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Immersion autoroutière entre l’Allemagne et le Danemark

Regard sur la construction du plus long tunnel submergé au monde

Photo d'en-tête (ci-haut)Le tunnel Fehmarnbelt / État d’avancement des travaux du portail, juillet 2021. On reste étonné par l’ampleur des excavations terrestres dont le profil rappelle la forme d’une grande baleine. En vignette et en surimpression, une représentation numérique du projet, côté Danemark. À noter qu’afin d’assurer une rapidité de construction, les immenses structures de bétons propres aux installations ont été construites directement sur le site du projet. Crédit : Femern A/S

Le futur tunnel Fehmarnbelt, un des plus importants projets d’infrastructures d’Europe des dernières années. Sa construction s’étalera sur près de 10 ans  (mise en service prévue en 2029). Son budget atteint les 7 milliards d’euros (10,24 milliards de dollars canadiens).

Si le tunnel sous la Manche, reliant l’Angleterre à la France, et le Transbay Tube à San Francisco ont longtemps été parmi les plus importantes infrastructures immergées, le futur tunnel Fehmarnbelt, qui permettra de traverser sous l’eau de l’Allemagne au Danemark, est en voie de battre un nouveau record. Avec ses 18 kilomètres submergés, il deviendra en effet le plus long tunnel sous-marin au monde.

Par Florence Sara G. Ferraris

Le tunnel Fehmarnbelt / Localisation. L’objectif du projet est de réduire les temps de déplacements entre l’île germanique de Fehmarn et l’île danoise de Lolland et, plus largement, entre Hambourg en Allemagne et Copenhague au Danemark. Crédit : Femern A/S

L’idée de relier l’Allemagne au Danemark en passant sous le détroit de Fehmarn Belt dans la mer Baltique est sur la table à dessin depuis plus d’une décennie. La construction du tunnel Fehmarnbelt, qui permettra de relier les deux pays, n’a pourtant débuté qu’en janvier dernier du côté danois. Les travaux menés par l’Allemagne devraient, pour leur part, commencer au courant de 2022.

Il faut dire que le projet suscite, encore aujourd’hui, de vives réactions, tant du côté allemand qu’au Danemark; le projet a également vu son échéancier fortement impacté par la pandémie de COVID-19. Les nombreux défis techniques inhérents au projet ont également forcé de profondes réflexions, notamment en raison de la longueur du tracé projeté sous l’eau.

Le tunnel Fehmarnbelt / État d’avancement des travaux danois, vue d’ensemble, juillet 2021. Crédit : Femern A/S

En effet, construit sur un peu plus de 18 kilomètres à plus de 40 mètres sous la mer, ce nouveau lien, qui desservira tant les automobilistes que les usagers du transport collectif, deviendra, au moment de son inauguration, le plus long tunnel sous-marin au monde. Il déclassera ainsi du même coup le Transbay Tube à San Francisco qui est emprunté par le Bart, le métro de la métropole californienne, depuis 1974.

Connexion optimisée

L’objectif : réduire de manière significative les temps de déplacements entre l’île germanique de Fehmarn à l’île danoise de Lolland et, plus largement, entre Hambourg en Allemagne et Copenhague au Danemark. L’idée est aussi de proposer une alternative au service de ferry offert entre Rødby et Puttgarden, qui permet le transport de plusieurs millions de passagers chaque année.



Or, alors que le service actuellement en place prend environ 45 minutes, le futur tunnel permettra d’effectuer le même trajet en une dizaine de minutes maximum, tant en voiture qu’en transport collectif. De fait, le projet d’art, une fois terminé, comprendra deux voies dédiées aux véhicules motorisés, en plus de deux voies réservées à une desserte en train électrique.

Défis techniques

Sans surprise, l’envergure du projet générera des coûts importants, de même qu’un échéancier à l’image de la taille de la future infrastructure. À l’heure actuelle, on estime ainsi que la construction du tunnel Fehmarnbelt s’étalera sur près de 10 ans ; la mise en service étant prévue au courant de 2029. Les travaux devraient nécessiter un budget de plus de 7 milliards d’euros (10,24 milliards de dollars canadiens), ce qui en fait un des plus importants projets d’infrastructures d’Europe des dernières années. À titre de comparaison, on évalue qu’en dollars d’aujourd’hui, le tunnel franco-britannique aurait coûté environ le double. À noter cependant qu’étant donné que ce nouveau tracé viendra optimiser le réseau routier et ferroviaire européen, l’Union européenne assume une partie des coûts reliés aux travaux.

Le tunnel Fehmarnbelt. La construction du tunnel nécessitera l’excavation de près de 19 millions de mètres cubes de pierres et de sables du fond marin. À propos de la pelle Simson. « Simson » est l’une des plus grandes pelles hydrauliques flottantes au monde. Elle a une portée de plus de 20 mètres et une taille de pelle de 34 m³, soit l’équivalent de 200 brouettes. Simson est en action pour creuser le chenal d’accès au port de travail danois de Rødbyhavn et à son bassin. Les matériaux d’excavation seront réutilisés pour renforcer les digues formant les limites des nouvelles zones de remise en état. Cliché de novembre 2020. Crédit : Femern A/S

Cette réduction des coûts s’explique notamment en raison des avancées techniques réalisées au cours des dernières décennies. Ainsi, si le tunnel sous la Manche avait été conçu à l’aide d’un tunnelier, celle du tunnel Fehmarnbelt s’appuiera sur de nouvelles techniques de fabrication, dont l’utilisation de pièces de béton préusinées qui seront assemblées directement sous l’eau, puis recouvertes de sédiments.

Le tunnel Fehmarnbelt / Visualisation d’un élément spécial dans la gouttière du tunnel. La structure bétonnée sera insérée dans une tranchée creusée à plus de 40 mètres dans le lit de la mer Baltique. Crédit : Femern A/S

De plus en plus utilisée pour concevoir des infrastructures terrestres, cette technique d’assemblage permet de réduire les frais de conception, en plus d’accélérer la cadence des travaux. Il s’agit toutefois d’une méthode de fabrication encore rarement mise à l’épreuve en milieu maritime, notamment en raison de la forte pression qui caractérise ses profondeurs.

Le tunnel Fehmarnbelt / Visualisation de l’immersion et de l’interconnexion des éléments du tunnel. La conception du tunnel se fait à partir de pièces de bétons préusinées, puis assemblées directement sous l’eau. Crédit : Femern A/S

Pour y arriver, les équipes du consortium responsable de la construction s’appuieront cependant sur des procédés techniques qui mettent à contribution cette pression aquatique. Celle-ci peut en effet servir de catalyseur pour faciliter et favoriser l’assemblage des pièces de cet immense casse-tête bétonné. Ces mêmes équipes devront par ailleurs procéder à la création d’une gigantesque tranchée. En tout, ce sont près de 19 millions de mètres cubes de pierre et de sable qui devraient être excavés du fond marin, soit l’équivalent de presque sept fois le volume de la pyramide de Khéops en Égypte.

Cette pierre et ce sable seront ensuite utilisés pour recouvrir la structure bétonnée et tenter de recréer l’écosystème aquatique perturbé par les travaux. Selon le consortium responsable des travaux, les répercussions environnementales devraient, de cette manière, être minimes à terme. ■

(Info : https://www.skyfish.com/p/femern)