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projet Northern Gateway d’Enbridge

Le projet Northern Gateway d’Enbridge

Une approche fédérale inachevée

DOSSIER DU NUMÉRO 37  / LES PIPELINES

Le 30 juin dernier, la décision de la cour d’appel fédérale concernant le projet de pipeline Northern Gateway a suscité un vaste intérêt dans tout le pays parce qu’elle semblait sonner le glas du projet. Selon le jugement du tribunal, « le gouvernement fédéral a manqué à son obligation de consulter les Premières nations, et omis d’exposer les prochaines étapes du processus ». Le projet doit retourner sur la planche à dessin d’Ottawa.

Par Michel Joanny-Furtin

Malgré les controverses entourant le projet, le gouvernement Harper l’avait approuvé en juin 2014, moyennant 209 conditions liées à la protection de la faune et une garantie de 950 M$ en cas de déversement accidentel. N’oublions pas que ce projet d’oléoduc prévoit traverser près d’un millier de cours d’eau et implique en conséquence une large problématique environnementale.

« Avec la collaboration des peuples métis et des Premières Nations, nous sommes en train de construire un projet de partenariat selon un modèle jamais réalisé auparavant. »
(John Carruthers, président d’Enbridge)

La Cour d’appel fédérale a entendu les préoccupations des peuples autochtones concernant le projet Northern Gateway. Bien que le tribunal ait jugé que le rapport de la Commission d’examen conjoint (CEC) était acceptable et soutenable sur les faits et la loi, les juges ont conclu que la poursuite des consultations par l’État était nécessaire. Selon le jugement, la CEC et Northern Gateway se sont acquittés correctement de leurs missions, mais il invite le gouvernement fédéral à reprendre une consultation plus approfondie des communautés autochtones (1).

Développer un nouveau modèle de collaboration

L’affaire étant renvoyée au gouvernement fédéral pour une nouvelle détermination, Northern Gateway consultera ses partenaires autochtones et les promoteurs commerciaux pour déterminer les prochaines étapes. Ceux-ci « sont pleinement engagés à la construction de ce projet crucial d’infrastructure canadienne, tout en protégeant l’environnement et le mode de vie traditionnel des peuples et des communautés des Premières nations et des Métis le long du tracé du projet », a déclaré John Carruthers, président de Northern Gateway à l’annonce de la décision de la Cour d’appel fédérale.

Northern Gateway partage l’avis du gouvernement fédéral sur les projets de pipelines qui doivent être conçus selon les plus hauts standards de sécurité et de protection de l’environnement : « Avec la collaboration des peuples métis et des Premières Nations, nous sommes en train de construire un projet de partenariat selon un modèle jamais réalisé auparavant. Ceci est un véritable partenariat entre l’industrie pipelinière, les Premières nations et les peuples Métis », ajoute le président Carruthers.


1117 km X2

Soumis dès 2005 à l’Office national de l’énergie, l’oléoduc Northern Gateway représente un investissement de 7,9 milliards $, pour la construction de deux oléoducs parallèles de 1 177 km chacun entre un terminal terrestre albertain de Bruderheim en Alberta et le terminal maritime de Kitimat en Colombie-Britannique pour les marchés asiatiques. L’oléoduc transporterait le pétrole des sables bitumineux vers l’ouest et son parallèle vers l’est acheminerait 193 000 barils par jour de diluant pour pétrole brut importé de Russie. Des installations maritimes de chargement des pétroliers et de déchargement des bateaux-citernes complètent le projet d’Enbridge.

L’obligation de consulter. Réflexe ou culture ?

Cette décision de justice de la Cour d’appel fédérale ramène au-devant de l’actualité un fait à définir comme un nouveau réflexe à intégrer, une culture à développer au cœur des entreprises d’exploitation territoriales : l’obligation de consulter la population impactée. Selon un article du cabinet d’avocats McCarthy Tétrault, publié le 17 juillet 2007, en novembre 2004, dans l’arrêt Nation Haïda c. Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada a confirmé l’obligation incombant à la Couronne, et non aux tiers, de consulter les communautés autochtones. « Bien qu’elle ne leur confère pas de droit de veto, cette obligation de consultation prend en compte les intérêts des communautés autochtones dans l’exploitation des ressources si les mesures adoptées présentent des effets préjudiciables anticipés », lit-on sur la page web du cabinet juridique.

Une forme de jurisprudence

Résultant de précédents litiges sur la consultation des peuples autochtones, certaines juridictions canadiennes (Québec, Colombie-Britannique) ont initié une certaine jurisprudence en la matière, indique-t-on. Ainsi, « les communautés autochtones doivent démontrer comment leurs activités traditionnelles et leurs intérêts sont mis en péril par les décisions gouvernementales qu’elles contestent. En parallèle, elles participeront de bonne foi et activement aux efforts de consultation de la Couronne, en évitant des positions déraisonnables lors du nécessaire dialogue avec les gouvernements. »

En résumé, le cabinet d’avocats avance que « les entreprises faisant l’exploitation de territoires visés par des revendications autochtones ont intérêt à développer de bonnes relations avec les communautés autochtones concernées, en plus de veiller à ce que la Couronne agisse honorablement. Tout comme les obligations de nature environnementale, les enjeux autochtones devraient recevoir une attention spécifique de la part de tout exploitant du territoire. » •