« Nous avons un développement sur 5 ans avec pour objectif une certification de Transport Canada et l’Union Européenne vers 2023 pour la commercialisation. »
— Sébastien Gendron, PDG et cofondateur de la start-up canadienne TransPod Hyperloop
Qu’est-ce que l’Hyperloop ? En bref, cela consiste en un double tube surélevé. À l’intérieur des tubes, sous basse pression pour limiter les frictions de l’air, se déplacent des nacelles capables d’accueillir des passagers, et donc pressurisées, qui seraient éventuellement propulsées par un certain nombre de moteurs à induction linéaire situés dans les tubes.
Par Jean Brindamour
L’idée n’est pas nouvelle. L’un des plus grands ingénieurs du XXe siècle, Robert Goddard (1882-1945), un pionnier en astronautique, a conçu dans les années 1910 (on a retrouvé ses notes après sa mort) un modèle presque identique à celui de l’Hyperloop.
Elon Musk
Mais c’est le richissime ingénieur et homme d’affaires Elon Musk, celui-là même qui inspira Robert Downey Jr. dans son interprétation de Tony Stark (Iron Man), qui a introduit le concept et le nom d’Hyperloop en 2013. Parmi les défis techniques auxquels s’est attaquée l’équipe d’Elon Musk, mentionnons au moins la difficulté de réduire au maximum la pression à l’intérieur du tube.
Au départ, le fondateur de Tesla (les voitures électriques et bientôt autonomes) et de SpaceX (Musk prépare fébrilement la colonisation de la planète Mars) n’a déposé aucun brevet. Encourageant la recherche dans un contexte d’« open source », il a déclaré en 2013 qu’il pourrait financer ou conseiller un projet d’Hyperloop, mais qu’il voulait se concentrer sur SpaceX et Tesla. Des start-ups furent créées, notamment l’une par des proches de Musk, Shervin Pishevar et Kevin Brogan, deux des fondateurs, en 2014, d’Hyperloop Technologies Inc., qui a pris le nom en décembre 2015 d’Hyperloop One. Un autre grand joueur est Hyperloop Transportation Technologies (HTT). Mais Musk est un oiseau de proie, un homme aux ambitions démesurées, et il semble vouloir reprendre ce qu’il considère comme son bien.
Bloomberg Business Week du 4 août 2017 soutient qu’il voudrait maintenant construire le système en entier, lui qui détient un droit sur le nom d’Hyperloop, ce qui pourrait lui permettre d’interdire à d’autres compagnies d’utiliser le mot. Mauvaise nouvelle pour la dizaine de start-ups dans le monde qui se sont lancées dans la course technologique du meilleur système d’Hyperloop.
Elon Musk dans « sa quête de modification de l’humanité », écrit bizarrement son biographe Ashlee Vance, inquiète et fascine à la fois. Musk soutient que l’Hyperlook fonctionnerait encore mieux sur Mars. Évidemment, puisque la pression d’air sur cette planète n’est que de 1 % celle de la Terre, la résistance de l’air ne serait plus un facteur. Son ami Craig Venter qui a créé en laboratoire un chromosome artificiel de synthèse, étape vers la création d’une forme de vie artificielle, a manifesté le désir de fabriquer avec Musk « une sorte d’imprimante d’ADN », avec laquelle sur la planète rouge on pratiquerait une « téléportation biologique ». Volonté de puissance ou de connaissance ? S’agit-il là de transport, de technologie, de science ou simplement d’une fuite de la condition humaine ? La technologie laissée à elle-même tend à la démesure.
Quelles villes d’abord ?
Heureusement, sur cette Terre, cette nouvelle technologie apparaît innovante et prometteuse. Hyperloop One a choisi un lien Toronto et Montréal comme l’un des meilleurs choix pour construire le premier système de transport à haute vitesse Hyperloop. Selon Hyperloop One, ce lien connecterait Montréal, Ottawa et Toronto, créant « une méga-région canadienne », qui constitue le quart de la population du pays. Le voyage entre Toronto et Montréal (640 km) durerait 39 minutes, celui entre Toronto et Ottawa (450 km), 27 minutes, tandis qu’on se rendrait d’Ottawa à Montréal (190 km) en 12 minutes seulement.
Une entreprise canadienne dans la course
La start-up canadienne TransPod Hyperloop, fondée en 2015, est moins connue qu’Hyperloop Transportation Technologies (HTT) ou Hyperloop One. C’est pourtant elle qui a mis sur la table l’hypothèse séduisante d’un Hyperloop reliant Montréal et Québec en 25 minutes. L’Hyperloop n’est-il pas un mode de transport essentiellement expérimental pour lequel l’expertise manque encore ? « Le projet est au début du développement industriel, répond le PDG et cofondateur de TransPod, le Français Sébastien Gendron, au même titre que lorsque Bombardier commence le développement d’un nouvel avion. Chez TransPod, nous avons un développement sur 5 ans avec pour objectif une certification de Transport Canada et l’Union Européenne vers 2023 pour la commercialisation. » TransPod en est aux premières approches pour ce projet : « La demande initiale, ajoute Sébastien Gendron, est d’engager le gouvernement du Québec à lancer une étude de faisabilité économique concernant un corridor Hyperloop potentiel entre Québec et Montréal. Aujourd’hui, TransPod travaille à réunir les supports politiques nécessaires pour qu’une telle étude soit approuvée. Nous espérons obtenir un accord d’ici fin 2018. »
Que les sceptiques se rappellent la première des trois lois de Clarke, formulées par Arthur C. Clarke, le célèbre auteur de science-fiction : « Quand un savant distingué mais vieillissant estime que quelque chose est possible, il a presque certainement raison ; mais lorsqu’il déclare que quelque chose est impossible, il a très probablement tort. » •