MAGAZINE CONSTAS

Les priorités liées aux changements dans l’économie québécoise

Entrevue avec Audrey Murray, à la tête de la CCQ

REM Brossard
L’ACRGTQ est au cœur de l’émancipation socioéconomique du Québec : ses membres réalisent des projets tels que le Réseau express métropolitain à Montréal.
Les 80 ans de l’ACRGTQ 
Un héritage en construction 

Nommée à la direction de la Commission de la construction du Québec (CCQ) en octobre 2023, Audrey Murray met la table pour un mandat basé sur trois grands moteurs de changement dans l’économie du Québec. Entrevue avec la présidente-directrice générale de la CCQ.

par Mariève Paradis

 

Un franc partenariat

D’entrée de jeu, Audrey Murray salue les 80 ans de l’ACRGTQ. «Une grande association qui accompagne le génie civil et les grands travaux. On lui doit le Stade olympique, les ponts, le développement du transport collectif, notamment. C’est un secteur qui est au cœur de l’émancipation du rôle économique et social du Québec», rappelle-t-elle. Elle souligne aussi la capacité de l’Association à s’aligner sur les défis que chaque époque offre.

Pour Audrey Murray, le partenariat entre la CCQ et l’ACRGTQ est crucial dans la façon de mener la mission de la CCQ. Elle sait qu’elle peut compter sur l’ACRGTQ pour appuyer les entrepreneurs, notamment en matière de conformité sur les chantiers. «De notre côté, on s’assure de l’offre en main-d’œuvre qualifiée, du perfectionnement de la main-d’œuvre et des stratégies pour accueillir davantage de diversité dans l’industrie, le tout dans le respect des conventions collectives afin d’offrir une protection sociale pour la main-d’œuvre, ajoute l’avocate de formation. Le débat social est franc et sans complaisance. Ce lien nous permet de nous améliorer constamment», assure-t-elle.

Priorité 1: La transition démographique

Audrey Murray portrait

Audrey Murray s’anime lorsqu’elle mentionne les priorités de la CCQ. C’est que les prochains mois, les prochaines années ­s’annoncent fastes. «L’année 2023 est une année record pour l’industrie du génie. Nous vivons un moment de grande effervescence économique», croit-elle.

Et c’est la raison pour laquelle la CCQ mettra notamment la priorité sur l’intégration de nouveaux travailleurs. «Nous devons être capables de parler du secteur de la construction comme d’un secteur où les jeunes et moins jeunes sont bien traités, les conditions de travail sont intéressantes. Nous devons faire connaître nos métiers et travailler à s’assurer d’être attrayants», explique Audrey Murray.

La formation pour la rétention

Elle souhaite miser non seulement sur l’attraction des nouveaux, mais aussi sur la rétention. «Nos stratégies de formation doivent s’adapter aux grands besoins de l’industrie et permettre aux salariés de démontrer leurs compétences, de poursuivre une carrière dans l’industrie. Nous devons maximiser les chances de les garder.»

À ce propos, elle s’avance sur le dossier des manœuvres pour lesquels il n’y a actuellement pas de formation à l’entrée. «On pense à bâtir une formation courte pour cette occupation», dit-elle, ajoutant qu’elle sera très attentive à l’effet qu’aura ce modèle sur l’industrie.

Un autre exemple concret pour l’attraction dans le secteur de la construction est le recours à l’alternance travail-études. «L’alternance travail-études permet d’avoir l’heure juste sur la réalité du métier, du contexte de travail. Ça garantit d’aller chercher les bonnes personnes. C’est un grand facteur de rétention», précise la PDG de la CCQ.

Attirer la diversité

Pour agrandir le bassin de main-d’œuvre dans le secteur de la construction, Audrey Murray admet que la CCQ est à un moment carrefour pour la relance de mesures visant à augmenter la mixité. «Nous avons lancé un sondage puisque la première mouture du programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie se termine en 2024. Nous avons sollicité les 7500 femmes actives sur les chantiers et celles qui ont quitté l’industrie dans les cinq dernières années. Grâce aux réponses reçues de leur part et de celle des employeurs, nous saurons ce qui a été difficile, les solutions, les mesures en place qui ont bien fonctionné», indique-t-elle. Elle souhaite mettre à contri­bution les centres de formation, qui pourraient par exemple offrir une priorisation dans l’admission et accompagner les enseignants dans l’inclusion des femmes dans le secteur de la construction. «Nous devons aussi offrir un contexte de conciliation travail-famille, qui est un défi pour l’industrie», reconnaît Audrey Murray.

Pour bien faire notre travail, nous devons comprendre les besoins émergents en main-d’œuvre. 

– Audrey Murray

Outre les femmes, la CCQ a aussi avantage à s’ouvrir à une main-d’œuvre diversifiée, venant des Premières Nations et Inuits et de l’immigration. Sans donner de détails, elle avance que des annonces importantes seront faites prochainement à ce point de vue. «Nous avons des éléments structurants avec eux. Nous sommes en concertation pour aller chercher l’adhésion des partenaires comme les syndicats et les donneurs d’ouvrage», lance-t-elle.

Quant au dossier de la polyvalence de la main-d’œuvre, Audrey Murray se tourne vers les élus. «La CCQ peut faire évoluer les règles. Pour le moment, le débat s’est transporté à ­l’Assemblée nationale.» Elle espère des annonces prochaines pour faire évoluer les tâches partagées. 

Audrey Murray
Audrey Murray s’adressant aux participants du congrès 2024 de l’ACRGTQ.

 

Priorité 2: Les changements climatiques

L’industrie de la construction doit s’adapter à de nombreuses règles et réalités liées aux changements climatiques. «Ça nous pousse à trouver de nouvelles façons de faire pour réutiliser les matériaux, réduire les GES… Nous devons nous assurer de la compétence de la main-d’œuvre dans ce contexte», soutient Mme Murray.

La CCQ joue un rôle important dans le ­perfectionnement de la main-d’œuvre, no­tam­ment dans ces nouvelles pratiques plus ­durables. «Nous devons faire un diagnostic sur les compétences vertes et adapter la formation en conséquence, dans les programmes de for­mation de DEP, par exemple», assure la ­dirigeante de l’organisation.

Priorité 3: La transformation technologique

Pour Audrey Murray, la transformation tech­nologique et la transition verte sont imbri­quées, particulièrement par l’importance de la formation. «On doit comprendre les écarts entre les besoins de perfectionnement et les compétences actuelles de la main-d’œuvre dans les compétences vertes et technologi­ques», reconnaît-elle.

Nos stratégies de formation doivent s’adapter aux grands besoins de l’industrie.

– Audrey Murray

Elle met de l’avant le service de formation sur mesure pour les entreprises de la CCQ. «Il n’est pas tant utilisé, les gens le connaissent peu. Lorsqu’une entreprise a une nouvelle technologie ou une nouvelle pratique, elle peut appeler la CCQ, et on va l’aider à bâtir une formation pour les employés. C’est un outil concret pour les changements technologiques en entreprise», assure-t-elle, invitant les entreprises à l’utiliser.

Ainsi, Audrey Murray croit fermement à l’établissement de liens plus forts avec les donneurs d’ouvrage publics. «Pour bien faire notre ­travail, nous devons comprendre les besoins émergents en main-d’œuvre. La chaîne de valeur dans l’industrie de la cons­truction démarre avec le donneur ­d’ouvrage et les besoins qu’il identifie», conclut-elle. ■

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