MAGAZINE CONSTAS

10 ans dans la vie des municipalités

Rencontre avec Alexandre Cusson, 1er vice-président de l’UMQ et maire de Drummondville

Alexandre Cusson est maire de Drummondville depuis novembre 2013, et premier vice-président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) depuis mai 2016. Engagé dans son milieu, grand voyageur, il connaît bien le monde. Nous avons voulu, avec lui, dresser un bilan de la vie municipale québécoise, en mettant l’accent sur les infrastructures et leur financement.

Par Jean Brindamour

Q. Entre 2007 et 2017, y a-t-il eu des progrès dans les programmes d’investissements fédéraux et provinciaux ?

R. Oui. Si on se compare avec le reste du monde industrialisé, on avait pris un certain retard. Il y a eu une prise de conscience collective sur l’importance d’investir dans les infrastructures pour des raisons économiques, parce qu’elles favorisent la croissance, mais aussi pour la qualité de vie qu’elles apportent. Les critères d’admissibilité aux programmes fédéraux et provinciaux ont été élargis. On a senti une volonté de faire preuve de davantage de flexibilité. Des programmes se sont ajoutés, avec des investissements supplémentaires.

Personne n’est mieux placé qu’un gouvernement local pour déterminer ses besoins. C’est le niveau de gouvernement le plus près de sa population.

Q. Les programmes actuels suffisent-ils ?

R. Il importe d’avoir de nouveaux programmes admissibles pour la consolidation des berges et pour la décontamination des terrains. On sait que l’hiver dernier a été difficile pour la Gaspésie. La consolidation des berges contre l’érosion doit être au top des priorités. Quant à la décontamination des terrains, il y a plusieurs cas d’anciens sites industriels fortement contaminés pour lesquels les coûts de décontamination sont trop élevés pour être pris en charge par la municipalité. Chez nous, à Drummondville, la Ville a acheté un site, 1 million de pieds carrés sur le bord de la rivière, que l’on doit décontaminer. Le site est au centre-ville. Ce qui permettra de le densifier, de limiter l’étalement urbain, de créer de l’activité économique. Mais il ne faut pas que le coût soit prohibitif pour notre ville. Des cas de ce genre, il y en a partout au Québec.

Q. Je lisais sur le site de l’UMQ que le niveau d’investissements des trois paliers de gouvernement devait augmenter de 2 G$ par an. Cela inclut le palier municipal. Mais les municipalités ont-elles la capacité d’augmenter leurs investissements? Comment voyez-vous l’avenir ?

R. Selon une étude de Deloitte, le déficit d’investissements dans les infrastructures municipales est de plus de 34 G$. Le parc d’infrastructures municipales représente 200 G$ d’actifs. 58 % de l’ensemble des infrastructures publiques relève des villes. Et pourtant, moins de 10 % du Plan québécois d’infrastructures (PQI) est consacré aux infrastructures publiques relevant des municipalités. Il y a un déséquilibre. Les besoins sont importants. Les ressources financières doivent être au rendez-vous.

« 58 % de l’ensemble des infrastructures publiques relève des villes. Et pourtant, moins de 10 % du Plan québécois d’infrastructures (PQI) est consacré aux infrastructures publiques relevant des municipalités. Il y a un déséquilibre.»

Il est important de continuer d’élargir les critères d’admissibilité aux programmes et de tenir compte des besoins locaux. L’eau, c’est essentiel, mais il faut aussi un espace pour les infrastructures sportives, culturelles, communautaires, etc. Évitons les programmes mur à mur (le transport en commun partout ou les infrastructures sportives partout) pour privilégier des programmes flexibles. Personne n’est mieux placé qu’un gouvernement local pour déterminer ses besoins. C’est le niveau de gouvernement le plus près de sa population. On est sur le terrain et on répond aux questions des citoyens à chaque conseil municipal.

Le Programme de la taxe sur l’essence et de la contribution du Québec (TECQ) est un modèle intéressant. Le fédéral et le provincial remettent une petite portion de leur gain aux municipalités : au total 2,67 G$ sur cinq ans. De 2014 à 2018 chaque municipalité connaît les montants qu’elle recevra en vertu de ce programme. Quand on connaît les montants d’avance, les projets à prioriser, ça nous permet de bien planifier. Sinon, on se lance dans chaque nouveau programme, en faisant abstraction de nos priorités véritables.

Il faut plus de flexibilité, de prévisibilité, ce qui permet une meilleure planification, et plus d’argent.

« Évitons les programmes mur à mur.»

Q. L’UMQ a-t-elle son mot à dire dans les discussions des gouvernements fédéral et provincial quant à leurs plans d’investissements en infrastructures ?

R. Je représente l’UMQ, qui est un membre actif de la Fédération canadienne des municipalités, pour les dossiers fédéraux. À Québec et à Ottawa, on a des canaux de communication permanents. Il s’agit d’une amélioration importante par rapport au passé. En septembre 2016, le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi, a convoqué une conférence fédérale-provinciale-territoriale sur les infrastructures où, pour la première fois, on a invité, pendant une heure, des représentants des villes. Je faisais partie du groupe. Du côté de Québec, la Loi 122, adoptée le 15 juin 2017, qui vise à augmenter l’autonomie municipale, a été un signal fort pour nous. On est trois à payer pour les infrastructures municipales, on devrait être trois à décider. Le partenaire qui assume 76 % des coûts et qui est sur le terrain doit avoir son mot à dire.

Regard sur l’avenir
Vers une nouvelle mobilité ? Au-delà des multiples chantiers qui se poursuivront au cours des prochaines années, le MTMDET compte se pencher sur le dossier des véhicules autonomes sur les routes québécoises. Leur arrivée imminente obligera les instances publiques à élaborer de nouvelles stratégies pour les accueillir, notamment en ce qui a trait à la conception des voies de circulation. Cette mobilité nouveau genre s’inscrit dans un autre défi de taille avec lequel le ministère doit — et devra — rapidement composer : les changements climatiques et leurs impacts sur les infrastructures actuelles et futures. •