MAGAZINE CONSTAS

Grands projets, grands défis

Rencontre avec Maged Abdelsayed de chez Deloitte

« Il est important, bien que ce soit les donneurs d’ouvrage qui ont la responsabilité de proposer ces nouveaux modèles contractuels, d’expérimenter de nouveaux modèles contractuels ou des modèles hybrides. » – Maged Abdelsayed.

Les projets sont de plus en plus complexes. Pour mieux comprendre les défis que comportent les grands projets ainsi que les meilleures pratiques pour les mener à bon port, nous nous sommes entretenus avec Maged Abdelsayed, ing., M.ing., Associé, Projets d’infrastructure et d’investissement chez Deloitte.

Par Jean Brindamour

Maged Abdelsayed

« En termes de valeur, explique Maged Abdelsayed, les mégas projets sont de plus en plus présents, ce qui signifie des montants supplémentaires importants en main-d’œuvre, en matériel, en équipement. Il faut souvent s’adapter à des délais trop serrés pour préparer et exécuter ces projets, à de nouveaux collaborateurs, à de nouvelles technologies et de nouvelles techniques d’exécution, ainsi qu’aux exigences de la certification LEED et WELL et de la santé et sécurité, sans oublier les chantiers en milieux urbains, la cohabitation avec la Covid et la difficulté de trouver une main-d’œuvre qualifiée. »

Un grand projet, c’est aussi la collaboration de plusieurs entrepreneurs. Comment gérer les risques et les conflits ? « Ils existeront toujours, rappelle Maged Abdelsayed. Il faut bien les identifier et les contrôler d’une façon continue durant le projet par un système robuste de gestion des différends, par des communications ouvertes fondées sur la confiance et un bon contrat définissant clairement les obligations respectives entre les parties prenantes. »

« Tous ces défis, poursuit l’ingénieur, requièrent un niveau sans précédent de planification et de coordination, notamment des investissements supplémentaires dans la préparation du projet (avant-projet), la formation de consortiums afin d’acquérir une expertise globale, des modes contractuels qui favorisent la collaboration, une planification et des échéanciers dynamiques et souples, l’utilisation de concepts de modélisation, une gestion des changements conforme aux exigences contractuelles et acceptée par tous les participants, un processus de règlements des différends rapides et efficaces et un système d’alerte précoce. J’ajouterais qu’il faut s’assurer que les équipes qui ont conçu le projet restent disponibles et qu’il importe d’identifier correctement les risques et un partage équitable (win-win). »



Former un consortium

« Les modèles contractuels d’un consortium, souligne M. Abdelsayed, doivent tenir compte de l’expérience, de l’expertise, de l’emplacement des entreprises impliquées, de la portion du projet allouée à chaque membre, du niveau de risque que chacun est prêt à assumer, du niveau de confiance entre eux à la suite de leurs collaborations passées, du degré de collaboration et d’innovation requis. »

« Il est important également, continue l’ingénieur, bien que ce soit les donneurs d’ouvrage qui ont la responsabilité de proposer ces nouveaux modèles contractuels, d’expérimenter de nouveaux modèles contractuels ou des modèles hybrides. Pour ce faire, une formation adéquate est nécessaire. Il convient aussi de comprendre la nature des relations contractuelles avec les sous-traitants, souvent différente du contrat principal. »

Les nouvelles technologies et la formation de la main-d’œuvre

« L’adoption de nouvelles technologies par l’industrie de la construction, indique M. Abdelsayed, est en retard par rapport aux autres industries. L’adoption de nouvelles méthodes de construction efficaces et sécuritaires et des nouvelles technologies passe par la formation de la main-d’œuvre, mais aussi par celle des administrateurs, des chargés et des gérants de projets, en particulier sur la planification des travaux, les logiciels de planification, les concepts de valeurs gagnées, la gestion de changements, la résolution des différends et les obligations contractuelles respectives des parties prenantes. Les diverses associations professionnelles jouent un rôle important pour promouvoir les différents programmes de formation et concevoir des programmes de certification. »



« Les progrès technologiques doivent toucher tous les aspects : la conception et la coordination du design, la collaboration et le partage de données et d’information d’administration des contrats (rapports journaliers, QRT, approbations, transmissions, etc.), l’intelligence artificielle en conception et en gestion, le suivi de l’avancement des travaux et l’approbation de facturation progressive, l’intégration du suivi de coûts avec la suivi de l’échéancier, l’utilisation de la robotique, le GFSI et le BIM, les drones, la réalité virtuelle ou augmentée

 La gestion des conflits et des risques

Un grand projet, c’est aussi la collaboration de plusieurs entrepreneurs. Comment gérer les risques et les conflits ? « Ils existeront toujours, rappelle Maged Abdelsayed. Il faut bien les identifier et les contrôler d’une façon continue durant le projet par un système robuste de gestion des différends, par des communications ouvertes fondées sur la confiance et un bon contrat définissant clairement les obligations respectives entre les parties prenantes. Je souligne que les méthodes de gestion de conflits sont définies dans les contrats. Le défi est plutôt de les gérer d’une manière efficace. Des longs litiges entre les parties ne constituent pas de bonnes pratiques d’affaires et devraient être évités si possible. La clé pour diminuer les litiges de longue durée et les conflits est d’avoir en main les bonnes informations aux moments opportuns afin d’être capable de bien présenter et bien négocier son dossier de différend. L’idéal serait bien sûr d’essayer de régler les conflits au fur et à mesure qu’ils apparaissent au lieu d’attendre à la fin du projet pour régler tous les problèmes survenus en cours de route, ce qui permet de réaliser le projet dans un esprit de collaboration et non d’affrontement. Par contre, il n’est pas toujours possible d’arriver à un accord et, dans ce cas, plusieurs options s’offrent pour régler des conflits. Il est essentiel de respecter les responsabilités contractuelles concernant l’obligation de donner des avis dans certaines circonstances, particulièrement celles où il y a une incidence sur les coûts et l’échéancier. En outre, le rôle de l’expert, s’il est bien défini et clairement circonscrit, peut être propice à la résolution de conflit. » ■