MAGAZINE CONSTAS

Les données dans la construction

Un actif à valoriser pour plus d’efficacité

Dossier Constas / Congrès 2024 
Maîtriser les changements
de cette nouvelle ère

Les entreprises qui reconnaissent la valeur des données actuelles, et les utilisent, se préparent peu à peu aux changements, évitant ainsi une adaptation importante et les délais qui seront imposés par le demandeur d’ouvrage le moment venu. — Jean Lacroix

Ces dernières années, la valeur de la donnée a considérablement augmenté, devenant un pilier essentiel des stratégies d’entreprise. Grâce à l’évolution rapide de la technologie, l’accès à des informations de qualité est devenu plus facile que jamais. Aujourd’hui, l’enjeu majeur réside dans la capacité à exploiter ces données de manière optimale pour améliorer les performances de son entreprise. Yves Normandin et Jean Lacroix (Directeur de compte et Architecte technologique chez Momentum Technologies, une entreprise spécialisée dans la collecte et l’exploitation des données) nous donnent les clés pour comprendre pleinement le potentiel des données.

Par Elsa Bourdot

Jean Lacroix, Architecte technologique chez Momentum Technologies.

Q / Quelles nouvelles tendances émergent actuellement en matière de collecte, de gestion, d’acquisition et d’exploitation des données ?

R / Jean Lacroix — Dans tous les secteurs, il devient de plus en plus évident que l’information, c’est la base de tout. Les données publiques, fournies par le gouvernement, deviennent de plus en plus précises.

Dans ce contexte, les entreprises peuvent se demander comment résoudre leurs problématiques internes en tirant parti de leurs propres données ainsi que des données disponibles publiquement.

Tout l’enjeu réside dans la capacité à utiliser ces données afin d’aller chercher des gains d’efficacité et permettre aux entreprises de se différencier, quel que soit leur domaine d’affaires.

Q / Comment l’exploitation de ces données peut-elle bénéficier aux professionnels de la construction ?

R / Jean Lacroix — Dans le secteur de la construction, de nombreuses données sont collectées et analysées, mais trop souvent, elles ne sont pas exploitées, notamment lors de l’établissement de devis. Cette situation engendre une duplication des efforts, avec des professionnels devant refaire des évaluations et des visites pour des structures similaires. En standardisant et en transmettant ces informations, les entreprises peuvent augmenter leur productivité.

Pour se différencier et gagner en efficacité, les entreprises doivent valoriser les données disponibles en interne et en externe.

En effet, les données suivent un cycle de vie similaire à celui des infrastructures (ponts, routes, etc), les transformant en actifs tout aussi précieux. Il est donc important d’apprendre à gérer et exploiter ces données tout au long de leur durée de vie pour gagner en qualité, en efficacité et en sécurité.



Q / Pouvez-vous expliquer le concept de standardisation des données, comment le mettre en œuvre, et quels avantages cela apporte aux entreprises ?

R / Jean Lacroix — Il existe un grand nombre de données disponibles. Pour exploiter au mieux ces données, un travail de standardisation est essentiel. Certaines entités ont ainsi commencé à standardiser des documents dans le domaine de la construction pour assurer une terminologie cohérente au sein de l’Industrie.

Par exemple, la référence à une date ou à un panneau de signalisation peut varier d’une entreprise à l’autre. L’objectif de cette standardisation est d’harmoniser le format, le titre des données, et leur utilité, assurant ainsi une uniformité pour l’ensemble du secteur. Si pour le moment ces normes n’apparaissent pas comme obligatoires, il est recommandé aux entreprises de s’y intéresser pour faciliter l’échange de données.



Q / Pouvez-vous nous expliquer les enjeux liés à l’évolution des données et sur la manière dont l’intégrité de ces données est assurée au fil du temps ?

R / Jean Lacroix — L’évolution des données est cruciale. Lorsqu’on élabore un plan pour la construction d’un pont par exemple, le devis constitue une donnée initiale. Cependant, au fil du temps, d’autres personnes peuvent apporter des modifications sans que la source initiale ne soit mise à jour. Pour garantir la cohérence d’un actif, les paramètres et les informations devraient évoluer tout en étant actualisés à la source d’origine.

Au même titre qu’un pont ou une route, la donnée est un actif qu’il faut apprendre à valoriser tout au long de sa durée de vie.

L’intégrité des données consiste quant à elle à garantir que les informations sont réelles, précises et représentent fidèlement la réalité. Par exemple, lorsqu’une infrastructure vieille de 50 ans présente des défauts, il peut être difficile de déterminer les changements survenus depuis sa construction et la cause du problème. Maintenir l’intégrité des données tout au long de leur cycle de vie faciliterait le diagnostic des problèmes éventuels.

Q / Est-ce que l’optimisation des données telle que vous la décrivez a déjà été mise en place dans d’autres régions que le Québec ?

R / Jean Lacroix — Lors des incendies à Fort McMurray dans l’Ouest canadien, l’utilisation des données a été cruciale pour les compagnies d’assurance. Grâce à leur cartographie des territoires et à la localisation géographique de leurs assurés, combinées aux photos et projections des incendies, elles ont pu estimer les indemnisations potentielles en seulement 24 heures. Cette approche a permis une planification efficace et une mobilisation rapide des ressources nécessaires.

Dans d’autres pays, l’exploitation des données liées à l’état des routes, notamment à travers des caméras de surveillance et l’utilisation de Google Maps, offre de nombreuses possibilités. Ces technologies sont de plus en plus utilisées au Québec et présentent de nombreux cas d’utilisation potentiels.

Q / Bien que les donneurs d’ouvrage sollicitent encore rarement cette approche des données, pourquoi considérez-vous qu’il est crucial de se préparer ou de prendre des mesures à ce sujet dès aujourd’hui ?

R / Jean Lacroix — Les entreprises qui reconnaissent la valeur des données actuelles, et les utilisent, se préparent peu à peu aux changements, évitant ainsi une adaptation importante et les délais qui seront imposés par le demandeur d’ouvrage le moment venu.

Dans le secteur de la construction, la préparation et l’utilisation efficace des données sont cruciales. Par exemple, les entreprises participant à des appels d’offres pourraient optimiser leur processus de réponse et leur choix de projets en utilisant des données libres associées à leurs propres données internes.

Q / Comment les entreprises peuvent-elles prendre des mesures pour rejoindre le mouvement dès maintenant ?

R / Yves Normandin — Les entreprises peuvent commencer par évaluer leur situation actuelle en identifiant les éléments à optimiser en interne. Elles peuvent ensuite faire l’inventaire des données internes et externes disponibles, les mettant en relation pour déterminer les possibilités offertes par celles-ci afin de résoudre les différentes problématiques.

Pour se différencier et gagner en efficacité, les entreprises doivent valoriser les données disponibles en interne et en externe.

Au même titre qu’un pont ou une route, la donnée est un actif qu’il faut apprendre à valoriser tout au long de sa durée de vie. ■