L’ÉPI à l’ère du 4.0
L’interconnexion au service de la santé-sécurité au travail
Les équipements de protection individuelle
Tablant sur l’exploitation des données, ces casques, lunettes, vêtements et autres équipements munis de capteurs et capables de communiquer en réseau, semblent en effet promis à un bel avenir dans la prévention des accidents du travail.
Munis de capteurs et portés par l’intelligence artificielle, l’internet des objets, les mégadonnées et l’infonuagique, les équipements de protection individuelle de nouvelle génération communiqueront en réseau lorsqu’ils n’agiront pas de manière autonome. La 4e révolution industrielle est en marche et s’annonce prometteuse en termes de santé et de sécurité du travail.
Par Marie Gagnon
Qualifiée hier encore de futuriste, l’industrie 4.0 constitue une nouvelle façon d’organiser les moyens de production en misant sur l’interconnectivité entre les humains, les machines et les ressources. Bien que le secteur manufacturier fasse figure de précurseur dans ce domaine, avec l’autonomisation de la production, cette mouvance d’avant-garde trouve de plus en plus d’applications dans d’autres créneaux. Notamment dans le domaine de la prévention, où de nouveaux équipements de protection individuelle (ÉPI) dits intelligents commencent à émerger.
Tablant sur l’exploitation des données, ces casques, lunettes, vêtements et autres équipements munis de capteurs et capables de communiquer en réseau, semblent en effet promis à un bel avenir dans la prévention des accidents du travail. Mais leur utilisation demeure jusqu’ici restreinte à certains secteurs d’activités, indique Alireza Saidi, chercheur à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST), dont les travaux portent sur l’application des textiles intelligents au domaine de la SST et l’intégration des matériaux avancés aux ÉPI.
« C’est un domaine en plein essor, qui offre de vastes perspectives en termes de prévention au travail, dit-il. Le développement de l’électronique flexible permet par exemple de créer des textiles intelligents, et ces technologies commencent à être transférées vers certains corps de métiers. C’est le cas entre autres des pompiers. Grâce à des capteurs intégrés à leur combinaison de travail, il est maintenant possible de connaître leur position et leur état de santé, et de les secourir s’ils se retrouvent en situation critique. »
Des applications multiples
Il précise au passage que ce genre de vêtement technique est maintenant réglementé aux États-Unis, mais que leur usage tarde à se démocratiser de ce côté-ci de la frontière. Selon lui, ces avancées dans la détection des risques seraient également promises à un bel avenir dans le secteur de l’industrie lourde, comme l’exploitation pétrolière offshore. Le recours à un accéléromètre connecté permettrait notamment de détecter les chutes de hauteur et de les signaler en temps réel. Ce type d’ÉPI serait d’ailleurs facilement transférable au chantier, où le travail en hauteur est fréquent.
Le recours à un accéléromètre connecté permettrait notamment de détecter les chutes de hauteur et de les signaler en temps réel. Ce type d’ÉPI serait d’ailleurs facilement transférable au chantier, où le travail en hauteur est fréquent.
Dans l’industrie de la construction, les possibilités offertes par l’industrie 4.0 sont en effet nombreuses. Tandis que les systèmes de détection de proximité limiteraient les collisions entre travailleurs et engins de chantier, des actuateurs chauffants ou refroidissants, selon la saison ou l’environnement de travail, réguleraient la température corporelle du travailleur, éliminant ainsi les risques thermiques pouvant conduire au coup de chaleur ou à l’hypothermie. En espace clos, des capteurs biométriques monitorant le rythme cardiaque, la tension artérielle et la fréquence respiratoire, renseigneraient sur l’état de santé d’un travailleur.
Lentement mais sûrement
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, concède Alireza Saidi. Le chercheur reconnaît en effet plusieurs freins à l’adoption de ces équipements dits intelligents, dans le secteur de la construction comme ailleurs. « C’est d’abord une question de sous, fait-il valoir. Certaines technologies sont très coûteuses, mais leur prix pourrait chuter à mesure qu’elles se démocratiseront. Il y aussi un enjeu d’acceptabilité en termes de protection et de confidentialité des données personnelles.
« Sans compter les aspects normatifs, poursuit-il. Certains aspects de ces technologies sont homologués alors que d’autres, comme la durabilité et la fiabilité, ne le sont pas. Mais l’Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE) y travaille. Il reste que cette industrie n’est pas encore à maturité. Les technologies sont là, mais il y a encore du chemin à parcourir pour les adapter aux différents contextes de travail. Mais, qu’on le veuille ou non, la quatrième révolution industrielle est en marche et elle s’étendra bientôt aux ÉPI. Aussi bien s’y préparer dès maintenant. » ■