MAGAZINE CONSTAS

L’ancien pont Champlain en déconstruction

Un projet à haute teneur environnementale

FOCUS SUR... LA DÉCONSTRUCTION ET SES TECHNIQUES

Le démantèlement de l’infrastructure obsolète pose des défis de taille en matière de protection et de préservation de l’environnement.

Nous en avons parlé dans notre numéro d’été. Au-delà des défis techniques et de génie civil, la déconstruction de l’ancien pont Champlain, situé dans la région de Montréal, force une réelle réflexion quant aux impacts possibles sur l’environnement. Au cœur du travail : la préservation de l’écosystème du fleuve Saint-Laurent et la revalorisation des matériaux de construction. Approfondissons le sujet.

Par Florence Sara G. Ferraris

Mis en branle au début de l’été 2021, les travaux de démantèlement de l’ancien pont Champlain marqueront le paysage entre Montréal et sa rive sud au moins jusqu’en janvier 2024. Car plus qu’un simple chantier de génie civil, ce projet d’envergure pose une série de défis, notamment en raison de l’emplacement de l’infrastructure, à même la voie navigable la plus importante au Canada. Il s’agit d’un premier exercice du genre au pays.



 

De fait, les piliers de l’ancien lien autoroutier, qui s’étale sur plus de trois kilomètres, sont directement dans le lit du fleuve Saint-Laurent, ce qui, en plus de complexifier l’exécution des travaux, pose des risques réels pour l’écosystème fragile du fleuve. « Autrefois, une telle déconstruction aurait pu simplement se faire par dynamitage, note la directrice des communications de la société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI), Nathalie Lessard. Or, en 2021, tous les projets d’infrastructure, peu importe leur nature, doivent tenir compte de leur impact environnemental. »

ancien pont Champlain, structure de renforcement. Treillis modulaires utilisés pour renforcer les poutres de rive.
CR : Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée

Un autre important chantier, de réflexion celui-là, a donc été mis sur pied en amont des travaux pour limiter les répercussions sur la faune et la flore du fleuve et sur ses berges. Un exercice d’idéation a également été réalisé afin de s’assurer du recyclage et de la revalorisation des tonnes de matériaux recueillies au fil du démantèlement.

Mesures de mitigation

Sur le terrain, il n’en demeure pas moins que les travaux auront un impact sur l’écosystème fragile du fleuve, que ce soit sur la flore du fond marin ou sur l’habitat des populations de poissons qui transitent par ces secteurs, entre autres en période de fraie. Parmi les actions qui posent un risque, notons l’inévitable ajout de remblai et la construction d’une jetée semi-permanente pour la totalité des travaux afin de permettre à la machinerie d’accéder aux portions du pont situées dans le fleuve. « C’est quelque chose qu’on n’a pas le choix de faire, explique Nathalie Lessard. Un travail de réhabilitation du milieu sera donc nécessaire en aval, en plus des mesures de compensation que nous mettons déjà en place pour faire contrepoids. »

 

Déconstruction de l’ancien pont Champlain (2020). Corridors migratoires. Aménagement du corridor de migration des poissons par excavation dans la jetée. CR : Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée

Concrètement, cela passera entre autres par différents projets de compensation approuvés par Pêches et Océans Canada, affirme la porte-parole. La PJCCI entend notamment procéder à l’aménagement d’une plaine inondable sur une terre agricole située à Saint-Ignace-de-Loyola. Débutée cette année avec la plantation de végétaux propices à la reproduction des poissons, « cette mesure compensatoire sera permanente, alors que les impacts des travaux devraient s’atténuer une fois qu’ils seront terminés dans trois ans », souligne Nathalie Lessard.

« Des caméras ont même été installées en collaboration avec l’Institut national de recherche scientifique pour observer et mesurer les impacts des travaux sur les populations de poissons », souligne Nathalie Lessard.

 


 


Bien sûr, insiste-t-elle, des actions sont également prévues pour limiter les impacts directement sur place. Par exemple, des corridors de migration ont été creusés à même la jetée afin de permettre aux poissons de continuer à circuler dans le secteur. « Des caméras ont même été installées en collaboration avec l’Institut national de recherche scientifique pour observer et mesurer les impacts des travaux sur populations de poissons. » Des mesures pour minimiser l’impact du bruit, des techniques de construction et des émanations de poussière ont aussi été mises en place.

Déconstruction de l’ancien pont Champlain (2020). Mesure de mitigation / aménagement d’une plaine inondable sur une terre agricole située à Saint-Ignace-de-Loyola. CR : Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée

Recyclage et revalorisation

Outre les impacts sur l’environnement immédiat, la déconstruction générera aussi une quantité impressionnante de déchets industriels. En tout, on estime en effet qu’environ 290 000 tonnes de matériaux devront être démantelées, soit quelque 250 000 tonnes de béton, 25 000 tonnes d’acier et 12 000 tonnes d’asphalte. Sur ce nombre, c’est finalement près de 90 % qui seront revalorisés, recyclés ou réutilisés. « C’était une préoccupation que nous avions dès le départ, affirme Nathalie Lessard de la PJCCI. C’est d’ailleurs pour ça que des demandes allant en ce sens ont été intégrées aux exigences contractuelles lors des appels d’offres. »

90 % des 290 000 tonnes de matériaux à démanteler, soit quelque 250 000 tonnes de béton, 25 000 tonnes d’acier et 12 000 tonnes d’asphalte, seront revalorisés, recyclés ou réutilisés.

Un système de traçabilité a aussi été mis en place pour veiller au suivi de la seconde vie de ces matériaux. Par exemple, on pourra retrouver dans les prochaines années les treillis modulaires installés pour renforcer la structure de l’ancien pont puisqu’ils seront réutilisés dans différents projets d’infrastructure aux quatre coins de la région métropolitaine. ■