MAGAZINE CONSTAS

Profiter de 80 ans d’expertise pour regarder vers l’avenir

Entrevue avec Marc Joncas, nouveau président du conseil d’administration de l’ACRGTQ

Les 80 ans de l’ACRGTQ  
Un héritage en construction
Marc Joncas
Marc Joncas

Marc Joncas est un vrai gars de routes. Président d’Eurovia Québec, il a passé toute sa carrière au sein de cette entreprise autrefois connue sous les noms de Vinci, DJL ou Désourdy. En entrevue, il va droit au but: «Je travaille dans cette industrie depuis que je suis sorti de l’école; j’en connais les enjeux, et nous sommes à un moment décisif.»

par Stéphane Desjardins

Il reconnaît qu’en 80 ans, l’industrie a eu tout un parcours dont elle peut s’enorgueillir. Et que l’ACRGTQ a admirablement représenté et appuyé ses membres. «Nous jouons un rôle important, notamment dans les relations de travail. Et c’est encore plus vrai avec la complexité qu’apporte la Loi R-20. Notre grande force, c’est l’accompagnement.»

L’Association est toutefois en mode changement. L’an dernier, elle a adopté un plan stratégique qui vise, notamment, une plus grande proximité avec les clients: Hydro-Québec et les gros donneurs d’ouvrages comme le ministère des Transports, évidemment.

Il en fait désormais son cheval de bataille.

Passer en mode collaboratif

«L’industrie est prête à passer davantage en mode collaboratif, et nos interlocuteurs nous ont tendu la main, ajoute-t-il. On doit désormais travailler à livre ouvert avec les clients. L’écrasante majorité de nos membres sont d’accord.»

Pourquoi ce changement? Parce que le contexte est plus ­difficile depuis la pandémie, avec la crise de la main-d’œuvre, les questions environnementales, la santé et sécurité.

L’industrie est prête à passer davantage en mode collaboratif. […]On doit désormais travailler à livre ouvert avec les clients.
– Marc Joncas

Marc Joncas insiste sur les nouveaux modes contractuels: «Nous sommes conscients que 20% à 30% des contrats pourraient être menés en mode collaboratif, surtout les plus gros et les plus complexes, impliquant du design et de l’ingénierie en amont. Aujourd’hui, la loi du plus bas soumissionnaire ne favorise pas l’innovation. Les solutions que nous proposons permettraient de générer des économies de temps et d’argent tant pour le contribuable que pour l’entrepreneur, en éliminant certaines contraintes. On a besoin d’innover, comme en Europe ou ­ailleurs.»

Il donne en exemple les contrats de performance, ou design-build (qui ressemble au mode PPP), avec des systèmes de pointage sur la qualité de la présentation et sur le prix.

Marc Joncas reconnaît à la fois de l’ouverture et de l’hésitation chez les donneurs d’ouvrages. Ils commencent à en saisir le potentiel, alors que ces contrats sont répandus partout dans le monde.

Diversité, sécurité, développement durable

En ce qui a trait à la pénurie de main-d’œuvre, l’industrie doit vraiment s’ouvrir à la diversité (femmes, autochtones, immigrants). «On doit arrêter de se plaindre et se questionner comme industrie sur les meilleurs moyens d’attirer les talents, alors que la vieille génération est encore aux commandes. Sur le terrain, on voit essentiellement des hommes blancs. Ailleurs, c’est différent. Des campagnes de communication avec la CCQ s’imposent. Comme employeurs, nous devons nous former pour nous ouvrir à la diversité. J’en fais la promotion au sein de l’ACRGTQ avec des exemples concrets: dans mon entreprise, nos mécaniciens tunisiens s’intègrent à merveille.»

En ce qui concerne la santé et la sécurité, certains clients, comme Hydro-Québec, sont très avancés. «Déjà qu’on manque de travailleurs, il faut s’assurer de ne pas les blesser, reprend-il. Comme industrie, on doit se regarder dans le miroir: certains acteurs doivent s’améliorer. Et les clients doivent aussi en faire plus: on réalise des gains de qualité et de productivité en isolant convenablement un chantier du trafic.»

Enfin, l’industrie doit moderniser ses équipements pour réduire sa consommation d’énergie. «Mais les clients doivent faire leur part: c’est idiot de prendre de la roche vierge de 10 millions d’années et de l’apporter à un chantier duquel on transporte des matériaux parfaitement recyclables vers l’enfouissement. Les clients peuvent contrôler la qualité du recyclage. On économise alors sur les matériaux et les émissions de GES. Notre industrie est un gros pollueur: si nous voulons attirer les jeunes générations, il faut changer nos habitudes.»