MAGAZINE CONSTAS

Les priorités du MTQ

Entretien avec François Bonnardel, ministre des Transports du Québec

« Le Ministère n’a pas le droit à l’erreur; il a la sécurité des usagers entre les mains, et il dépense des sommes considérables (…). Ainsi, je souhaite de la rigueur. Beaucoup de rigueur. »  — François Bonnardel

Élu il y a plus de dix ans, le 26 mars 2007, d’abord sous la bannière de l’Action démocratique du Québec (ADQ), puis de son successeur la Coalition Avenir Québec (CAQ), François Bonnardel, déjà une figure familière de la politique québécoise, est devenu un poids lourd du jeune gouvernement Legault. Le député de Granby et nouveau ministre des Transports (MTQ) a accepté de répondre à nos questions.

Par Jean Brindamour

Q. Monsieur le Ministre, le précédent gouvernement libéral a nommé au cours de son mandat quatre différents ministres des Transports. Ne peut-on dire que ce ministère est casse-cou pour son détenteur ?

R. Je constate, moi aussi, que la liste de mes prédécesseurs est longue. D’ailleurs, à mon arrivée en poste, plusieurs m’ont fait des remarques à ce sujet. Pour ma part, je ne vois pas ce poste comme un poste casse-cou, mais plutôt comme une occasion unique d’améliorer concrètement la vie des Québécoises et des Québécois. Lorsque je rencontre des employés du Ministère, je leur fais part de mon désir sincère de faire équipe avec eux le plus longtemps possible. Je crois avoir tout ce qui est nécessaire pour y arriver et je remercie le premier ministre de m’avoir confié cet important mandat.

« Le Ministère participe avec grand intérêt à différentes initiatives visant à réduire les délais de paiement (…) afin d’améliorer la situation et de permettre aux entrepreneurs de toucher plus rapidement leur dû. » – François Bonnardel, ministre des Transports du Québec

Q. Vous avez déjà participé à cinq élections générales, vous avez été comme parlementaire aux premières loges dans toute cette grande crise de confiance envers le monde de la construction dans son ensemble. Diriez-vous que la confiance envers le MTQ a été restaurée depuis la Commission Charbonneau ? Que tout est réparé, si j’ose dire ?

R. Nous avons entendu des choses horribles, quant à la gestion de certains contrats publics, au cours des dernières années. Pour restaurer un lien de confiance, on sait que ça prend du temps. On ne peut pas faire cela du jour au lendemain. Toutefois, j’ai l’impression qu’on marche dans la bonne direction.

Depuis la Commission Charbonneau, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et je suis à même de saisir l’ampleur des changements effectués au ministère, notamment dans la gestion de l’attribution des contrats. Un plan de transformation organisationnelle est en cours. Plusieurs gestes ont été posés, et d’autres le seront, pour s’assurer que les contrats soient attribués de la façon la plus juste possible.

Je sais maintenant qu’un suivi serré est systématiquement entrepris. En terminant, je vous assure que je compte bien être vigilant et je serai intraitable sur les questions éthiques. Les contribuables du Québec peuvent compter sur moi.

Q. L’Autorité des marchés publics (AMP) entre en fonction le 25 janvier prochain. Est-ce que les rapports entre le MTQ et l’AMP seront harmonieux ? Y aura-t-il collaboration entre les deux ?

R. L’AMP aura un rôle primordial, celui de surveiller les marchés publics et s’assurer de l’application des lois et des règlements encadrant les contrats publics. Comme vous le savez peut-être, le MTQ est désigné dans la Loi constituant l’organisme; il est donc certain que le Ministère collaborera à ses travaux, et qu’il recherchera des rapports harmonieux. Bien évidemment, si l’Autorité des marchés financiers formule des recommandations au Ministère, je veillerai personnellement à ce qu’elles soient appliquées.

Q. Pouvez-vous faire un résumé succinct des grandes orientations que vous voulez donner à votre ministère ?

R. Le Ministère n’a pas le droit à l’erreur; il a la sécurité des usagers entre les mains, et il dépense des sommes considérables, chaque année, pour entretenir et construire des ponts ainsi que pour soutenir un ensemble de projets de toute nature. Chaque projet doit être réfléchi afin d’avoir le meilleur impact possible. Ainsi, je souhaite de la rigueur. Beaucoup de rigueur.

Depuis mon arrivée en poste, j’ai également exprimé mon désir de bonifier l’expertise interne au sein du Ministère. D’ailleurs, nous sommes en voie d’atteindre les objectifs que le MTQ s’était donné, et je souhaite poursuivre cette culture de l’expertise au sein de notre fonction publique. Le Ministère est au service de la population, et nous devons nous donner les moyens pour assurer notre mission.

Q. Quels sont les projets du MTQ que vous priorisez actuellement ?

R. Avant toute chose, il importe de préserver nos acquis. En conséquence, je veux m’assurer que les ressources soient disponibles afin que le Ministère puisse entretenir, réparer et remettre à neuf les infrastructures existantes.
Je souhaite aussi prioriser les projets ayant un impact sur la mobilité des personnes et des biens, notamment en luttant contre la congestion. Aussi, il est important d’envisager cette mobilité dans une perspective de développement durable. Les transports collectifs, l’électrification des transports et toutes les alternatives aux voitures en solo doivent occuper un rôle important dans tous les nouveaux projets. J’aime rappeler qu’on ne construit plus des routes comme dans les années 50 ou 60. Bien évidemment, et tel que nous nous y sommes engagés, la construction d’un troisième lien routier entre Québec et Lévis sera un projet incontournable. Je crois que ce projet constituera une occasion unique de montrer le savoir-faire des ingénieurs et des entrepreneurs du Québec.

 

L’échangeur Turcot, tel que capté en janvier 2018 par Google Earth.

 

Q. J’aimerais aborder un sujet qui intéresse particulièrement les entrepreneurs, celui des délais de paiement. Le gouvernement du Québec a annoncé le 10 août dernier la mise sur pied d’un projet pilote pour régler les retards de paiement dans l’industrie de la construction. Ce projet pilote vise essentiellement à mettre à l’essai un calendrier de paiement obligatoire (à dates fixes) et un mode de règlement des différends plus rapide, grâce au recours à un intervenant-expert. Tout cela est encore bien récent, mais est-ce que les donneurs d’ouvrage comme le MTQ sont susceptibles de se plier facilement à ce cadre ?

R. Le Ministère participe avec grand intérêt à différentes initiatives visant à réduire les délais de paiement, notamment au projet pilote du Secrétariat du Conseil du trésor. Ainsi, le MTQ a identifié quatre projets, à Montréal, dans Lanaudière et sur la Côte-Nord, afin de mener les expérimentations nécessaires. À l’issue du projet pilote et du plan d’action mis en place par le Ministère, un bilan sera fait et la meilleure option sera retenue afin d’améliorer la situation et de permettre aux entrepreneurs de toucher plus rapidement leur dû.
En parallèle, le Ministère a élaboré et mis en œuvre un plan d’action visant à réduire les délais de traitement des réclamations, lorsque des litiges sont présents. Les premiers résultats obtenus démontrent une nette amélioration et le Ministère va poursuivre ses efforts, notamment en développant de meilleurs réflexes afin de détecter les enjeux et mieux intervenir sur les problèmes à la source. •