MAGAZINE CONSTAS

Turcot et l’humain

Quand les travailleurs prêtent leur voix à la SST

La Voix des travailleurs en santé et sécurité (VTSS) était un comité réunissant un travailleur par corps de métier à l’emploi de KPH Turcot et un travailleur par sous-traitant comptant plus de dix employés.

Gérer la SST au chantier n’est pas une mince affaire, loin de là. Le danger y étant omniprésent, il est essentiel que les travailleurs participent activement à la prévention des accidents. Pour les mobiliser, KPH Turcot a choisi de leur donner la parole avec la Voix des travailleurs en santé et sécurité (VTSS), un comité dont la mission a été de favoriser l’adoption de méthodes de travail sécuritaires.

Par Marie Gagnon

Olivier Beaulieu

Concentration d’équipements lourds, forte densité urbaine et routière, aire de travail restreinte… le projet Turcot est sans contredit le lieu de tous les dangers. Toutes les cibles de tolérance zéro identifiées par la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) s’y trouvent réunies, sans compter les risques inhérents au chantier lui-même, qui consiste à reconstruire la principale plaque tournante de la circulation routière à Montréal par laquelle transitent, en moyenne, quelque 300 000 véhicules chaque jour.

Pour KPH Turcot, le défi est de taille : il s’agit de démanteler l’échangeur existant et d’en construire un nouveau, tout en maintenant la mobilité sur les autoroutes 15, 20 et 720. Le tout, en assurant la sécurité du public comme celle des travailleurs, et ce, pour la durée des travaux qui s’échelonneront du printemps 2015 au printemps 2021. Malgré un programme de prévention élaboré dès 2010, KPH Turcot a choisi d’aller plus loin dans la prise en charge de la SST en instaurant un style de gestion participative pour éliminer, sinon réduire de manière efficace, les risques du chantier.



Responsabiliser la base

Le consortium constitué de Construction Kiewit et de Parsons du Canada a en effet formé la Voix des travailleurs en santé et sécurité (VTSS), un comité réunissant un travailleur par corps de métier à l’emploi de KPH Turcot et un travailleur par sous-traitant comptant plus de dix employés. Son rôle : identifier les dangers; recenser les « ouf », ces accidents sans blessure ni dommage matériel, et résoudre les problèmes de SST soulevés par la base, c’est-à-dire les travailleurs eux-mêmes.

Une fois par semaine, les membres du comité VTSS rencontrent ainsi les représentants de la haute direction et leur font part des problématiques rencontrées en matière de prévention. De leur côté, les dirigeants s’engagent à donner suite rapidement à toute situation jugée hasardeuse. « Le comité VTSS travaille directement à l’implantation du programme de prévention, note Daniel Landry, directeur SST pour KPH Turcot. Il participe entre autres à l’organisation de nos rodéos SST en identifiant des messages spécifiques en lien avec les besoins du chantier. »

Sous haute surveillance. Un chantier routier comme celui de l’échangeur Turcot met en scène une flotte imposante d’équipements lourds. Avec en moyenne 900 travailleurs à pied d’œuvre, les risques d’écrasement et de heurts sont constants. Pour prévenir les accidents, les membres du comité VTSS ont suggéré le recours au système anticollision CAT Detect pour personnel (CDP). « Les casques des travailleurs sont équipés d’une bande magnétique qui permet au système de les repérer lorsqu’ils se trouvent dans la zone de danger, indique Daniel Landry. » CR: CAT.

 

Des exemples ? Dans le cadre des rodéos SST, les membres du comité VTSS ont notamment fait venir un véhicule spécialisé de la société 3M pour démontrer les conséquences d’une chute de 2 mètres sur le corps humain. Ils ont également invité des conférenciers, dont Jonathan Plante, ce charpentier-menuisier aujourd’hui cloué dans un fauteuil roulant à la suite d’une chute de hauteur. Ils ont aussi présenté des équipements de protection individuelle à leurs collègues lors d’une activité de sensibilisation.



Susciter l’engagement

Daniel Landry directeur SST

« On a donné la parole aux travailleurs parce que, contrairement à l’ingénieur qui est assis dans son bureau, ils sont mieux placés pour identifier les risques, mentionne Olivier Beaulieu, directeur du projet en 2020 pour KPH Turcot. On « by-pass » en quelque sorte le contremaître et le surintendant, qui sont plus axés sur la production, et on crée un pont entre la haute direction et les travailleurs qui sont à pied d’œuvre au chantier. Lorsqu’un problème surgit, le travailleur le rapporte à son représentant qui, à son tour, le fait remonter jusqu’à la direction. »

En donnant la parole aux travailleurs, KPH Turcot s’est assuré de leur engagement envers la SST.

Il ajoute que le travailleur qui soulève un problème de SST sans craindre de se faire renvoyer, qui est impliqué dans son analyse, qui participe à la recherche d’une solution adéquate et contribue à son implantation, ne peut que se sentir engagé en prévention. Et la formule semble porter ses fruits : le dernier incident date de juin 2017, alors que près de 1 200 travailleurs s’affairaient au chantier. Et l’année 2020 devrait se clore sur une note parfaite, sans aucun événement enregistrable malgré le million d’heures déclarées. ■


PRIX DÉFI PRÉVENTION SST DE L’ACRGTQ

Kiewit s’est mérité le prix Défi santé et sécurité du travail remis en 2019 par l’ACRGTQ. Kiewit a mis en place les mesures préventives prescrites au Code de sécurité pour les travaux de construction ainsi que la mise en place de bonnes pratiques, notamment en élaborant un plan de circulation afin de restreindre les manœuvres de recul, en délimitant les zones spécifiques des manœuvres de recul, en s’assurant de la présence d’un signaleur de chantier formé lors de ces manœuvres et en délimitant des zones spécifiques pour les stationnements et les piétons.
Le récipiendaire a également implanté un système d’appareils de détection anticollision, personne-équipement, lors de travaux à proximité d’équipements lourds.
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