Gérer la croissance
Entretien avec le maire de Lévis, Gilles Lehouillier
« Avec un budget de près de 165 millions $, le premier tiers du PTI est consacré à la pérennité des infrastructures. » – Gilles Lehouillier, maire de Lévis
Lévisien pure laine, Gilles Lehouillier est un vétéran tant de la politique municipale que provinciale. Conseiller municipal à Lauzon (1986-1989), puis à Lévis (1989-2005), il a été directeur régional au ministère des Affaires municipales et des Régions de 2005 à 2008, puis député de Lévis à l’Assemblée nationale de 2008 à 2012. C’est en novembre 2013, qu’il a été élu maire de Lévis.
Par Jean Brindamour
Q. Monsieur le maire, le programme triennal d’immobilisations (PTI) 2020-2021-2022, totalise 401 millions de dollars. Pouvez-vous nous parler brièvement des points saillants de ce PTI ?
R. Laissez-moi d’abord vous expliquer le contexte du PTI. J’ai été élu maire de Lévis en novembre 2013. Sans programme, sans plan directeur, le premier PTI manquait de vision. Depuis 2014-2015, on est passé à une gestion moderne de notre ville et on a revu complètement notre façon de concevoir un PTI. Avant, c’était surtout une liste d’épicerie. Conséquence ? On coupait dans la pérennité des infrastructures et on faisait des travaux pour des raisons politiques ou électorales; maintenant, avec notre PTI, on propose une vision et des orientations claires.
Avec un budget de près de 165 millions $, le premier tiers du PTI est consacré à la pérennité des infrastructures. Cela inclut aqueducs, égouts, voirie, parcs, bâtiments à vocation culturelle, patrimoniale ou communautaire, bâtiments et équipements sportifs. Les projets liés à la croissance, avec plus de 145 millions $, constituent le deuxième tiers. La ville de Lévis est maintenant la 7e ville au Québec. Nous connaissons une croissance exponentielle. Il s’ajoute annuellement 1 600 unités d’habitation chez nous. Même dynamisme au niveau industriel. Il faut savoir gérer cette croissance. Cela veut dire non seulement s’occuper des routes et des infrastructures souterraines, mais aussi prévoir des équipements sportifs, des écoles, du transport en commun. Le dernier tiers, avec 91 millions $, comporte deux volets : le développement économique et la qualité de vie. Pourquoi la qualité de vie ? Parce que nos études ont démontré qu’il s’agit là du facteur numéro 1 de localisation. Les jeunes familles veulent avoir accès à des services, mais aussi à des équipements sportifs et culturels. À Lévis, autour de 4 000 jeunes sont inscrits pour des formations en musique et en danse. C’est autant qu’au hockey.
« La ville de Lévis est maintenant la 7e ville au Québec. Nous connaissons une croissance exponentielle. Il s’ajoute annuellement 1 600 unités d’habitation chez nous. Même dynamisme au niveau industriel. Il faut savoir gérer cette croissance. Cela veut dire non seulement s’occuper des routes et des infrastructures souterraines, mais aussi prévoir des équipements sportifs, des écoles, du transport en commun. » – Gilles Lehouillier
Q. Est-ce que Lévis, comme plusieurs villes québécoises, a pris du retard dans le maintien, l’entretien et le renouvellement de ses infrastructures ?
R. En 2001, ce qui est maintenant la ville de Lévis, c’était une dizaine de petites municipalités, qui n’avaient pas de système de planification. Le grand Lévis devait se donner une planification d’envergure et être capable d’évaluer les investissements nécessaires pour préserver ses infrastructures. On s’est doté d’un plan directeur pour les aqueducs et les égouts, et pour le pavage et les trottoirs. Nous avons près de 1 000 km de rues dans le grand Lévis. Il importe d’être outillé d’informations et de plans directeurs qui permettent de la rigueur. Par exemple un rapport qu’on a demandé nous a appris que 61,7 % de nos rues étaient dans un état général de moyen à bon. On pouvait se dire que ce n’était pas trop mal. Mais le rapport nous a permis de constater qu’on entrait bientôt dans une phase de dégradation accélérée. Dans le passé, on mettait environ 5 millions $ par année dans le pavage, les trottoirs et les chaînes de rue. Aujourd’hui, on doit mettre 13,5 millions $ si on ne veut pas entrer dans cette phase de dégradation rapide. Ce sont les plans directeurs qui ont permis de faire des choix éclairés et de déterminer les rues qui nécessitent des travaux. On ne travaille plus par quartier. C’est l’indice d’usure du pavage qui est décisif. Et ces informations sont remises à jour tous les deux ans pour identifier les rues qui connaissent un vieillissement prématuré. Non seulement on fait davantage de pavage, mais on s’assure que ce sont les rues les plus détériorées qui sont réparées, indépendamment du quartier où elles se trouvent. Ces études ont permis de rationaliser nos interventions, mais elles ont eu aussi pour effet d’augmenter les dépenses prévues dans le PTI. Il faut financer cette augmentation. D’autant plus que les projets de développement entraînent de nouveaux besoins qu’il faut calculer et introduire dans le PTI. Voilà pourquoi on privilégie les projets de développement les plus raisonnables. Chaque fois qu’on accepte un projet de développement, les dépenses sont inscrites dans le PTI. Le promoteur sait toujours à quoi s’en tenir du côté de la Ville. Cela nous rend de plus en plus attractif.
« Il y a 2 millions de déplacements par jour entre Québec et Lévis. Il faut aller chercher de la fluidité. La bonne nouvelle : grâce au nouveau tunnel, il y aura un lien de centre-ville à centre-ville. En autobus actuellement, cela prend 52 minutes pour se rendre au centre-ville de Québec. Avec le tunnel, il ne faudra que 10 minutes jusqu’à la colline parlementaire. Il y aura deux voies automobiles de chaque côté, un transport en commun très efficace, relié en souterrain avec le tramway. Les deux Villes sont d’accord sur ce nouveau projet ! » — Gilles Lehouillier
Si on avait gardé la méthode de 2013, on serait perdu. Un exemple concret. On a fait faire une étude pour savoir combien on pouvait ajouter d’unités d’habitation dans la zone urbaine. Nous avons de la place pour 22 500 nouvelles unités d’habitation. Lévis n’appuie pas les nouveaux développements en dehors du périmètre urbain. Ça coûte plus cher en infrastructures et il n’y a pas de plus-value foncière. En plus, cela exige un dézonage agricole. Il faut se battre avec le gouvernement, ça n’en finit plus. On se concentre sur le développement des 22 500 unités possibles à l’intérieur du périmètre urbain. On a aussi une possibilité de redéveloppement en permettant de monter en hauteur des bâtiments dans certains secteurs.
Q. Qu’en est-il de la fluidité de la circulation à Lévis ? Quels projets visant l’amélioration de la fluidité de la circulation routière ont été réalisés ou sont en voie de l’être ?
R. À Montréal, on a pour 30 à 40 milliards $ de projets d’infrastructures. Dans la grande région Québec-Lévis, on est surtout en situation de rattrapage. Le pont Laporte a été configuré pour accueillir 12 000 véhicules à l’heure. Depuis 2011, il ne répond plus à ce chiffre. On en est rendu maintenant, le matin à l’heure de pointe, à environ 24 000 véhicules à l’heure et jusqu’à 34 000 véhicules à l’heure en fin d’après-midi. On ne sait pas combien de temps durera le pont de Québec. 25 ou 30 ans ? Il y a 2 millions de déplacements par jour entre Québec et Lévis. Il faut aller chercher de la fluidité. La bonne nouvelle : grâce au nouveau tunnel, il y aura un lien de centre-ville à centre-ville. En autobus actuellement, cela prend 52 minutes pour se rendre au centre-ville de Québec. Avec le tunnel, il ne faudra que 10 minutes jusqu’à la colline parlementaire. Il y aura deux voies automobiles de chaque côté, un transport en commun très efficace, relié en souterrain avec le tramway. Les deux Villes sont d’accord sur ce nouveau projet ! Au-delà du tunnel, on travaille sur deux autres éléments majeurs. Avec le MTQ, on a regardé ce qu’il fallait améliorer. On a retenu une dizaine de grands travaux. Deux axes : la route 116, qui appartient au gouvernement, à l’ouest de la ville dans le secteur Saint-Nicolas, et gravite vers le pont de Québec; et, à l’est de la ville, le prolongement de la rue St-Omer (une artère municipale à l’est du boulevard Kennedy), jusqu’à la route 20. On pourra sortir de la 20 sur St-Omer, en plus de Kennedy. Quant à la route 116, elle aura son couloir pour le transport en commun. S’ajoute à cela le projet structurant de transport en commun sur le boulevard Guillaume-Couture [l’ancien boulevard de la Rive-Sud]. Avec les voies réservées sur Guillaume-Couture dans les zones les plus achalandées, on gagnera 15 minutes en moyenne. C’est énorme sur les heures de pointe. En plus, la possibilité d’aller de centre-ville à centre-ville par le tunnel va changer la donne pour les ponts. Tous ces projets permettront de répartir le trafic et de le désengorger. ■