Fermeture de Gentilly-2
Un chantier pour deux générations
Chose certaine, l’expérience de Gentilly-2 pourrait mener à la mise à jour des plans de déclassement des autres centrales du pays.
Le 28 décembre 2012, la centrale nucléaire Gentilly-2 — la seule à avoir connu une exploitation commerciale en sol québécois — mettait fin à sa production d’électricité, après avoir été active pendant près de trois décennies. Six ans plus tard, les travaux de déclassement se poursuivent toujours au cœur du parc industriel de Bécancour.
Par Florence Sara G. Ferraris
Malgré l’arrêt définitif en 2012 de la production d’énergie de la centrale nucléaire Gentilly-2, environ 70 travailleurs d’Hydro-Québec s’activent toujours sur le site sur une base quotidienne. Il faudra d’ailleurs encore compter près d’une cinquantaine d’années avant que le site situé aux abords du fleuve Saint-Laurent ne soit complètement démantelé et prêt à être restauré.
« Pour le moment, tout se déroule selon l’échéancier prévu », assure le directeur des installations de Gentilly-2, Donald Olivier. Arrivé en poste en janvier 2015, ce dernier veille depuis à ce que le projet de déclassement se poursuive correctement. « Quand on parle de nucléaire, il y a un protocole très strict qui est nécessaire pour remettre le site dans un état où il sera à nouveau utilisable. »
Qu’est-ce qu’une grappe ? → Créées à partir d’uranium naturel, les grappes de combustible sont au cœur du procédé énergétique des centrales nucléaires. Elles sont composées d’une vingtaine de tubes en métal dans lesquels on retrouve des pastilles de céramiques faites à base de poudre d’uranium. C’est leur combustion — qui équivaut à celle d’environ 400 bûches de bois — qui a permis pendant longtemps à Gentilly-2 de produire de l’électricité.
Concrètement, les employés d’Hydro-Québec s’attellent donc à transférer environ 6000 grappes par année de combustible qui se trouvaient dans le réacteur de la centrale, de la piscine aux modules CANSTOR. D’une durée de vie de 50 ans, ces conteneurs en béton ont été conçus pour entreposer de façon sécuritaire des grappes d’uranium irradiées.
« Une fois le transfert complété [prévu en 2021], les enceintes de stockage accueilleront un total de 130 000 grappes », indique Donald Olivier. La centrale québécoise pourra alors entamer sa phase de dormance. Cette étape cruciale devrait durer une quarantaine d’années.
Ce n’est qu’à ce moment-là que les grappes pourront être envoyées vers un site d’entreposage sous-terrain prévu par la Société canadienne de gestion des déchets nucléaires (SGDN). Bien qu’inconnu pour le moment, ce dernier devrait être prêt d’ici 2050, au moment de l’ultime transfert, selon la SGDN.
Suivi environnemental
Une fois la période de dormance entamée, le nombre d’employés nécessaires à la maintenance du site devrait passer de 70 à une quinzaine, indique Donald Olivier. « Même s’il n’y a plus de production d’énergie depuis 2012, nous sommes contraints de réaliser régulièrement des plans de surveillance environnementale pour nous assurer que le site présente le moins de risques possible. »
En ce sens, l’Organisation régionale de la sécurité civile de la Mauricie et du Centre-du-Québec a mis un terme, au printemps 2016, au Plan des mesures d’urgence nucléaire externe, stipulant par le fait même que la centrale nucléaire ne représentait plus un risque pour les populations avoisinantes.
Chef de file
Gentilly-2 est la première centrale nucléaire canadienne à être démantelée. Le processus génère donc beaucoup de questions, tant de la part du public que des responsables des centrales situées dans les autres provinces canadiennes. « Le processus qu’on est en train de mettre en place suscite beaucoup d’intérêt », admet l’ingénieur civil de formation.
Chose certaine, l’expérience de Gentilly-2 pourrait mener à la mise à jour des plans de déclassement des autres centrales du pays. « Toutes les installations nucléaires doivent être dotées d’un plan et des fonds nécessaires pour procéder à leur démantèlement de façon sécuritaire, précise Donald Olivier. Ce qui est particulier, c’est que le cadre règlementaire [établi par la Commission canadienne de sûreté nucléaire] que nous devons suivre a été conçu pour les centrales en production. Et comme il s’agit du premier déclassement de réacteur commercial canadien, il existe plusieurs zones grises. »
Défi temporel
Plus encore, le déclassement des installations pose de nombreux défis humains à la société d’État, principalement en raison du temps nécessaire au démantèlement complet des installations. « Il s’agit, sans l’ombre d’un doute, d’un des plus longs chantiers qu’Hydro-Québec aura eu à administrer, avance Donald Olivier. Il n’est pas rare qu’un projet s’étale sur quatre ou cinq ans, voire une dizaine d’années parfois, mais là on parle de deux générations de travailleurs. »
Cet important laps de temps force l’équipe actuelle à faire preuve d’une grande rigueur, ajoute le directeur des installations. « Nous avons une responsabilité vis-à-vis de ceux qui prendront le relai à la suite de la période de dormance, insiste-t-il. Il est donc primordial de laisser des traces pour s’assurer que tout se déroule bien sur le long terme. » •