MAGAZINE CONSTAS

Premier bilan d’une présidence

Entretien avec Éric Martel,PDG d’Hydro-Québec

Éric Martel a été nommé, le 3 juin 2015, président-directeur général d’Hydro-Québec. Après nous être entretenu avec lui au tout début de son mandat, nous l’avons rencontré de nouveau, en fin d’année 2016, afin d’obtenir un état des lieux de notre grande société d’État et un premier bilan de sa présidence.

Par Jean Brindamour

Q. Monsieur le président, vous aviez énoncé, lors de votre nomination, quatre grands objectifs qui nécessitaient un « changement de culture » (c’est votre expression) : une plus grande transparence, un meilleur service à la clientèle, une croissance des activités et une amélioration de la productivité. Y a-t-il eu des progrès quantifiables depuis 2015 dans chacun de ces quatre objectifs ?

R. Absolument ! Les priorités que vous mentionnez sont en fait les quatre grands objectifs que nous avons campés dans notre plan stratégique 2016-2020, qui sont de doubler nos revenus d’ici 15 ans, devenir une référence en matière de service à la clientèle, contribuer au développement économique puis à la transition énergétique du Québec et enfin, limiter les hausses tarifaires à un niveau inférieur ou égal à l’inflation.

« Il y a bien sûr la Romaine qui va se poursuivre jusqu’en 2020. Le projet avance bien. Il est réalisé dans les budgets et dans certains cas, plusieurs mois en deçà des échéanciers prévus »

Les actions prises ont déjà permis d’obtenir des résultats bien tangibles. Nous avons rapidement constaté que la satisfaction de la population envers Hydro-Québec s’est améliorée de façon considérable au cours de la dernière année. Ces résultats étaient de 82 % en 2015 alors que les six derniers mois ont été à plus de 90 %.

Parmi les mesures que nous avons mises en place en ce qui a trait au service à la clientèle, nous retrouvons l’ouverture de nos centres d’appels de soir et de week-end. Pour la première fois cette année, nous avons été ouverts le 1er juillet, une date très importante pour les aménagements et déménagements. Tous ces changements ont été faits en collaboration avec nos employés, mais à un coût nul.

Nous avons fait une refonte complète de notre site Web, afin de mieux y accueillir nos clients. Nous avons élaboré des nouveaux services qu’on appelle « les libre-services » sur le Web et le mobile. Ces «libre-services » permettent aux clients une plus grande autonomie.

Nous avons également revu les processus de raccordements multiples, c’est-à-dire qui impliquent plusieurs intervenants, comme des maîtres électriciens.

Nous avons aussi respecté notre engagement de limiter les hausses tarifaires à l’inflation ou en deçà. Hydro-Québec a soumis à l’approbation de la Régie de l’énergie une demande visant une modification tarifaire de 1,6 % à compter du 1er avril 2017. Rappelons que la décision de la Régie pour 2016 s’était finalement établie à 0,7%.

« La première stratégie pour rencontrer l’objectif de doubler les revenus d’HQ est la croissance des exportations. »

Q. Et qu’en est-il de l’objectif de doubler les revenus d’Hydro-Québec  ?

R. La première stratégie pour rencontrer cet objectif est la croissance des exportations. Nous avons signé le plus important contrat d’échange d’énergie avec l’Ontario en septembre dernier, un contrat qui tire profit de la complémentarité des deux marchés – l’Ontario connaît sa plus forte demande en été tandis qu’au Québec, c’est en hiver – pour optimiser la production d’électricité et réduire les gaz à effet de serre.

Au cours des dernières années, la répartition des ventes dans les différents marchés est assez stable : la moitié en Nouvelle-Angleterre, 25 % dans l’État de New York et le reste réparti entre l’Ontario et d’autres marchés.

La transition vers des sources d’énergie moins émettrices de gaz à effet de serre crée d’intéressantes occasions d’affaires pour Hydro-Québec.

Par ailleurs, la récente adoption d’une législation au Massachusetts ouvre la voie à des contrats à long terme pour des quantités considérables d’hydroélectricité. Hydro-Québec entend bien participer à un prochain appel de propositions pour aider le Massachusetts à rencontrer ses objectifs de réduction des GES.

L’État de New York et la ville de New York ont d’importantes cibles de réduction de carbone dans le secteur énergétique et des discussions se poursuivent pour déterminer comment l’hydroélectricité québécoise peut contribuer au mieux à l’atteinte de ces objectifs.

Q. Où en êtes-vous dans l’application du Plan stratégique 2016-2020 et dans son arrimage avec la Politique énergétique 2016-2025, que le gouvernement du Québec a rendu publique à la fin de  2015 ?

R. L’application du plan stratégique est bien amorcée. On peut penser par exemple à la conversion des réseaux autonomes à des sources d’énergies plus propres et moins chères. Hydro-Québec s’est engagée à lancer des appels de propositions pour l’ensemble des réseaux d’ici 2020. En 2016, Hydro-Québec a débuté les processus d’appels d’offres pour les Îles-de-la-Madeleine et la communauté d’Obedjiwan (Opitciwan) en Haute-Mauricie.

Nous avons également entrepris des actions pour contribuer au développement économique du Québec en lançant une offensive pour attirer les centres de données dans la province.

Q. Un mot sur l’électrification des transports, avec notamment le déploiement des infrastructures pour la recharge des véhicules. Y a-t-il eu des progrès en ce domaine ?

R. Nous sommes engagés depuis plusieurs années à soutenir l’électrification des transports et il s’agit d’un engagement que nous avons renouvelé dans notre plan stratégique.  À ce jour, le circuit électrique compte 9 580 membres et 150 partenaires réparties dans les 16 régions au Québec. L’utilisation des bornes est en constante progression et démontre bien la nécessité de déployer un réseau pour soutenir les électromobilistes. Nous voulons  atteindre 2 500 bornes installées au Québec d’ici 2020 sur notre circuit électrique.

Il y a une croissance importante des véhicules électriques au Québec et nous sommes même les leaders au Canada avec  50 % de la flotte canadienne. Quand je suis arrivé en poste l’été dernier, il y avait environ 5 000 véhicules électriques (VE) au Québec. En date du 31 août, on comptait 11 600 VE. Ceci veut dire que nous avons doublé au Québec la flotte en très peu de temps.

Q. Et les actions sur l’efficacité énergétique ? Les campagnes publicitaires sont-elles efficaces ? Y a-t-il eu des développements technologiques propres à améliorer l’efficacité énergétique ?
R. Entre 2003 et 2015, les investissements d’Hydro-Québec en efficacité énergétique ont généré 8,8 TWh d’économies d’énergie, soit l’équivalent de la consommation de 500 000 ménages. Plus de 25 programmes ont été déployés, en plus des campagnes pour donner des conseils et outiller nos différents types de clientèle à réduire leur facture.
À ces résultats significatifs s’additionnent de nouveaux changements d’importance dans les habitudes de consommation des clients. Concrètement, chez les clients qui ont modifié leurs habitudes, on remarque une baisse moyenne de la température des thermostats de 2,6 degrés en hiver. Nous expliquons ce changement de comportement aux hivers 2014 et 2015, particulièrement froids, qui ont engendré des changements de comportements par rapport au chauffage qui se sont poursuivis l’hiver dernier. Également, les technologies des lumières à DEL et fluocompactes ont pénétré le marché de manière accélérée avec plus de 39 millions d’ampoules installées au cours des trois dernières années.

Q. Quels sont les projets et contrats à venir ?

R. Hydro-Québec va continuer d’investir massivement. À l’horizon du plan, ce sont 18 milliards de dollars qui sont prévus. C’est un apport important à la société québécoise. Il y a bien sûr la Romaine qui va se poursuivre jusqu’en 2020. Le projet avance bien. Il est réalisé dans les budgets et dans certains cas, plusieurs mois en deçà des échéanciers prévus. Il y aura plusieurs projets de transport sur le réseau de TransÉnergie, plusieurs contrats de réfection d’installations existantes, de nouveaux postes et de construction de lignes de transport seront lancés et octroyés au cours de la prochaine année. C’est près de 1,6G$ que nous prévoyons réaliser en 2017 sur le réseau de transport. Nous avons aussi plusieurs projets de réfection de centrales. Nous poursuivons notamment la réfection des 16 groupes de la centrale Robert-Bourassa à La Grande.

D’ici 2020, Hydro-Québec va travailler à identifier le prochain grand projet hydroélectrique. Le projet devra rencontrer les besoins du Québec, être économiquement rentable et pouvoir se réaliser en accord avec les communautés locales. De plus, il y a une très forte probabilité que notre solution ne soit pas exclusivement de l’hydroélectricité. Il pourrait y avoir un mixte de l’éolien avec le solaire ou d’autres sources d’énergies renouvelables.

Q. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les méthodes d’acquisition chez Hydro-Québec ? Est-ce que ces méthodes sont continuellement révisées et mises à jour ?

R. Nous poursuivons l’amélioration de nos pratiques d’approvisionnement. Comme nous l’avons mentionné dans notre plan stratégique, nous croyons que nous pouvons obtenir plus de valeur des acquisitions que nous réalisons. Nous voyons déjà des résultats et poursuivrons dans cette voie.

Q. Avant de terminer, pouvez-vous nous faire un bref bilan de l’année? Quelles sont les principales réalisations d’Hydro-Québec en 2016 ?

R. L’élaboration du plan stratégique est certainement la pierre angulaire de l’année 2016. Ce plan nous a permis de fournir une vision et des objectifs communs à l’ensemble de l’entreprise et aux employés et guidera nos actions pour les cinq prochaines années. Je suis également particulièrement fier de la progression d’Hydro-Québec au chapitre du service à la clientèle. Quant à la productivité, nous avons maintenant 19 800 employés environ, soit le plus bas nombre d’employés depuis 30 ans et ce, malgré que nous ayons plus que doublé la valeur de nos actifs et presque doublé le nombre de clients pour la même période.

Les communications qui soutiennent nos activités sont également plus ouvertes et transparentes. Bref, nous progressons sur tous les plans.

Q. En conclusion, je sais qu’il est difficile de parler de soi, mais comment décririez-vous votre impact sur notre grande société d’État depuis que vous êtes en poste en tant que nouveau président ?

R. Bien humblement, l’avenir nous dira quel sera le véritable impact que j’aurai eu sur cette grande entreprise. Mais je crois que venant du privé, j’ai une vision clientèle et développement des affaires et je vois d’abord les enjeux à partir de cette perspective. J’accorde aussi une grande importance à la communication des orientations à l’interne et à l’externe, et je pense que cela permet une meilleure synergie des forces de l’entreprise. •