MAGAZINE CONSTAS

S’attaquer aux déficits d’entretien

Rencontre avec Sylvain Ouellet, responsable des infrastructures à la Ville de Montréal

Budget et infrastructures

« Le déficit d’entretien des infrastructures n’est pas considéré sérieux. On oublie que le plus gros actif de la Ville de Montréal, ce sont les infrastructures souterraines. » – Sylvain Ouellet

Conseiller du district François-Perreault dans l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Sylvain Ouellet est membre du conseil d’agglomération et vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, et responsable de l’eau et des infrastructures de l’eau, des infrastructures et de la Commission des services électriques. Nous avons rencontré celui à qui incombe la lourde responsabilité de ce qui constitue sans doute l’un des plus importants défis de la prochaine décennie pour la Métropole : diminuer le déficit d’entretien des infrastructures.

Par Jean Brindamour

Sylvain Ouellet avec la mairesse de Montréal Valérie Plante
CR : Ville de Montréal

En novembre dernier au moment du dépôt du budget de l’année 2021, la Ville de Montréal a présenté pour la première fois un programme décennal d’immobilisations (PDI) plutôt que le seul programme triennal d’immobilisations (PTI). Le PDI regroupe l’ensemble des projets et des programmes d’investissements que la Ville compte réaliser ou entreprendre au cours des 10 prochaines années.

Deux catégories ont la part du lion dans ce PDI de 18,69G$ (pour une moyenne d’environ 1,9 G$ par année) : d’abord, avec 31,3 % du budget total et 5 843 M$, l’environnement et les infrastructures souterraines (incluant l’eau); puis, avec 24,4 % du budget total et 4 558 M$, les infrastructures routières.

Qu’il s’agisse des infrastructures routières ou souterraines, le gros du budget est consacré à la préservation des actifs. « On essaie de mettre 70 % du budget dans le maintien des actifs », note Sylvain Ouellet.

Un déficit à combler

La Ville de Montréal souffre d’un énorme déficit d’entretien des infrastructures. « Un rattrapage est nécessaire, assure le vice-président du comité exécutif, dans le but d’éliminer prioritairement le déficit d’entretien des réseaux de voirie, d’aqueduc et d’égout. Faire des chantiers, surtout pour des infrastructures souterraines que personne ne voit, ce n’est pas agréable, ce n’est pas non plus payant électoralement. C’était tentant de réduire le compte de taxes et de dire “après moi le déluge”. »

Ville de Montréal. Investissements prévus par catégorie d’actifs dans le PDI 2021-2030. CR: Ville de Montréal

Et voilà pourquoi, depuis tant d’années, on a retardé les investissements dans ces actifs si précieux pourtant pour la vie même des citoyens. « Le déficit d’entretien des infrastructures n’est pas considéré sérieux, poursuit M. Ouellet. On oublie que le plus gros actif de la Ville de Montréal, ce sont les infrastructures souterraines. Les 2/3 des actifs des infrastructures de l’eau sont dans les égouts. C’est là qu’est gérée la plus grande quantité d’eau. La plus grande station d’épuration des eaux usées au monde est la station d’épuration Jean-R. Marcotte (dépendant des critères, elle reste toujours dans le top 3). »

« En 2000, conclut Sylvain Ouellet, on ne mettait que 20 $M dans l’eau. C’était ridicule. Nous sommes dans un processus de rattrapage du déficit d’entretien d’actifs, un déficit qui remonte à la dette olympique de 1976. C’est
3,5 milliards de dollars de déficit accumulé. »



De quelques grands travaux

Les normes gouvernementales ne cessent d’augmenter au niveau des eaux usées, et les pluies également. « Les changements climatiques impliquent des mesures, reconnaît Sylvain Ouellet, comme par exemple de plus gros tuyaux. » Il faut aussi des usines plus performantes et plus de bassins de rétention. « Beaucoup d’investissements seront consacrés à des projets de désinfection des eaux usées, continue l’élu. Des travaux seront réalisés pour le maintien de la station d’épuration des eaux usées Jean-R.-Marcotte et la mise à niveau de certains de ses équipements. »

 

Vue en plan et vue en élévation des deux ponts étagés du boulevard de l’île-des-Sœurs.
« Pour les travaux de reconstruction des deux ponts d’étagement du boulevard de l’île-des-Sœurs, indique Sylvain Ouellet, nous avons utilisé de la poudre de verre pour le béton. Ce seront les premiers ponts au monde en béton fabriqué avec de la poudre de verre recyclé. » C’est l’équivalent de 70 000 bouteilles de vin recyclées et de 40 000 kg de ciment économisé. « Ces structures, ajoute-t-il, font aussi l’objet d’un projet-pilote pour l’utilisation de barres en acier inoxydable. » CR : Ville de Montréal

 

« Les changements climatiques impliquent des mesures comme par exemple de plus gros tuyaux », explique Sylvain Ouellet. CR : Ville de Montréal

Afin d’empêcher les débordements, 246,6 M$ au PDI 2021-2030 sont prévus pour des ouvrages de rétention. « Il ne faut pas oublier les travaux sur le Réservoir McTavish, une infrastructure iconique de Montréal, signale M. Ouellet. » La mise à niveau complète du réservoir et de la station de pompage McTavish nécessitera un montant de 283,7 M$. « Mais il faut compter aussi tous les tuyaux, toutes les rues, où il y a des travaux, souligne-t-il. C’est énorme. La gestion de la circulation est compliquée pour les chantiers souterrains, des chantiers qui, pour une ville comme Montréal, sont plus complexes que ceux du MTQ. On peut demander aux gens de contourner une route, non aux habitants d’un quartier de se priver d’eau potable et d’égouts. Quant aux travaux routiers, il y a en a beaucoup, parce que chaque fois que l’on remplace les tuyaux, on refait des travaux de voirie. Et on ne reconstruit pas à l’identique. On considère les nouveaux critères : la nécessité de zones vertes, les pistes cyclables. On profite donc des travaux souterrains pour refaire une route au goût du jour. »

Dans cette optique de respect de l’environnement et de recyclage, une innovation ressort particulièrement : « Pour les travaux de reconstruction des deux ponts d’étagement du boulevard de l’île-des-Sœurs, indique Sylvain Ouellet, nous avons utilisé de la poudre de verre pour le béton. Ce seront les premiers ponts au monde en béton fabriqué avec de la poudre de verre recyclé. » C’est l’équivalent de 70 000 bouteilles de vin recyclées et de 40 000 kg de ciment économisé. « Ces structures, ajoute-t-il, font aussi l’objet d’un projet-pilote pour l’utilisation de barres en acier inoxydable. »



« En 2000, conclut Sylvain Ouellet, on ne mettait que 20 $M dans l’eau. C’était ridicule. Nous sommes dans un processus de rattrapage du déficit d’entretien d’actifs, un déficit qui remonte à la dette olympique de 1976. C’est 3,5 milliards de dollars de déficit accumulé. Il faut commencer par ralentir sa progression. » ■