Dossier Constas LA CONSTRUCTION À L’ÈRE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
2015. Le consortium en climatologie Ouranos brosse un état des lieux pour le Québec : entre 1950 et 2011, une hausse de 1 °C à 3 °C de nos températures moyennes annuelles et, depuis 1971, un allongement de la saison sans gel.
Verglas, sécheresses, incendies, inondations… Qu’on le veuille ou non, le changement climatique est en marche. Et il semble plus rapide dans les zones arctiques que partout ailleurs dans le monde, augmentant la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes et semant la dévastation dans son sillage.
Par Marie Gagnon
Déjà, en 1896, le Suédois et prix Nobel de chimie Svante Arrhenius prédisait qu’un doublement du dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique entraînerait un réchauffement planétaire d’environ 5 degrés Celsius (°C) par rapport à l’ère préindustrielle. Depuis, les membres du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), armés de moyens techniques dont ne disposaient pas leur précurseur, ont refait les calculs, estimant en 2007 qu’un doublement de CO2 se traduirait plutôt par un rehaussement de 2 °C à 4,5 °C des températures globales d’ici la fin du siècle.
Si l’écart de calcul est somme toute minime, les conséquences d’un tel réchauffement seront tout sauf négligeables. Et si rien n’est fait pour l’enrayer, elles se feront sentir plus tôt que prévu. Les scientifiques s’accordent en effet à dire que l’accroissement de l’effet de serre causera non seulement une hausse globale de la température, mais modifiera également les courants océaniques, accélérera la fonte des glaciers, relèvera le niveau des mers, modifiera le cycle de l’eau. Avec, à la clé, une fréquence plus élevée d’événements météorologiques extrêmes.
État des lieux
Dans son dernier rapport publié en 2019, le GIEC sonne d’ailleurs l’alarme : les effets causés par le changement climatique sur les océans et les glaciers dépasseraient de loin la capacité des gouvernements à les protéger. L’organisme relève en outre que les répercussions négatives associées à l’amenuisement de la cryosphère se font déjà sentir sur les ressources en eau et les moyens de subsistance, en particulier chez les populations autochtones, ainsi que sur les infrastructures et les transports.
Ouranos estime que les températures devraient augmenter de 2 °C à 4 °C entre 2041 et 2070 dans le sud du Québec et s’accompagner d’une hausse significative des précipitations, qui alterneront avec des périodes de sécheresses plus longues et feront grimper les risques de feux de forêt.
Plus près de nous, le consortium en climatologie Ouranos brosse, dans un rapport synthèse publié en 2015, un état des lieux pour le Québec. Il observe notamment, entre 1950 et 2011, une hausse de 1 °C à 3 °C des températures moyennes annuelles pour toutes les régions du Québec et, depuis 1971, un allongement de la saison sans gel. Le rapport remarque également une hausse des précipitations en hiver et au printemps, de même que des épisodes de verglas plus fréquents dans la vallée du Saint-Laurent que partout ailleurs en Amérique du Nord.
Du même geste, Ouranos établit des projections plutôt sombres pour l’avenir. Dans un scénario de forte augmentation des gaz à effet de serre, il estime que les températures devraient augmenter de 2 °C à 4 °C entre 2041 et 2070 dans le sud du Québec et s’accompagner d’une hausse significative des précipitations, qui alterneront avec des périodes de sécheresses plus longues et feront grimper les risques de feux de forêt. Parallèlement, la province connaîtrait une diminution des chutes de neige au cours de cette même période.
Défi mondial
En 2015, dans l’espoir d’inverser la tendance, le monde s’engageait, par l’Accord de Paris, à limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5 °C d’ici 2100, par rapport aux niveaux préindustriels. À ce jour, 197 pays ont signé l’Accord et 183 l’ont ratifié. Les États-Unis, qui figurent parmi les plus gros émetteurs de GES de la planète, prévoient toutefois s’y soustraire officiellement le 4 novembre prochain.
Parmi les moyens mis de l’avant pour atteindre cette cible et parvenir au plafonnement mondial des émissions de GES dans les meilleurs délais, on note le désinvestissement dans les énergies fossiles et l’atteinte de la neutralité carbone, de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions de GES et leur absorption par les puits de carbone – forêts, océans, techniques de restauration du climat, capture et stockage du carbone.
Qualifié d’historique, car s’appliquant pour la première fois à tous les pays du monde, cet accord, s’il était loin d’être parfait, a eu le mérite de faire émerger un consensus entre pays développés et en développement. Au vu de l’échec de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 25), l’automne dernier, l’Accord de Paris semble aujourd’hui compromis *.
Quoi qu’il en soit, il reste que l’adaptation au changement climatique n’est plus une option. Pour faire face aux phénomènes météorologiques extrêmes qui s’annoncent, il faut d’ores et déjà renforcer la résilience en matière d’énergie, d’infrastructure, de gestion de l’eau et de planification urbaine et côtière. Le climat change, les façons de construire aussi. ■
* NDLR : Cela même si cet accord profite actuellement d’une alliée inattendue autant qu’indésirable : la COVID-19. À cause de cette maladie, selon l’ONG anglaise Carbon Brief, les émissions de CO2 devraient chuter de 4 % en 2020 par rapport à l’an dernier : la plus forte baisse annuelle jamais enregistrée depuis le XVIIIe siècle. (Voir https://bit.ly/3aoHp8V)