MAGAZINE CONSTAS

Les innovateurs : l’urgence technologique

Évoluer ou périr

Ce qu’on voit de plus en plus est la fusion de la préfabrication manufacturière avec le monde de la construction. Maintenant, les sites de construction deviennent des sites d’assemblage d’objets fabriqués en usine. – Robert Meunier

Nous vivons, que nous le voulions ou non, une révolution technologique en train de bouleverser en profondeur notre société, ses institutions, ses entreprises, et jusqu’aux façons qu’ont les personnes de communiquer entre elles et de s’associer. L’industrie de la construction ne peut se soustraire à ce mouvement de fond qui emporte tout.

Par Jean Brindamour

Robert Meunier

«Plusieurs nouvelles technologies sont apparues au cours des dernières années dans le monde de la construction, raconte Robert Meunier, président fondateur de Maestro Technologies Inc., surtout autour du concept de collaboration. Il consiste à amener l’ensemble des parties prenantes d’un projet autour de la même information grâce à des applications en infonuagique accessibles par Internet, notamment sur des appareils mobiles, téléphones ou tablettes. Identifiées par le terme “plate-forme collaborative”, ces technologies augmentent significativement la communication entre les parties, et surtout s’assurent que tous les intervenants utilisent la même information. Le “Building Information Modeling”, mieux connu sous l’acronyme BIM, se concentre beaucoup sur le volet du partage des dessins 3D d’une construction. En s’assurant que tous les corps de métiers préparent un projet sur les mêmes plans, plusieurs erreurs sont évitées, erreurs qui précédemment n’étaient identifiées que durant la phase de construction, et donc beaucoup plus coûteuses à corriger. Autour du BIM s’ajoutent d’autres technologies très intéressantes, notamment la réalité virtuelle ou la réalité augmentée par laquelle une visite virtuelle donne aux intervenants la possibilité d’identifier rapidement les erreurs de conception, et aussi l’intelligence artificielle, qui permet d’analyser les plans des divers corps de métier et de déceler leurs failles. »



« Un exemple de transformation numérique, selon M. Meunier, est l’échange de données électroniques, souvent appelé EDI pour “Electronic Data Interchange”. Il permet aux entreprises de s’échanger des transactions d’ordinateur à ordinateur sans passer par le papier ou même par des documents PDF transmis par courriel. Certains diront que l’EDI existe depuis longtemps. Et c’est vrai. L’erreur qu’on fait souvent est de penser que la transformation numérique passe nécessairement par les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle et le 5G. Sans doute, ces nouvelles technologies s’inscrivent-elles dans le mouvement de la transformation numérique, mais l’émergence des technologies numériques a débuté il y a déjà quelques décennies et s’accélère maintenant, bien appuyée par l’Internet et les technologies mobiles. »

« Beaucoup d’autres innovations auront éventuellement un impact, telles que les imprimantes 3D et la robotique, poursuit Robert Meunier. Mais ce qu’on voit de plus en plus est la fusion de la préfabrication manufacturière avec le monde de la construction. Maintenant, les sites de construction deviennent des sites d’assemblage d’objets fabriqués en usine, permettant d’intégrer au processus de construction des années d’innovations numériques du côté manufacturier. »

Pas de retour en arrière

Faut-il avoir peur des plates-formes collaboratives et du BIM ou craindre les solutions infonuagiques sous le prétexte de la sécurité et de la confidentialité de l’information ? « En réalité, rétorque Robert Meunier, les entreprises qui ignoreraient cette tendance sont condamnées à disparaître. De plus en plus de donneurs d’ouvrage vont obliger les entreprises à utiliser ces outils sous peine d’être exclues de leurs projets. La question n’est donc pas de maîtriser ces technologies ou non. La décision se résume à évoluer technologiquement avec l’industrie ou à s’en exclure. Ces technologies ont déjà fait la preuve de leur valeur. Il s’agit simplement d’amener les entreprises à en apprendre les rudiments et à les intégrer à leurs façons de faire. »



La pandémie ne change pas la donne, au contraire : « Avant la pandémie, explique-t-il, les industries adoptaient déjà petit à petit les technologies associées à la transformation numérique. Le contexte actuel de la pandémie ne fera qu’accélérer ce processus. Ce qui aurait pu prendre dix ans pourrait se faire dans la prochaine année. Deux exemples incontestables, le télétravail et les technologies infonuagiques. Encore il y a deux mois, plusieurs entreprises n’envisageaient pas le télétravail. Même que plusieurs l’interdisaient. Du jour au lendemain, c’était soit le télétravail, soit la fermeture. Et les solutions infonuagiques simplifient énormément la mise en place de pratique de télétravail. Le retour en arrière est maintenant impossible et le télétravail et les solutions infonuagiques vont devenir la norme plutôt que l’exception. »

« La productivité dans notre domaine a connu une baisse depuis plusieurs années. Il est donc primordial de prendre des mesures pour augmenter notre productivité avec des innovations technologiques. Pour y parvenir, il importe de tenir compte de ce qui se fait chez nos voisins et ailleurs dans le monde. Cela doit se faire en collaboration avec les concepteurs et les donneurs d’ouvrage qui doivent permettre l’utilisation de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies. »
– Sébastien Marcoux

Sébastien Marcoux

Sur cette urgence technologique, laissons le soin de conclure au président du CA de l’ACRGTQ, Sébastien Marcoux de Construction Kiewit : « Il y a des entreprises qui sont à l’avant-garde mais les autres, par la force des choses, devront s’ajuster pour demeurer compétitives. La productivité dans notre domaine a connu une baisse depuis plusieurs années. Il est donc primordial de prendre des mesures pour augmenter notre productivité avec des innovations technologiques. Pour y parvenir, il importe de tenir compte de ce qui se fait chez nos voisins et ailleurs dans le monde. Cela doit se faire en collaboration avec les concepteurs et les donneurs d’ouvrage qui doivent permettre l’utilisation de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies. Des investissements seront nécessaires. Il y a énormément à faire. Je pense qu’un des rôles de l’ACRGTQ est d’informer les entrepreneurs de ce qui se fait ailleurs et de réfléchir sur la façon d’introduire de nouvelles technologies. » ■