MAGAZINE CONSTAS

L’ancien pont Champlain doit maintenant disparaître

Un ouvrage titanesque à déconstruire dans les règles de l’art et du développement durable

Vignette (ci-haut à gauche). Plateforme géante sur barge-catamaran aux abords du pont / 1. Pour déconstruire les 30 travées du pont, NHSL et ses partenaires en ingénierie ont développé un outil unique composé, entre autres, d’une barge-catamaran de 76 m par 41 m (250 pi de long X 132 pi de large), ce qui équivaut à la superficie de deux patinoires de la LNH. Le système de levage présente la taille d’un immeuble de trois étages lorsqu’il est en position basse et de neuf étages au plus haut. CR: PJCCI et NHSL
Photo principale (ci-haut à droite). Plateforme géante sur barge-catamaran aux abords du pont / 2. Arrivée sur le chantier à la fin de décembre 2020, cette barge-catamaran est sur-montée d’un système de six tours de levage capable de supporter jusqu’à 4 800 tonnes et qui accueillera la plate-forme de déconstruction. S’ajoutent à cet outil hors norme une douzaine de systèmes hydrauliques conçus pour déplacer d’énormes pièces avec des charges au-delà de 30 000 lb. CR: PJCCI et NHSL

Déconstruire un vieux pont de six voies sur une longueur de 3,4 km au-dessus du fleuve Saint-Laurent ? 43 mois de travaux ! Et un budget de 400 M$, dont 225,7 M$ pour le seul volet déconstruction.

L’exécution des travaux de déconstruction du pont Champlain exige une coordination minutieuse des interventions et des méthodes de travail complexes qui soient à la fois efficaces et sécuritaires. Voici un aperçu de l’ouvrage titanesque à partir des réponses à nos questions fournies par Antoine Audoynaud et Simon Hébert, directeur et directeur de projet adjoint Construction chez NHSL, et de Nathalie Lessard, directrice des communications chez PJCCI.

Par Jean Garon

Rappelons que les deux partenaires qui composent la société Nouvel Horizon Saint-Laurent (NHSL), mandatée pour la réalisation de ce projet, sont les firmes Pomerleau et Delsan-AIM. Elles ont partagé leurs forces et expertises respectives pour développer des méthodes de déconstruction innovantes, sécuritaires et respectueuses de l’environnement et des communautés riveraines.

La gestion de l’échéancier et le séquencement des travaux constituent la pierre angulaire du projet. « Pour l’équipe de Pomerleau qui travaille sur le projet de déconstruction du pont Champlain d’origine au sein de la société NHSL, souligne Carolyne Filion, gérante Innovation Pomerleau – R&D et projets spéciaux, l’innovation consiste en l’ajout d’une fonctionnalité de mise à jour automatique de la séquence 4D lors de changements dans l’échéancier. »



L’ingénieur Antoine Audoynaud, gérant de la construction chez Pomerleau, précise que « cette nouvelle fonction permet de mieux visualiser l’avancement des travaux, de mieux planifier le travail et de mieux coordonner les parties prenantes, tout en communiquant des rapports plus justes au client ». Cette innovation leur a d’ailleurs permis de se voir décerner le prix Innovation 2021 de l’Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec (ACRGTQ).

Des travaux de déconstruction majeurs

Ce projet d’infrastructure consiste à déconstruire le vieux pont de six voies de circulation sur une longueur de 3,4 km au-dessus du fleuve Saint-Laurent. Il s’agit d’un projet en cinq volets d’une durée de 43 mois qui prendra fin en janvier 2024 et dont le coût total s’élèvera à 400 M$. À eux seuls, les travaux de déconstruction coûteront 225,7 M$, en plus des frais directs à venir liés à la mise en place de mesures sanitaires en contexte de pandémie. Les autres volets concernent la mise en place de mesures environnementales, la valorisation des matériaux de déconstruction, la réalisation de 11 projets de recherche et développement ainsi que le réaménagement des rives après la déconstruction (Héritage Champlain).

Démolition à l’aide de pelles mécaniques. La déconstruction des portions en rive à partir de jetées aménagées en bordure du fleuve et à l’aide d’équipements était déjà entamée en décembre 2020. CR: DJL

Des défis ingénieux

Déconstruire un tel ouvrage représente plusieurs défis aux plans sécuritaire, logistique et environnemental. « La conception des méthodes de déconstruction et la planification des travaux, expliquent les Communications de la société NHSL, ont dû tenir compte de l’état dégradé du pont dans toutes les phases de déconstruction. Le plan de sécurité a été mis en place tout au long du projet, assurant que la déconstruction de l’ouvrage se réalise sans danger, en tout temps, pour le public et les travailleurs ».



L’organisation logistique du chantier devait aussi tenir compte de plusieurs périodes de restriction dans l’échéancier (ex. : fraie des poissons au printemps), de la cohabitation avec d’autres chantiers majeurs à proximité (le REM et le pont Samuel-De Champlain), ainsi que de la coordination de plusieurs firmes d’ingénierie (structure, levage et architecture navale). Des firmes québécoises, américaines et européennes ont en effet participé à la conception du système de plateformes installées sur une barge-catamaran, et ce, en pleine période de pandémie.

Plateforme géante sur barge-catamaran aux abords du pont / 3. À l’été 2021, cette plateforme unique et ingénieuse débutera ses déplacements à l’aide d’une barge de traction qui sera assistée par trois remorqueurs pour la positionner sous la travée à déconstruire, et ce, avec une précision de 15 cm (environ 6 pouces). CR: PJCCI et NHSL

En tant que gestionnaire du projet, la société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI) s’est par ailleurs assurée d’intégrer les principes en développement durable à toutes les étapes du projet. Ça va des projets de compensation de l’habitat des poissons à des mesures pour compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES), en passant par un programme de traçabilité des matériaux. Ce dernier a pour but de suivre en temps réel les matériaux qui quittent le chantier vers le site repreneur, jusqu’à la destination finale.



Trois méthodes de déconstruction

La société NHSL procédera à la déconstruction du pont suivant trois différentes méthodes et un échéancier serré. La déconstruction des portions en rive sera effectuée dès cette année à partir de jetées aménagées en bordure du fleuve et à l’aide d’équipements standards (pelles mécaniques et grues).

Les travaux sur le fleuve, qui comptent pour plus de 65 % du projet, seront exécutés de 2021 à 2023 à l’aide d’un outil unique, soit un système de plateformes fixées à des tours de levage de grande capacité installées sur une barge-catamaran.

C’est à l’automne-hiver 2021-2022 que s’amorceront les travaux sur la structure métallique située au-dessus de la Voie maritime. On prévoit d’abord le retrait de la travée suspendue de 2 200 tonnes, et sa descente sur une barge à l’aide de vérins à câbles. Suivra le démontage des sections en porte-à-faux et des travées d’ancrage à l’aide d’une grue située sur les jetées et la digue.



Le chantier se terminera par la déconstruction des piles à l’aide de pelles haute portée en 2023 et la démobilisation des jetées d’ici janvier 2024. » Après la déconstruction, l’aménagement des rives à l’île des Sœurs, Brossard et sur la digue de la Voie maritime (incluant l’Estacade) est prévu pour 2024-2025.

La société NHSL souligne en terminant qu’il y a présentement entre 80 et 90 travailleurs à l’œuvre au chantier. Elle prévoit un pic de 200 travailleurs au début 2022, lorsque débutera la descente de la travée suspendue. La majorité des travaux seront exécutés de jour et en semaine. À l’occasion, des opérations ponctuelles seront réalisées de nuit ou de fin de semaine. ■


À propos du recyclage des matériaux
La déconstruction générera un volume colossal de matériaux qui totalisera près de 250 000 tonnes de béton, 25 000 tonnes d’acier et
12 000 tonnes d’asphalte à valoriser. L’objectif est de recycler ou de réutiliser 90% des matériaux, dont plus de 400 pièces d’acier du pont Champlain qui font l’objet d’un concours pancanadien.

4D
La gestion de l’échéancier et le séquencement des travaux constituent la pierre angulaire du projet. La société NHSL, incluant l’équipe de Pomerleau, ont innové à ce sujet en ajoutant une fonctionnalité de mise à jour automatique de la séquence 4D lors de changements dans l’échéan­cier.