MAGAZINE CONSTAS

Montréal : le défi de la métropole

Entretien avec Martin Boulianne, directeur des infrastructures de la Ville de Montréal

«Chaque entrepreneur doit produire un programme de prévention lié à la COVID-19, qui doit être validé par la Ville avant son déploiement, indique Martin Boulianne.»

Le gouvernement du Québec a mis tous les chantiers de la Belle Province en pause le 25 mars 2020. En collaboration avec la Direction générale de la santé publique du Québec, la Ville de Montréal – la plus touchée par la pandémie – s’est montrée proactive pour exiger sans tarder la mise en place des mesures sanitaires : distanciation, masques, lavage des mains, désinfection des espaces de travail, et le suivi de ces consignes de sécurité. On en parle avec Martin Boulianne, directeur des infrastructures de la Ville de Montréal.

par Michel Joanny-Furtin

Martin Boulianne, directeur des infrastructures, Ville de Montréal

Q. La pandémie a-t-elle provoqué des retards sur des chantiers de la Ville ? Y a-t-il eu des chantiers revus, suspendus, annulés versus des chantiers prioritaires ?

R. Les impacts sont limités sur la saison entière puisque les chantiers démarrent habituellement en mai de toute façon. Or, la reprise des chantiers a redémarré de façon graduelle le 11 mai 2020, notamment pour que les fournisseurs soient en mesure de livrer les équipements. Certains matériaux très spécialisés peuvent encore subir certains retards au niveau de l’approvisionnement.

Par contre, certains chantiers qui devaient débuter plus tôt au printemps ont accumulé des retards (travaux d’infrastructures sur les rues Sainte-Catherine, Peel, Jarry, et le boulevard Laurentien). Pour tout chantier affichant un retard notable, nous tentons d’accélérer les travaux : les phases de plusieurs projets ont été revues pour profiter de l’accalmie de la circulation, au centre-ville par exemple, et pourraient être reportées en 2021. Il s’agit de grands chantiers s’échelonnant sur plusieurs années.
Certains projets (planages, revêtements) ont été reportés pour permettre aux commerçants de profiter de la saison estivale. Durant le confinement, nous avons été particulièrement vigilants lors des travaux d’égout qui nécessitaient des interruptions du service. Elles ont habituellement lieu le jour, quand les gens sont au travail, mais cette année, les travaux étaient faits de nuit lorsque c’était possible.



Q. N’y a-t-il pas un effet «entonnoir» à Montréal avec tous les chantiers qui semblaient reprendre en même temps?

R. En ce qui concerne les chantiers de la Direction des infrastructures de la Ville de Montréal, les objectifs du nombre de chantiers ouverts sont semblables à 2019. Difficile cependant de chiffrer le nombre de chantiers actifs; plusieurs donneurs d’ouvrage réalisent des travaux sur notre territoire : réseaux techniques urbains (Bell, Énergir, etc.), Commission des services électriques de Montréal, ministère des Transports du Québec (MTQ), Réseau express métropolitain (REM), etc., en plus des chantiers privés. On estime qu’environ 25 % des chantiers seulement sont des travaux de la Ville de Montréal.

 

Malheureusement, la fin du chantier Turcot et le début des travaux du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine se chevaucheront cet automne.

 

Q. Les entreprises et les fournisseurs se sont-ils bien adaptés aux nouvelles exigences sanitaires de la Ville qui s’ajoutent aux directives de la CNESST ?

R. Oui. Tout comme la Ville, tous les entrepreneurs et les fournisseurs ont adapté leurs mesures de santé et sécurité aux directives de la Santé publique, une priorité pour la santé des travailleurs et des Montréalais. Chaque entrepreneur doit produire un programme de prévention lié à la COVID-19, qui doit être validé par la Ville avant son déploiement. Le surveillant de chantier s’assure également qu’il est respecté. Dans le cas de grands projets, un agent de prévention est attitré au chantier.

Cette pandémie signifie aussi des pertes de revenus pour la Ville. Selon plusieurs médias nationaux, le surplus de 251 M$ en 2019, ne sera pas au rendez-vous en 2020 : moins de permis, moins de revenus des transports en commun, plus d’aides aux PME, ralentissement des activités immobilières, baisse des contributions indirectes, report de programmes de logements sociaux…

Pour ce qui est de nos employés, la Direction des infrastructures a développé un guide de prévention à leur intention, lors de la réalisation des travaux, cela en accord avec les mesures d’hygiène et de distanciation physique recommandées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et la Direction générale de la santé publique (DSP). Ce guide est accompagné d’outils d’aide à la décision développés par la Ville de Montréal concernant l’utilisation d’équipements de protection individuelle, la distanciation physique, les travailleurs utilisant un véhicule de la Ville et, enfin, les interventions chez les citoyens ainsi que dans les commerces et institutions.



En ce qui a trait à la sécurité du public, la Direction des infrastructures accorde une attention spéciale à la largeur des corridors piétonniers et au sens de leur circulation, de même qu’à une signalétique apte à assurer une distanciation physique adéquate et une bonne gestion des files d’attente aux entrées des commerces.

Q. Certains chantiers de Montréal ont-ils connu des éclosions de Covid-19 ?

Nous avons été informés d’un cas à la reprise des chantiers. Contrairement aux chantiers résidentiels, les chantiers d’infrastructures s’exécutent au grand air, ce qui facilite beaucoup le respect des mesures de distanciation. ■


Plus de 400 chantiers !

Aux quarante chantiers ayant un impact majeur sur le trafic routier, s’ajoutent près de 400 autres chantiers. Selon Radio-Canada, 53% de tous ces travaux concernent les aqueducs et les égouts, 26% pour la voirie et les chaussées, 9% pour le REV (Réseau express vélo) et les pistes cyclables. Les 12% restants sont des chantiers privés. Livraisons de l’été…  à l’automne.
Certains chantiers restent incontournables : le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), le pont Samuel-De-Champlain, le Réseau express métropolitain (REM), les travaux d’Hydro-Québec, ou l’échangeur Turcot qui devait s’achever cet été, mais s’échelonnera jusqu’à Noël. Le gouvernement souhaitait la fin du chantier Turcot avant les travaux du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Mais le coronavirus en aura décidé autrement et ces deux chantiers majeurs pour la métropole se chevaucheront cet automne.