MAGAZINE CONSTAS

Une piste d’atterrissage recyclée

La réhabilitation de la piste 06-24 à Mirabel

Chronique Béton

Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, l’aéroport de Mirabel est toujours en exercice. Pôle aéronautique, YMX est même le 3e en importance internationale. Si ce n’est plus une aérogare de voyageurs, les pistes sont utilisées pour les essais des entreprises aéronautiques et surtout le fret de marchandises qui représente la majeure partie de l’activité de l’aéroport. Une des deux pistes vient d’être réhabilitée… en recyclant ses matériaux d’origine.

par Michel Joanny-Furtin

«Construite en 1974 et inaugurée le 4 octobre 1975, la piste 06-24 et la baie d’attente 06 de l’aéroport de Mirabel étaient arrivées en fin de vie utile et leur réfection était nécessaire », explique Mihai Popescu, directeur adjoint Gestion de projets et construction chez Aéroports de Montréal.

« La réhabilitation de cette installation de 61 m de largeur (200 pi.) sur 3 658 m de longueur (12 000 pi.) représente un investissement de 60 millions dont 45 M$ pour la réfection de la piste et de la baie. Il ne s’agissait pas de refaire une nouvelle piste, précise M. Popescu, mais d’enlever une partie de la piste existante en remplaçant ou en complétant ce qui était nécessaire, notamment la partie centrale reconstruite par-dessus celle-ci, selon des spécificités techniques plus exigeantes compte tenu de l’évolution des avions de gros volume. »

« Il était urgent de réhabiliter cette piste 06-24, poursuit l’ingénieur, puisque Aéroports de Montréal prévoit de fermer la seconde. D’où l’intérêt de mettre à niveau la chaussée en l’équipant des derniers dispositifs électroniques. Bâtie désormais pour toutes sortes d’avions, la piste 06-24 de Mirabel est la deuxième plus longue piste au Canada après Calgary. »

Après deux mois de travaux préliminaires (octobre/novembre 2015), consacrés à l’accès au site et l’installation d’une clôture périphérique d’environ 4 km, le chantier s’est déroulé du 1er décembre 2015 au 16 novembre 2016, équipé de deux usines de béton et d’un laboratoire.

Équipé de deux usines de béton et d’un laboratoire, le chantier fut en exercice 24h sur 24, 7 jours sur 7, du
1er décembre 2015 au 16 novembre 2016.

 

Deux défis : le recyclage et le calendrier

« Nous avions deux défis à relever », précise Jean-François Côté, ingénieur chez Demix construction qui a coordonné les étapes du chantier dans les délais prévus. « Le premier défi, c’était qu’aucun matériau ne sorte à l’extérieur du chantier. La démolition a généré l’enlèvement de plus de 50 000 m3 de béton de ciment et béton bitumineux. Une fois concassés, ces matériaux ont été recyclés dans les zones de rehaussement et renivellement, limitant ainsi le camionnage et l’impact environnemental. Dans le même ordre d’idée, la terre végétale existante, importante pour le drainage, a été décapée, tamisée et amendée pour être réutilisée sur l’ensemble du site. Le second défi concernait le calendrier du chantier afin d’éviter les retards dus aux saisons. L’éloignement des zones résidentielles nous a permis de garder le chantier en exercice 24h sur 24, 7 jours sur 7. La démolition avait commencé à la fin de l’hiver. Le bétonnage puis l’asphaltage ont été faits pendant la période estivale. »

À l’origine, la structure de cette chaussée rigide sur base stabilisée au ciment, était constituée de dalles de 380 mm d’épaisseur (15 pouces) et de joints non goujonnés sur 200 mm de base stabilisée au ciment, 100 mm de pierre concassée et 500 mm de sable ou sous-fondation existante. « En se fiant sur le trafic actuel et projeté de YMX (Montréal-Mirabel), des dalles de béton de 360 mm d’épaisseur suffisent. Mais les dalles existantes sont de 7,5 m par 6 m (24 pi. x 20 pi.), demandant une épaisseur minimale de 410 mm. »

Bâtir neuf sur l’existant

« Une portion des couches inférieures a été conservée, servant de base au nouveau revêtement », précise l’ingénieur Jean-François Côté. « Le concept choisi pour la réhabilitation consistait à un rehaussement avec une chaussée composite rigide, et une reconstruction de la partie centrale de la piste et des intersections avec voies de circulation et baie d’attente. L’utilisation d’une membrane sur toutes les surfaces permettait une séparation complète entre les nouvelles dalles et la chaussée sous-jacente existante. »

En ce qui concerne le drainage, une installation primordiale sur une piste d’atterrissage pour qu’elle s’assèche rapidement, 12 000 m de drains et 130 puisards ont été inspectés et/ou remplacés. Enfin, une inspection complète a statué que tous les systèmes électriques de la piste devaient être remplacés, soit environ 750 lumières, plus de 150 000 m de câbles, et plus de 38 circuits électriques. « Nous avons installés des conduits dans le terrain naturel et des carters dans le béton existant, ajoute M. Côté. Et d’autres conduits ont été encastrés dans le béton… »

 


Trois types de bétonnage pour une piste

  1. Bétonnage à la machine (Guntert & Zimmerman S850). Dalles de 7,6 x 6,1 m coulées dans la zone centrale de la piste (whitetopping). Membrane de type Reflectex de Propex.
  2. Bétonnage à la machine (Guntert & Zimmerman S1500). Deux rangées de dalles 5m x 5m en une coulée dans les zones de reconstruction. Membrane de type SX130T de Texel.
  3. Bétonnage à la main. Requis pour les dalles de formes irrégulières, les dalles armées ou entre les arrêts de bétonnage. Vibration manuelle et finition par une finisseuse mécanique à trois rouleaux.