MAGAZINE CONSTAS

CNESST. Cibler les secteurs à risque

Entretien avec Manuelle Oudar, présidente du conseil d’administration et chef de la direction

Le secteur de la construction est particulièrement propice aux chutes, aux incidents impliquant de la machinerie lourde et aux électrocutions.

Malgré les grandes améliorations observées au cours des dernières décennies en matière de santé et sécurité au travail, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et ses partenaires entendent poursuivre leurs efforts en matière de prévention. Pour y arriver, la Commission s’est dotée, en janvier 2017, d’un plan stratégique triennal dans lequel elle s’engage à concentrer le gros de ses efforts dans les secteurs d’activités économiques les plus touchés, de même qu’à mieux circonscrire les risques et les clientèles qui nécessitent une attention particulière.

Par Florence Sara G. Ferraris

Manuelle Oudar, présidente du conseil d’administration et chef de la direction de la CNESST. CR: CNESST

Depuis vingt ans, le nombre de lésions survenues en milieu professionnel a largement baissé au Québec, tous secteurs d’emplois confondus. Et les secteurs de la construction et de la voirie ne sont pas en reste. De fait, depuis 1997, le nombre d’accidents de travail enregistrés dans ces secteurs a diminué de 11,9 %, alors que les heures travaillées n’ont, pour leur part, jamais été aussi nombreuses.

Le travail est toutefois loin d’être terminé, indique Manuelle Oudar, présidente du conseil d’administration et chef de la direction de la CNESST. De fait, chaque année, on compte près de 7000 accidents sur les chantiers. Et le nombre de décès accidentels se situe toujours entre 10 et 20 par année, ce qui fait, qu’encore aujourd’hui, ce secteur est l’un des plus risqués au Québec.

Ce constat a poussé la CNESST à mieux cibler les milieux d’emplois qui comportent le plus de risques pour les travailleurs. « Notre planification pluriannuelle en prévention-inspection 2017-2019 prévoit que 75 % des interventions se feront dans [ces] milieux de travail prioritaires », explique Manuelle Oudar en spécifiant qu’en plus de la construction, des efforts seront aussi déployés « en fabrication, dans les soins de santé et en assistance sociale ainsi que dans les mines et les carrières ».

« Un chantier, peu importe sa grosseur, est un environnement de travail en constante évolution, avance Manuelle Oudar. Les conditions météorologiques y sont changeantes et la main-d’œuvre y est souvent nombreuse, ce qui fait en sorte d’accroître les risques. »

Risques ciblés

Pour y arriver, la présidente du conseil d’administration et chef de la direction de la CNESST estime qu’il est nécessaire de bien cibler les risques auxquels font face les travailleurs en fonction des emplois qu’ils occupent. Ainsi la Commission a-t-elle décidé de prioriser trois risques qui touchent une majorité de secteurs, à savoir le bruit, les chutes de hauteur et au même niveau, et le contrôle des énergies.

De manière plus spécifique, le secteur de la construction est particulièrement propice aux chutes, aux incidents impliquant de la machinerie lourde et aux électrocutions. « Un chantier, peu importe sa grosseur, est un environnement de travail en constante évolution, avance Manuelle Oudar. Les conditions météorologiques y sont changeantes et la main-d’œuvre y est souvent nombreuse, ce qui fait en sorte d’accroître les risques. »

Clientèles à risque

Certains groupes démographiques sont également plus à même de subir un accident en milieu de travail, note Manuelle Oudar. « Avec les années, on s’est rendu compte que les jeunes, les immigrants récents et les travailleurs expérimentés reviennent plus souvent dans nos portraits statistiques, énumère-t-elle. On a donc décidé de concentrer une partie de nos efforts à comprendre pourquoi et à développer des outils de sensibilisation ciblés. »

Par exemple, dans l’optique de freiner le nombre d’accidents touchant les plus jeunes travailleurs, la CNESST a implanté l’Escouade jeunesse. Déployées aux quatre coins du Québec, les équipes de l’Escouade jeunesse sensibilisent les jeunes directement dans leurs milieux d’emploi. « Il s’agit surtout de discuter avec eux des moyens qui peuvent être mis en place pour prévenir des accidents, explique Manuelle Oudar, et de leur faire prendre conscience que, la plupart du temps, de petits gestes anodins suffisent pour faire une différence. »

Partenariats nécessaires

Outre la prévention sur les risques, la CNESST souhaite au cours des prochaines années mieux outiller les employeurs et travailleurs du Québec quant à leurs droits et responsabilités en matière de santé et sécurité au travail. « L’objectif est de rendre l’ensemble des milieux de travail justes, équitables et sécuritaires, avance Manuelle Oudar, tout en soulignant qu’il s’agit là d’un défi de taille. On est convaincu que si on explique mieux les tenants et aboutissants légaux qui entourent le milieu du travail, on arrivera davantage à faire respecter les lois. »

La Commission entend, pour y parvenir, « accroître l’efficacité de ses activités de surveillance », tout en favorisant une meilleure prise en charge de ces questions par les milieux eux-mêmes. Pour ce faire, une étroite collaboration avec les associations professionnelles, avec les employeurs et avec l’ensemble des travailleurs est essentielle, reconnaît la présidente du conseil d’administration de l’organisation. « Notre rôle est d’exercer un leadership pour soutenir les milieux, note-t-elle. Mais ce sont les gens sur le terrain qui sont les premiers acteurs : la santé et la sécurité au travail, c’est une responsabilité qui incombe à tous. » •