MAGAZINE CONSTAS

Un Plan Nord sur ses rails

Entretien avec Robert Sauvé

« Depuis la relance du Plan Nord en 2015, les succès sont au rendez-vous. Le Plan Nord prend forme par le biais de réalisations solides, et on sent de plus en plus d’intérêt chez les Québécois du Sud pour le territoire du Nord. » − Robert Sauvé

Au cours de sa carrière, Robert Sauvé a pu développer une connaissance approfondie du territoire du Plan Nord et des régions, ce qui lui a permis de jouer un rôle déterminant dans ce grand projet de développement durable. Nous avons rencontré le président-directeur général de la Société du Plan Nord (SPN) depuis sa création en avril 2015, dont la retraite, après plus de trente ans dans la fonction publique québécoise, a été annoncée pour le 22 juin de cette année.

Par Jean Brindamour

Robert Sauvé

Pour Robert Sauvé, l’originalité du Plan Nord, son trait distinctif, c’est qu’il met de l’avant une approche intégrée. « Cette vision globale a d’ailleurs été circonscrite dans le Plan Nord – Plan d’action 2015-2020, à l’horizon 2035, commente M. Sauvé. Le Plan Nord est une stratégie de développement du territoire et non pas une stratégie sectorielle. Chaque projet réalisé dans le cadre du Plan Nord doit l’être dans une perspective de développement durable qui intègre les dimensions économique, sociale et environnementale. Il est donc visé que tous les projets qui se réalisent sur le territoire du Plan Nord s’inscrivent dans cette approche de planification et de développement intégré et regroupent l’ensemble des activités sociales et économiques, ce qui implique par ailleurs toutes les parties prenantes. »

La Société du Plan Nord (SPN)

La SPN dans l’application de cette stratégie a un rôle privilégié. « La SPN est l’instance clé du déploiement du Plan Nord, précise M. Sauvé. Elle a pour mission, dans une perspective de développement durable, de contribuer au développement intégré et cohérent du territoire du Plan Nord. Elle le fait en coordonnant l’action gouvernementale sur le territoire, en conformité avec les orientations définies par le gouvernement du Québec et en concertation avec les représentants des régions et des nations autochtones concernées, ainsi que du secteur privé. »

Pour ce qui est des seules infrastructures, plusieurs réalisations sont au crédit du Plan Nord : « Depuis 2015, note M. Sauvé, le gouvernement du Québec s’est porté acquéreur des installations de Cliffs Québec mine de fer ULC pour désenclaver les infrastructures portuaires de Sept-Îles. La Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire (SFPPN) a été créée pour assurer à l’ensemble des minières de la fosse du Labrador, au nord de Sept-Îles, l’accès à ces infrastructures au moindre coût. Depuis l’acquisition des infrastructures de Pointe-Noire, d’importants travaux ont été réalisés pour permettre la relance des opérations de transbordement de minerai. Grâce à ces améliorations, il a été possible de transborder 250 000 tonnes de minerai en 2016 et 1 million de tonnes en 2017. Nous anticipons le transbordement de 10 millions de tonnes de minerai en 2018, et cette quantité pourrait doubler d’ici 2020. Un plan d’investissement de plus de 300 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans permettra de répondre à la demande croissante des clients actuels et futurs de la Société. Des investissements considérables sont également prévus pour les infrastructures routières. Les travaux d’amélioration des routes 389 et de la Baie-James sont commencés. La préparation du prolongement de la route 138 suit également son cours. Par ailleurs, des projets majeurs et structurants totalisant plus de 160 M$ sont en cours de réalisation, en collaboration avec le gouvernement du Canada, pour l’amélioration de l’accès à Internet et à la téléphonie mobile dans la région d’Eeyou Istchee Baie-James, au Nunavik, en Basse-Côte-Nord et dans la région de Schefferville. »

« La Société du Plan Nord a pour mission, dans une perspective de développement durable, de contribuer au développement intégré et cohérent du territoire du Plan Nord.» – Robert Sauvé

Un autre enjeu est la mise en place d’infrastructures qui puissent servir à l’ensemble de la communauté, par rapport à des infrastructures exclusivement privées. « L’approche multiusager est primordiale dans la mise en place d’infrastructures sur le territoire, souligne Robert Sauvé. Le Plan économique du Québec de mars 2018 prévoit une enveloppe de 20 millions de dollars sur deux ans afin de soutenir les entreprises minières réalisant des travaux de réfection majeurs sur des chemins d’accès multiressources. En moyenne, le soutien financier visé pourrait atteindre le tiers du coût de réfection des chemins. Il prévoit également la mise en place d’un comité sous la responsabilité de la Société du Plan Nord qui aura pour mandat de proposer un cadre de financement des nouvelles infrastructures. »

La première mine de diamants du Québec, la mine Renard, près des monts Otish, à 350 kilomètres de Chibougamau et 250 kilomètres au nord de la communauté crie de Mistissini. CR : Stornoway

Un impact économique déjà notable

« Au cours de ses trois premières années d’existence, se réjouit M. Sauvé, en incluant les activités en cours en 2018, le Plan Nord aura soutenu en moyenne 7350 emplois de qualité bien rémunérés annuellement. Le nombre d’emplois relatifs au Plan Nord a augmenté de plus de 50 % par rapport à celui observé au moment de sa relance, en 2015. L’économie des régions nordiques se porte bien ! En 2015, le taux de chômage des régions de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec s’élevait à 9,8 %. Pour le premier trimestre de 2018, on enregistrait une amélioration significative, avec un taux de 5,1 %! Selon les nouvelles données de l’Institut de la statistique du Québec, les investissements miniers ont enregistré une hausse de 8,1 % au Québec en 2017. Une excellente progression! La hausse des dépenses en exploration minière est encore plus encourageante, puisque c’est en explorant le territoire que nous découvrirons les prochains filons. En 2017, les dépenses en exploration minière ont presque doublé par rapport à celle de 2016. Elles sont maintenant estimées à 577 millions de dollars, un sommet depuis 2012 ! Après avoir connu une période plus tranquille en ce qui concerne les ressources naturelles, la Côte-Nord attire de nouveau les investisseurs du secteur minier. Les investissements dans ce secteur ont augmenté de 17,3 % en 2017 dans la région. Les perspectives sont également très prometteuses pour l’ensemble du territoire. L’Institut de la statistique estime que le niveau d’investissement minier devrait augmenter de 22,2 % en 2018 et atteindre 3,39 milliards de dollars. De leur côté, les prévisions pour l’exploration se chiffrent à 657 millions de dollars. »

Le Fonds d’initiatives du Plan Nord (FIPN), géré par la Société du Plan Nord, contribue à soutenir la réalisation d’initiatives locales et régionales. « Ce programme, indique M. Sauvé permet d’appuyer et de promouvoir des projets qui génèrent de l’activité économique sur le territoire du Plan Nord, qui favorisent le développement des communautés du Nord et qui visent la protection de l’environnement et la conservation de la biodiversité. Le programme, qui fonctionne par appels à projets, bénéficie d’une enveloppe annuelle de 3 M$. Depuis sa mise en œuvre en 2015, le FIPN a soutenu financièrement 151 projets pour une contribution totale de 8,9 M$. La valeur totale des investissements relatifs à ces projets se chiffre à près de 45 M$. »

 

Parc National Tursujuq. Parc créé dans le cadre du Plan d’action stratégique sur les aires protégées, du Plan Nord et de l’Entente de partenariat sur le développement économique et communautaire au Nunavik. © Administration Régionale Kativik, Patrick Graillon

« Nous pouvons remarquer dans le cadre de nos missions à l’étranger que le Plan Nord suscite de l’intérêt à l’international, poursuit Robert Sauvé. Le Plan Nord intéresse les investisseurs, notamment dans le domaine minier. Des contacts ont déjà été établis avec des investisseurs des États-Unis, de l’Europe, du Japon, de la Corée du Sud, de la Chine, de l’Australie et du Mexique. Par ailleurs, au plan de son positionnement international, l’implication du gouvernement du Québec dans l’Arctic Circle et sa participation à la conférence de l’Arctic Frontiers, à Tromsø, en Norvège, permettent de positionner le Québec parmi les leaders mondiaux en matière de développement nordique durable. »

« Depuis la relance du Plan Nord en 2015, conclut M. Sauvé, les succès sont au rendez-vous. Le Plan Nord prend forme par le biais de réalisations solides, et on sent de plus en plus d’intérêt chez les Québécois du Sud pour le territoire du Nord. Cet intérêt, jumelé à une accessibilité accrue au territoire et des équipements touristiques améliorés, font en sorte que, plus que jamais, les Québécois du Sud pourront apprivoiser et s’approprier le Nord. Les grands barrages, les cultures autochtones, la biodiversité ou encore les paysages à couper le souffle sont autant de bonnes raisons pour que les Québécois découvrent cette partie de leur territoire. De plus, son potentiel de développement économique, dans un contexte de développement durable est considérable. Ce développement à moyen terme bénéficiera aux populations du territoire du Plan Nord et de tout le Québec, dans le cadre d’un développement durable exemplaire, selon une approche globale, intégrée, cohérente et responsable. »