MAGAZINE CONSTAS

Les durs effets de la pandémie sur la construction et l’approvisionnement

Discussion avec Alain Sawaya

La chaîne d’approvisionnement 
Enjeux et impacts sur la construction

Hausse du coût des matériaux, frénésie de rénovation résidentielle, difficulté à s’approvisionner en Chine en raison de sa politique de confinement stricte, travailleurs en arrêt à cause de la COVID, pénurie de main-d’œuvre… Tous ces facteurs, liés à la pandémie (mais pas uniquement), ont entraîné des difficultés dans les chaînes d’approvisionnement dans le secteur de la construction. Trois ans après le début de la pandémie, où en est-on? Discussion avec Alain Sawaya, associé services-conseils chez KPMG Canada.

Par Stéphane Gagné

Alain Sawaya, associé services-conseils chez KPMG Canada.

Depuis le début de la pandémie, le monde de la construction a dû s’ajuster à plusieurs situations inattendues. L’une de ces situations a été la frénésie de la rénovation résidentielle qui a entraîné une pénurie de certains matériaux et conséquemment, une hausse de leur coût.

« Aujourd’hui, les choses se sont un peu calmées à ce chapitre, dit Alain Sawaya. Avec l’inflation que l’on a connue ces derniers mois, les ménages consacrent plus leur énergie à l’essentiel [ex. : alimentation et logement], ils ont donc diminué leurs achats de matériaux et les prix ont baissé un peu. »

Difficulté à s’approvisionner à l’étranger

L’autre situation qui était difficile à prévoir a été la politique de confinement stricte qui a été en vigueur pendant plusieurs mois en Chine. Pendant ce temps, leurs usines tournaient au ralenti ou étaient carrément fermées. Cela a été le cas aussi dans certains autres pays, dans une moindre mesure. On s’en doute, cela a compliqué l’approvisionnement de matériaux provenant de ces pays. Pour contrer en partie cela, le gouvernement Legault a adopté, à la fin 2021, une politique encourageant l’instauration de circuits courts (achat local). « Cette solution, intéressante, relève de l’improbable, car il y aura toujours des matériaux qui proviendront de l’étranger, », dit l’associé de KPMG. Aujourd’hui, avec l’arrêt du confinement strict en Chine, l’approvisionnement est devenu moins compliqué.

Trois autres facteurs ont aussi changé la donne ces derniers mois : la disponibilité accrue des inventaires, la hausse des taux d’intérêt et la baisse des mises en chantier. « Cela a contribué à faire baisser la pression ainsi que les prix », affirme M. Sawaya.

Le « just-in-time » remis en question

Dans le plus fort de la crise de l’approvisionnement, certaines entreprises ont remis en question la philosophie du « just- in-time » pour le remplacer par le « just-in-case ». On parlait alors d’avoir de plus gros inventaires de matériaux stratégiques et des entreprises ont songé à accroître les surfaces d’entreposage pour être certaines d’avoir les matériaux en temps voulu. Alain Sawaya affirme toutefois que l’agrandissement des entrepôts a été somme toute marginal. « On a plutôt revu la configuration et l’emplacement des entrepôts afin d’optimiser les espaces dédiés aux matériaux jugés essentiels», dit-il.

Selon M. Sawaya, «la situation difficile vécue par plusieurs entreprises en construction, lors de la pandémie, les a forcées à améliorer la gestion de leurs stocks en développant davantage l’automatisation et en embauchant des analystes en gestion des stocks. Une embauche rendue toutefois difficile en raison de la pénurie de main-d’œuvre.»

Tenter de stabiliser les prix

Le secteur de la construction a dû aussi composer avec une autre difficulté : la fluctuation des prix, à la hausse ou à la baisse. Afin d’atténuer cet effet, compliquant la réalisation de projets, l’Association de la construction du Québec (ACQ) et ses partenaires ont négocié en 2021 avec la Société québécoise des infrastructures (SQI) une clause temporaire d’ajustement des prix pour certains types de matériaux. Cette clause volontaire, basée sur un indice développé par Statistique Canada, permet d’obtenir un dédommagement à la hausse ou à la baisse dès qu’un prix fluctue au-delà ou en-deça de 5 % de cette donnée. ■