MAGAZINE CONSTAS

Transformation numérique

Devenir développeur citoyen

Les développeurs citoyens « sont des personnes qui, au sein d’une entreprise, ont accès à un environnement de développement intégré (IDE) visuel ».

« D’ici trois ans, rien qu’aux États-Unis, il ne manquera pas moins de 500 000 programmeurs », affirme Anna Canan, cheffe estimatrice, gestionnaire de la planification et ingénieure de projet chez Kiewit. « On ne sera pas capable de former autant de gens en si peu de temps. Plusieurs milliers d’entreprises ressentent déjà cette pénurie à venir. Face aux besoins criants, nous n’aurons pas d’autre choix que de nous adapter, même dans l’industrie de la construction. Dans ce sens, il devrait y avoir quatre fois plus de citoyens développeurs/programmeurs d’ici trois ans. L’idée n’est pas de remplacer les applications en usage mais d’envisager des solutions complémentaires à partir de ces applications pour pallier au manque de main-d’œuvre et de fonctionnalités existantes. »

par Michel Joanny-Furtin

Anna Canan
CR: Kiewit

Analystes et entreprises en prêchent les avantages. Développeurs citoyens, c’est l’idée que chacun peut créer ses propres applications… », explique Anna Canan, qui se considère elle-même comme une des leurs. « J’utilise des logiciels qui me permettent de créer des applications rapidement avec peu de codes. Mais, admet-elle, ça ne s’improvise pas ! » Son atelier lors du congrès 2021 propose de démystifier le concept et de montrer des exemples concrets.


 


Les développeurs citoyens « sont des personnes qui, au sein d’une entreprise, ont accès à un environnement de développement intégré (IDE) visuel. Dans cet environnement, le développeur citoyen est en mesure d’utiliser des composants d’application par glisser-déposer, de les connecter entre eux afin de générer une nouvelle application web ou mobile unique », écrit John Everhard dans un article de Forbes (The Pros And Cons Of Citizen Development, 22 janvier 2019). « Ce logiciel “faible code/sans code” (low-code/no-code) permet aux employés de concevoir et de créer des applications puissantes qui peuvent évoluer et s’adapter en fonction des besoins de l’entreprise. »

Des modules pré-construits

« Avec Wixx ou GoDaddy par exemple, c’est maintenant possible et facile pour tout un chacun de créer son propre site web », explique Anna Canan. À partir d’une plateforme qui rassemble une suite d’applications issues d’une même famille de logiciels, il devient possible de créer sa super-application. « Si je connais bien une tâche pour laquelle je n’ai pas de solution logicielle, je vais donc créer une application dans cet objectif », poursuit la gestionnaire de planification. « Par exemple, lorsqu’une application nous permettait de suivre les coûts des chantiers mais sans fournir une fonctionnalité en ce qui concerne la qualité, l’on contactait le propriétaire de l’application ou le département de TI qui répondaient souvent que, pour une raison ou pour une autre, elle ne serait disponible que dans plusieurs mois. Aujourd’hui je peux moi-même créer cette fonctionnalité qui rendra mon travail plus efficient. »

« Par exemple, on a créé une application simple et connectée pour les surintendants qui nous permet de vérifier si les employés sont certifiés et d’ajouter des informations rapidement à partir de notre téléphone, » explique Anna Canan.

«Faible code/sans code signifie que les développeurs citoyens peuvent créer des applications beaucoup plus rapidement, car il s’agit d’un processus visuel utilisant des modules préconstruits », indique John Everhard. « On peut donc les intégrer à un fichier existant car les fichiers se parlent automatiquement », reprend Anna Canan. « Par exemple sur un chantier, on doit s’assurer que les opérateurs soient désignés et certifiés. Comme chaque projet est rendu très compliqué et qu’on est partout au Canada, on a plusieurs fichiers. Alors on a créé une application simple et connectée pour les surintendants qui nous permet de vérifier si les employés sont certifiés et d’ajouter des informations rapidement à partir de notre téléphone.»

Donner l’autorité au personnel

Selon la cheffe estimatrice, il s’agit ainsi de créer une application qui apporte une solution unique pour nos problèmes uniques. Chaque équipe a ses problématiques : elle peut donc créer des applications pour le téléphone ou la tablette qui répondent à ses besoins propres. Encore une fois, l’idée n’est pas de remplacer les applications utilisées par l’entreprise mais d’envisager des solutions complémentaires. « Prenons par exemple un fichier Excel pour faire le suivi des tâches et leurs dates limites. Un bouton ici, une entrée là et nous avons une application user-friendly, qui permettra d’assigner et faire un suivi des tâches de chaque personne. »

« À partir d’une plateforme qui rassemble une suite d’applications issues d’une même famille de logiciels, il devient possible de créer sa super-application. Si je connais bien une tâche pour laquelle je n’ai pas de solution logicielle, je vais donc créer une application dans cet objectif », précise l’ingénieure de projet.

 


 


« Bien évidemment, avec tout ça, vient… la résistance au changement », reconnaît Anna Canan. « Ce n’est jamais facile et il faut un effort de la part de tout le monde mais il ne faut pas oublier que l’objectif, c’est d’améliorer notre travail. Cette approche exige une ouverture d’esprit aux nouvelles technologies et de croire à l’adaptabilité des entreprises et des employés. Il faut également permettre au personnel de prendre en charge ses propres problématiques techniques ou professionnelles. »

« Le Project Management Institute classe en trois niveaux les bénéfices de ce développement : un bénéfice pour l’organisation, un bénéfice pour le département de TI et un bénéfice pour les individus. En effet, c’est une solution rentable, facile à maintenir, qui réduit les retards du département de TI, favorise la collaboration entre les services internes et surtout, donne beaucoup de place à l’innovation. Nous allons tout droit vers la démocratisation de la programmation ! » ■