MAGAZINE CONSTAS

Coup d’œil sur l’Exopush

Des « cobots » en renfort aux travailleurs

Chronique innovation

En favorisant la collaboration homme-machine ou homme-outil, les Exopush servent avant tout à préserver la santé des travailleurs.

Le domaine de la cobotique (ou des robots collaboratifs) a trouvé une application pratique pour les travaux de terrassement et de revêtement de chaussées et stationnements. Pour l’instant, il s’agit d’un râteau cobotisé qui facilite la tâche d’un travailleur lors de la mise en place manuelle de matériaux en surface. Coup d’œil sur l’Exopush, une innovation technologique qui a fait l’objet de recherche et développement en France depuis 2011.

Par Jean Garon

Johann Goineau, à Paris.

Le magazine Constas a récemment pris connaissance de cette avancée technologique lors d’une entrevue virtuelle sur TEAMS avec l’ingénieur Johann Goineau, un chef de projet rattaché à la Direction innovation du Groupe Colas à Paris. D’entrée de jeu, il a rappelé que l’entreprise multinationale a contribué dès le début au co-développement de cet outil avec la jeune entreprise française en démarrage RB3D, qui en assure aussi la mise en marché à l’échelle mondiale.



Précisons au départ que les « cobots » ne sont pas des robots. À vrai dire, « ce sont des outils mécaniques cobotisés conçus pour collaborer avec les humains, et non pas pour les remplacer », tient à souligner l’ingénieur. En quelque sorte, ils prennent la forme d’exosquelettes adaptés aux travailleurs pour les aider à exécuter certaines tâches avec moins d’efforts. Ça s’apparente à un attelage ajusté au corps humain qui décuple ses capacités physiques, comme on en voit dans les films de science-fiction, mais en moins spectaculaire.

L’Exopush est muni d’un détecteur intégré qui ajuste l’appareil à la pression appliquée par le travailleur. L’assistance mécanique est toujours réglée pour réduire l’effort par cinq. CR: Groupe Colas (2019)

 

« Dans le cas de l’Exopush, mentionne-t-il, ça permet au compagnon de maintenir une position plus verticale en réduisant du même coup des postures inconfortables, en plus de réduire par cinq les efforts à fournir et de diminuer par trois la répétitivité des gestes. » Un travailleur qui utilise le râteau Exopush en poussées et en tractions assistés ménagera ainsi sa santé. Il évitera l’exécution des mouvements répétitifs de flexion et de torsion du tronc ainsi que des extensions du cou pouvant lui causer de la fatigue, des douleurs et même des blessures musculosquelettiques.

Il n’y a aucun réglage à faire pour mettre en marche l’Exopush, et la batterie qui alimente le mécanisme a une autonomie de cinq heures. CR: Groupe Colas (2019)

C’était d’ailleurs l’objectif recherché au départ par le Groupe Colas, confie l’ingénieur, pour justifier le développement de cette invention. En favorisant ainsi la collaboration homme-machine ou homme-outil, les Exopush servent donc avant tout à préserver la santé des travailleurs. Il va de soi que la qualité de l’ouvrage se révélera également plus constante du fait que les utilisateurs ressentent moins de fatigue, surtout en fin de journée.

Un râteau cobotisé éprouvé

Le développement de l’exosquelette Exopush a été grandement peaufiné afin de le rendre encore plus efficace et ergonomique. Depuis les premiers prototypes et versions expérimentaux, par exemple, son poids sur le travailleur est passé de 42 à 8 kg, soit un peu plus de cinq fois moins lourd à porter. Son autonomie d’énergie (pile électrique rechargeable) est maintenant de cinq heures, ce qui est suffisant pour un usage au quotidien.

L’Exoback. un autre type d’exosquelette est développé par RB3D, un outil actif d’assistance lombaire pouvant être utile sur les chantiers de construction. Sa hanche à double articulation permet de réduire les efforts de l’opérateur et les troubles musculosquelettiques associés à la manutention. CR: Groupe Colas (2019)

Chez Colas, l’Exopush est intégré principalement à la tâche du travailleur muni d’un râteau pour la mise en place manuelle de matériaux granulaires ou d’enrobés bitumineux. Il est aussi mis à l’essai lors des coulées de béton de surface. Jusqu’à présent, 96 râteaux cobotisés Exopush ont été déployés dans les équipes à pied d’œuvre dans le groupe à travers le monde. Il y en aurait deux modèles en démonstration chez Colas, ici, au Canada.

« Chez Colas, témoigne Johann Goineau, on est satisfait des résultats, mais il faut encore travailler sur l’acceptabilité de l’outil et de cette nouvelle technologie, car il y a toujours un peu de résistance. »

Comme il s’agit d’une nouvelle technologie, le coût d’acquisition d’un Exopush n’est pas des plus abordables, à environ 20 000 euros l’unité (plus ou moins 30 000 dollars canadiens). Et il ne faut pas espérer un retour sur l’investissement sur les coûts d’opération à plus ou moins court terme. En ce sens que l’Exopush ne vise pas la rentabilité en termes de productivité, explique Johann Goineau. « Le rendement de la tâche exécutée au râteau cobotisé demeure sensiblement le même que sans son utilisation. La mise en place des matériaux se fait à peu près à la même cadence et pour le même tonnage, l’objectif recherché étant de soulager le compagnon. »

Bref, la tâche ne sera pas exécutée plus rapidement, car elle est réalisée avant tout par un humain à l’intérieur d’une séquence de travail impliquant d’autres travailleurs, de l’équipement ou de la machinerie. Mais en bout de ligne, l’Exopush ménagera la santé du travailleur en charge du râteau et les coûts associés à de l’absentéisme et à d’éventuelles indemnisations en soins de santé.

Prise en main et apprentissage

C’est bien beau la promesse de maintien en santé des travailleurs affectés à la tâche du râteau, mais encore faut-il qu’ils se l’approprient et réussissent à le maîtriser sans gêne ou inconfort. Johann Goineau admet que l’intégration de l’outil à la tâche d’un travailleur exige un certain accompagnement dans son apprentissage. « Certains parviennent à maîtriser l’outil en une heure, d’autres en un peu plus de temps. »

« Chez Colas, témoigne-t-il, on est satisfait des résultats, mais il faut encore travailler sur l’acceptabilité de l’outil et de cette nouvelle technologie, car il y a toujours un peu de résistance. » L’utilisateur doit en effet modifier sa posture, en plus d’accepter de le porter et de modifier sa méthode de travail pour coordonner ses efforts de façon différente. La difficulté d’apprentissage pour le travailleur se situerait dans l’estime de soi, en acceptant d’être un peu moins bon au démarrage de son utilisation.

« Il y a d’abord la prise en main de l’outil, poursuit-il, puis son intégration dans l’équipe. Il faut qu’il trouve sa place dans la séquence d’exécution des travaux. Il faut que la personne et l’équipe s’organisent un peu différemment afin que chacun retrouve ses repères. Donc, conclut-il, c’est du travail d’introduction, de déploiement et d’accompagnement par de la formation pour réussir l’acceptabilité de cette assistance. »

Notre interlocuteur se dit bel et bien convaincu de la pertinence de l’invention et ne saurait trop la recommander en l’absence d’autres solutions alternatives. D’ailleurs, il confirme que des recherches se poursuivent menant au développement d’autres exosquellettes, dont l’Exoback, qui servira à la manutention et au déplacement de charges (colis, sacs, matériaux, valises, etc.) en toute sécurité pour les utilisateurs impliqués en logistique, en transport et construction. ■


Pour en savoir plus sur l’Exopush et les exosquelettes cobotisés, visionnez les vidéos diffusées sur YouTube à ce sujet. Recherchez Exopush – Bing video.