MAGAZINE CONSTAS

Importance cruciale de la sécurité sur le chantier !

La négligence peut être jugée criminelle

La loi C-21, faut-il le rappeler, est venue modifier le Code criminel en ce qui a trait à la responsabilité pénale des organisations et des personnes qui supervisent le travail d’autres personnes.

Un entrepreneur en excavation a été reconnu coupable en mars dernier d’homicide involontaire d’un de ses hommes, lequel a été enseveli dans une tranchée qui ne respectait pas les règles du Code de sécurité pour les travaux de construction. Retour sur une tragédie lourde de conséquences.

Par Marie Gagnon

Sécuriser son chantier, ce n’est pas une option, mais une obligation légale. L’entrepreneur en excavation Sylvain Fournier l’a appris à ses dépens, le 1er mars dernier, lorsque l’honorable juge Pierre Dupras, de la Cour du Québec, l’a déclaré coupable d’homicide involontaire à l’endroit de Gilles Lévesque, un de ses salariés. Le verdict a causé une onde de choc dans l’ensemble de l’industrie de la construction, et pour cause : il s’agit d’une première depuis l’adoption de la loi C-21.
Une responsabilité élargie

La loi C-21, faut-il le rappeler, est venue modifier le Code criminel en ce qui a trait à la responsabilité pénale des organisations et des personnes qui supervisent le travail d’autres personnes. En vigueur depuis 2004, elle autorise les poursuites au criminel contre les organisations qui font preuve d’un manquement à leurs responsabilités en matière de santé et de sécurité du travail (SST). Désormais, toute personne travaillant pour une organisation – administrateur, cadre, employé, sous-traitant – peut, par actions ou omissions, entraîner la responsabilité criminelle de l’organisation. La loi C-21 permet également les mises en accusation pour négligence criminelle de toute personne qui dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche, s’il est démontré que cette personne fait preuve d’insouciance déréglée ou de témérité à l’égard de la sécurité.

« Au début des années 2000, de huit à dix travailleurs étaient victimes de lésions corporelles graves chaque année en raison de l’effondrement d’une tranchée, rappelle Luc Boily, directeur du Service de la prévention, santé et sécurité au travail pour l’ACRGTQ. C’est ce qui a amené la CNESST à inclure les dangers d’effondrement dans son plan de « Tolérance zéro ».

« Au début des années 2000, de huit à dix travailleurs étaient victimes de lésions corporelles graves chaque année en raison de l’effondrement d’une tranchée, rappelle Luc Boily, directeur du Service de la prévention, santé et sécurité au travail pour l’ACRGTQ. C’est ce qui a amené la CNESST à inclure les dangers d’effondrement dans son plan de « Tolérance zéro ». Peu après, l’ACRGTQ a entrepris avec l’ASP Construction une tournée provinciale pour sensibiliser les employeurs sur les risques et les règlements associés aux travaux en tranchée. C’est ainsi que les efforts de mobilisation de l’ensemble de l’industrie ont eu pour effet de rendre pratiquement nul les accidents de ce type. C’est par la suite que cet accident malheureux s’est produit. »

L’accident remonte à l’année 2012, alors que la victime, Gilles Lévesque, travaille à l’installation d’une conduite d’égout dans une tranchée dont les parois, quasi verticales, ne sont pas étançonnées. Lorsque la paroi sud s’effondre, la victime et son employeur, Sylvain Fournier, s’affairent au fond de l’excavation. Gilles Lévesque est complètement enseveli et Sylvain Fournier est lui-même coincé jusqu’à la taille. Il faudra près de trois heures pour dégager Gilles Lévesque, dont on ne pourra que constater le décès.

Au banc des accusés

Après enquête, Sylvain Fournier est accusé d’homicide involontaire et de négligence criminelle. Au terme du procès, le tribunal conclut que M. Fournier doit être reconnu coupable des deux infractions aux motifs suivants : la tranchée contrevient au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC 3.15.3); la mort de M. Lévesque découle de ce manquement; et la configuration de la tranchée présentait un risque réel et prévisible de lésions corporelles.

Puisqu’en droit il existe une règle qui prohibe les déclarations de culpabilité multiples pour un même fait, M. Fournier sera condamné uniquement pour l’accusation d’homicide involontaire, soit l’acte criminel le plus grave. Il risque l’emprisonnement à perpétuité. Dans sa décision, le juge Dupras a rappelé que la sécurité des travailleurs incombe non seulement à l’employeur en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), mais aussi à toute personne qui dirige l’exécution d’un travail selon l’article 217.1 du Code criminel, introduit par la loi C-21.
« Nous nous sommes servis de ce jugement lors d’une nouvelle tournée d’information et de sensibilisation ce printemps, mentionne Luc Boily. Plusieurs participants nous ont exprimé leurs inquiétudes à cet égard. Qu’ils se rassurent. S’ils prennent les mesures qui s’imposent, il ne devrait rien arriver. C’est ce qu’on appelle la diligence raisonnable et tout le monde a son rôle à jouer. Ce n’est que lorsqu’une situation à risque se présente et que rien n’est fait pour prévenir le pire, comme dans l’affaire Fournier, qu’on peut être poursuivi au criminel en cas d’accident. »•


Trois exclusions

Trois cas de figure ne nécessitent pas l’étançonnement d’une tranchée ou d’une paroi d’excavation.
1. Lorsque l’excavation est faite dans un roc sain et que nul n’est tenu d’y descendre.
2. Lorsque les parois ne risquent pas de s’effondrer et que leur pente est inférieure à 45 degrés à moins de 1,2 mètre du fond.
3. Lorsque les parois ne risquent pas de glisser et qu’un ingénieur atteste qu’il n’est pas nécessaire de les étançonner.
Autrement, l’employeur doit s’assurer que les parois sont étançonnées conformément aux plans et devis d’un ingénieur