équipe, d’un conseiller en urbanisme et d’une agente technique, l’équipe remplit différents rôles. « Nous intervenons, poursuit David Courchesne, dans les projets urbains de tous les services de la Ville. Notre rôle est de prodiguer des conseils sur les projets en cours pour atteindre nos objectifs. Nous gérons également un programme de subventions des projets internes de gestion des eaux pluviales réalisés sur les chaussées et dans les parcs. Nous participons aussi à l’effort de normalisation et de standardisation à travers des guides. Enfin, nous assurons l’accompagnement et la formation des professionnels sur ces sujets liés aux eaux pluviales. »



Établir des actions concrètes

L’intégration d’infrastructures vertes drainantes dans le paysage montréalais passe par des actions concrètes et chiffrées. L’équipe de David Courchesne intervient en temps opportun sur des projets afin de les rendre plus résilients. « Nous sensibilisons les entrepreneurs et accompagnons les arrondissements et les services centraux de la Ville pour les éclairer sur les objectifs d’infrastructures vertes drainantes. Nous commentons leurs aménagements et nous évaluons une volumétrie potentielle. »

L’intégration d’infrastructures vertes drainantes dans le paysage montréalais passe par des actions concrètes et chiffrées. L’équipe de David Courchesne intervient en temps opportun sur des projets afin de les rendre plus résilients.

Sur la chaussée, pour les rues existantes, un pourcentage de 2 à 10% d’infrastructures vertes est ciblé et pour les nouvelles rues, un minimum de 10%. En infrastructures vertes de rue, l’objectif de construction pour fin 2024 est de 8000 mètres carrés et dans les parcs, l’objectif est une volumétrie de 9000 mètres cubes.

« Pour les parcs, par exemple, nous analysons le secteur pour déterminer si cet espace public de loisirs peut être utilisé pour retenir les eaux. On va étudier s’il existe un point d’eau en dépression ou si le parc est en cuvette pour permettre l’écoulement des eaux en surface depuis les rues adjacentes », explique David Courchesne.

Des projets verts couronnés de succès

Ces dernières années, plusieurs projets de la Ville de Montréal ont permis d’intégrer des infrastructures vertes drainantes et de limiter ainsi les quantités d’eau captées par le réseau.

Les avancées de trottoir drainantes sont des infrastructures vertes efficaces pour réduire la quantité d’eaux pluviales captée par le réseau. CR : Ville de Montréal.

Le premier projet notable est celui du parc Pierre-Dansereau dans l’arrondissement d’Outremont. « Lors des fortes pluies, les chaussées avoisinantes se connectent au parc. Jusqu’à 130 m³ d’eau peuvent être captés dans cet espace de biorétention et de plaine. C’est particulièrement utile pour prendre le relais lorsque le réseau ne répond plus. »

Un autre projet important est celui de l’avenue Papineau, au nord de l’A40, qui inclut notamment 1,2 km de bassins de biorétention en ville, ce qui permet d’intercepter 92 % des pluies annuelles. « L’espace a totalement été repensé pour offrir un environnement beaucoup plus agréable et apaisant tout en étant hautement efficace pour capter les eaux pluviales ».

Enfin, le boulevard Perras a été reconçu pour envoyer les eaux pluviales vers une tranchée centrale qui vient humidifier l’argile présente en sous-couche, laquelle souffrait de problèmes d’assèchement entraînant des fissures de la chaussée. Ce nouveau système répond ainsi à deux problématiques à la fois.

« Bien que ces projets montrent le succès de l’intégration d’infrastructures vertes dans le paysage urbain, les enjeux qu’ils comportent ne sont pas toujours bien appréhendés par les entrepreneurs », rappelle David Courchesne. Le rôle de l’équipe « infrastructures vertes » est également d’informer et former les professionnels du secteur sur les défis liés aux eaux pluviales. David Courchesne œuvre à sensibiliser les entrepreneurs à ce sujet, comme à assurer le succès de l’implantation des infrastructures vertes à long terme. ■