MAGAZINE CONSTAS

Un dialogue à construire

La collaboration, maître-mot de l’avenir

Chronique Asphalte

L’an 2017 semble être une année de réflexion dans l’industrie de la construction quant à ses choix pour demain. La reprise économique et les projets qui s’amorcent, les grands chantiers en cours et les budgets annoncés par les différents paliers de gouvernements ainsi que l’encadrement plus rigoureux des pratiques sont à même de démontrer une réelle nécessité de repenser les pratiques professionnelles. Tout un chantier en soi…

Par Michel Joanny-Furtin

Entamée depuis quelques années, cette évolution du milieu entraîne une nouvelle manière de faire autant professionnelle que technique. « Nous avons beaucoup de talents au Québec, mais nous devons apprendre à remettre nos principes et nos convictions en question pour devenir meilleurs en 2017 », avance Daniel Bissonnette, associé et directeur du service Expertises et Innovations au Groupe Conseil SCT.

« Au Québec, nous sommes attachés à nos vieilles affaires : nous innovons, mais pas trop quand même. Nous sommes intéressés par ce qui se fait ailleurs, mais nous appliquons souvent les anciennes normes et exigences… souvent en conjonction avec les nouvelles. »

Selon M. Bissonnette, l’industrie de la construction utilise « des méthodes appelées “normes” qui ne sont pas des normes. Nous appliquons des exigences contractuelles pour ensuite valider la précision et la bonne méthode de mesure. Nous exigeons une certification ISO, mais on vérifie en parallèle au lieu de travailler conjointement… »

Selon Daniel Bissonnette, le développement de l’industrie de la construction est initié par le MTMDET, les universités, quelques entrepreneurs et même les associations. Mais ce développement se fait trop souvent en silo.

« Le concepteur regroupe les nouvelles normes/exigences et/ou les anciennes et en fait un devis, notre sport national », sourit Daniel Bissonnette. « Nous espérons les meilleurs prix et exigeons aussi la meilleure qualité avec les effets pervers que cette façon de penser entraine : l’entrepreneur soumissionne le moins cher possible en fonction des exigences et des normes du devis; le laboratoire surveille la qualité pour le surveillant et applique les normes/exigences du devis; le surveillant surveille pour le donneur d’ouvrage et applique les exigences; le donneur d’ouvrage, qui est juge et partie, doit intervenir et statuer! Nous nous lançons donc toujours dans ce type de processus “normal” avec la conviction que tout ira bien… »

Le CCDG et le Tome VII

Le Cahier des charges et devis généraux (CCDG) définit les règles touchant les infrastructures routières. Le Tome VII réglemente les usages et encadre les normes en ce qui concerne les matériaux. « Le CCDG et le Tome VII influencent tous les travaux au Québec, mais ne sont pas conçus en ce sens », pense Daniel Bissonnette. « Ils sont une très bonne source de référence contractuelle, mais ces guides restent imprécis sur plusieurs aspects lorsqu’ils sont appliqués hors chantier du MTMDET (ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports). Certes, ces textes bénéficient d’une révision partielle chaque année, mais ils laissent place à l’interprétation et sont utilisés à tout vent par les autres donneurs d’ouvrage sans tenir compte des réalités du milieu où ils sont appliqués. »

Selon Daniel Bissonnette, le développement de l’industrie de la construction est initié par le MTMDET, les universités, quelques entrepreneurs et même les associations. Mais ce développement se fait trop souvent en silo : « Souvent les travaux ne tiennent pas compte des besoins, de l’applicabilité ou des limitations réelles de l’industrie : le manque de formation des ressources humaines impliquées entraîne un manque de maîtrise des technologies. De plus, beaucoup d’intervenants sont encore réfractaires aux nouvelles techniques de recyclage des matériaux. »

L’industrie a tout un défi à relever en termes d’innovation et d’uniformisation. « Nous devons favoriser des méthodes et des techniques de travail homogènes et encourager les initiatives environnementales avec les garanties nécessaires, et bien sûr encourager le travail d’équipe (client/surveillant/laboratoire/entrepreneur). »

 


LE RÔLE CRUCIAL DES INTERVENANTS
Selon Daniel Bissonnette

Pour l’avenir de l’industrie de la construction, il faudra :

  • recadrer le rôle des associations;
  • créer un Comité technique québécois de révision;
  • augmenter la concertation technique;
  • augmenter les règles et les possibilités de recyclage;
  • revoir le rôle et les délais de réaction des surveillants;
  • être plus sensible à mettre à jour les devis des donneurs d’ouvrage;
  • revoir le rôle et les délais de réaction des laboratoires mandatés;
  • signaler les problématiques au niveau des clauses contractuelles;
  • accélérer la prise de décision en cas de problématique;
  • qualifier le personnel;
  • avoir un objectif commun : les meilleurs travaux possibles au meilleur coût et dans les meilleurs délais.

 

Le reste du chemin à faire

« Nous devons mettre en place une voie de normalisation uniforme et adaptée, et redonner de la valeur à la notion d’imputabilité, favoriser contractuellement la responsabilisation. Lorsque les travaux sont non conformes, c’est le problème de tous les intervenants. Ceux-ci doivent tous ensemble faire table ronde et trouver les solutions les mieux adaptées pour régler les problématiques. Il faut également valoriser la recherche d’information pertinente en amont d’un projet afin de diminuer le risque de problématique lors de l’exécution des travaux. Pour cela, il faut exiger le dialogue et la collaboration, un mode de travail «solution» et non de rétorsion. Le développement et le succès, c’est l’affaire de tous ! »

« Il y a du positif ! », affirme toutefois Daniel Bissonnette. « Les entrepreneurs sont devenus meilleurs dans la documentation des projets, le questionnement technique, le développement de méthodes de travail et dans la compréhension des implications légales et contractuelles. Au Québec, nous avons des gens ingénieux et compétents qui ne valorisent pas assez l’innovation pour la mettre en pratique, qui manquent de dialogue et de collaboration technique. Il faut remettre en place la collaboration technique », insiste-t-il. « Quand serons-nous en mesure de voir nos gens compétents travailler de concert pour établir de nouvelles méthodes ? »

« 2017 devrait marquer le changement », conclut Daniel Bissonnette. « On ne peut que se féliciter de la reprise du bipartisme MTMDETACRGTQ. Notre industrie a tout intérêt à prendre avantage des travaux des associations qui travaillent avec leurs membres à l’uniformisation des devis, à l’adoption d’enrobés municipaux adéquats, et qui prennent en compte les enjeux environnementaux et de santé et sécurité. »