MAGAZINE CONSTAS

Une pandémie à contenir, une industrie à préserver

Rencontre avec Sébastien Marcoux, président du conseil d’administration de l’ACRGTQ

Dès le début de la crise, l’ACRGTQ a fait partie, avec les autres associations patronales et syndicales, du comité tactique CNESSST COVID-19, précise Sébastien Marcoux.

Lors de son assemblée générale annuelle, tenue en janvier dernier dans le cadre de son 76e congrès, l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) a élu le directeur conception-construction et vice-président de Construction Kiewit, Sébastien Marcoux, à titre de président de son conseil d’administration. Il succédait ainsi à Marie-Claude Houle. Quelques semaines plus tard, une crise sanitaire mondiale a éclaté, fauchant des vies, mettant en péril des emplois, des entreprises, des secteurs entiers de l’économie. Sébastien Marcoux a bien voulu témoigner de la vigueur et de la résilience d’une industrie de la construction qui n’a pas été épargnée par la tourmente.

Par Jean Brindamour

Sébastien Marcoux

Q. Vous avez été directeur adjoint de projet de KPH Turcot, le consortium responsable de la conception et de la construction de l’échangeur Turcot. Ce grand chantier, qui devait être complété vers la fin de l’été 2020, a été retardé à cause de la pandémie. Ce retard est le lot de plusieurs autres chantiers. Pouvez-vous préciser les dégâts causés par la pandémie jusqu’ici dans votre industrie et nous dire s’ils pourront être réparés de sitôt ?

R. Que ce soit pour le chantier Turcot ou d’autres en cours, l’arrêt des travaux va résulter en des retards sur les échéanciers prévus originalement. Il est encore trop tôt pour connaître l’étendue des retards des différents projets, mais ces retards, ainsi que les mesures sanitaires additionnelles mises en place en raison de la COVID, vont engendrer des coûts additionnels. Il faut penser que ce ne sont pas uniquement les chantiers eux-mêmes qui sont affectés, mais aussi toute la chaîne d’approvisionnement de l’industrie. Il y a encore beaucoup d’inconnu. Il est donc important de travailler avec tous les partenaires de l’industrie pour minimiser les impacts. Et le plus tôt possible, c’est clair.

« En plus d’avoir été impliquée sur le comité tactique mis en place par la CNESST dès le début de la crise, l’ACRGTQ a aussi préparé pour les entrepreneurs un guide de prévention de la Covid-19. » – Sébastien Marcoux

Q. Cette pandémie regarde en particulier la santé et sécurité au travail. (SST). Comment l’ACRGTQ s’implique-t-elle ? Quelles mesures sanitaires seront appliquées ?

R. Tout d’abord, et j’en ai parlé durant mon allocution au dernier congrès de l’ACRGTQ, la SST sur les chantiers est au cœur des préoccupations de l’ACRGTQ et des entrepreneurs. Dès le début de la crise, l’ACRGTQ a fait partie, avec les autres associations patronales et syndicales, du comité tactique CNESST COVID-19 qui avait pour mandat de préparer le Guide de prévention de la CNESST – Chantiers COVID-19 [voir cnesst.gouv.qc.ca]. Les mesures à mettre en place sont celles décrites dans le guide, comme par exemple les recommandations pour le port du masque ou encore pour le nettoyage des outils. Il est certain que ces mesures demandent une réorganisation du travail sur les chantiers. Autant les employeurs que les travailleurs devront faire une surveillance accrue et être conscients de leur environnement de travail. Maintenant, les mesures additionnelles prises pour la Covid-19 seront-elles permanentes ? Je ne saurais dire à ce stade-ci. Par contre, une chose est certaine, elles seront en vigueur pour un bon bout de temps. Il sera important de hausser le niveau de communication sur les chantiers et de travailler en collaboration pour assurer la sécurité de tous.

En plus d’avoir été impliquée sur le comité tactique mis en place par la CNESST dès le début de la crise, l’ACRGTQ a aussi préparé pour les entrepreneurs un guide de prévention de la Covid-19 [voir acrgtq.qc.ca]. Je peux assurer que l’ACRGTQ va continuer de s’impliquer dans tout ce qui concerne les mesures de SST à implanter sur les chantiers.



Q. Et quelques mots sur un autre dossier important. Où en est la question des retards de paiement ?

R. L’ACRGTQ fait partie de la coalition sur les retards de paiement qui a travaillé avec le gouvernement sur le projet de loi 108, visant notamment à accélérer les paiements aux entreprises dans l’industrie de la construction. Une vingtaine de projets pilotes ont été lancés l’an dernier avec le ministère des Transports. Nous sommes en attente des conclusions et des actions qui vont en résulter, mais, évidemment, l’ACRGTQ veut que l’on passe de projets pilotes à une situation permanente.

Q. Pourquoi avoir évoqué différents modes d’octroi et de réalisation de contrats dans votre allocution aux membres en janvier dernier ?

R. Il faut permettre des modes différents de contrat, tout comme cela se fait ailleurs. Les façons de faire doivent évoluer. Certains modes de contrat favorisent grandement la collaboration entre les donneurs d’ouvrage, les concepteurs et les entrepreneurs, ce qui a un impact bénéfique sur les coûts et l’échéancier des projets, tout en favorisant l’innovation.

Q. Que prévoyez-vous dans les prochains mois ? L’industrie de la construction se relèvera-t-elle ?

R. La construction est le 4e secteur de l’économie au Québec et un créateur de richesse important et le secteur du génie civil emploie environ 40 000 personnes. Les entrepreneurs ont connu une période très difficile et la situation reste encore fragile. Selon moi, cela prendra encore du temps pour revenir à ce que nous étions avant Covid-19. Pour cette raison, nous avons proposé plusieurs pistes de solutions aux donneurs d’ouvrage pour supporter les entrepreneurs. Mais, au bout du compte, j’ai confiance en nos entrepreneurs. Une accélération des travaux d’infrastructures et des grands projets pourrait également contribuer, non seulement à remettre sur les rails l’industrie de la construction, mais à rétablir et relancer une économie québécoise durement touchée par la pandémie. ■