Longueur : 24,3 km
Altitude au départ : 931 m
Au sommet : 2758 m
Dénivelé total : 1808 m
Pente moyenne : 7,45 %
Pente maximum : 14 %
Le chemin est plus important que l’arrivée, enseigne la sagesse des nations. Et cela semble bien le cas quand on rejoint le col du Stelvio entre l’Italie et la Suisse et plus spécifiquement entre la Lombardie et le Tyrol. À force d’audace, l’homme y a tracé une route dans un flanc de montagne à la géologie plurimillénaire. « Le Stelvio n’est pas un col, le Stelvio est un mythe », affirment les cyclistes.
par Michel Joanny-Furtin
Ce plus haut col routier des Alpes italiennes culmine à 2758 mètres d’altitude. Il est le second en Europe après le col de l’Iseran (2764 m) en France. L’autre versant étant recouvert de neiges tardives, la route asphaltée qui mène au col est construite comme un balcon à flanc de montagne d’un val en V, et égrène pas moins de 88 virages en lacets (48 au Tyrol, 40 en Lombardie) dont 46 en épingle à cheveux ! Certains tronçons, bâtis parfois sur des contreforts de béton, sont étroits et ces virages exigent toute une concentration.
Ouverte de mai à octobre, voire novembre selon la météo, c’est dire si ce trajet enthousiasme les routards de tout acabit, qu’ils soient piétons, cyclistes, motocyclistes et automobilistes, tant la route est fascinante à rouler et le paysage des Alpes est grandiose. Une route classée parmi les plus belles du monde !
Le col porte le nom du village voisin de Stelvio. On y retrace quelques éléments d’activité humaine remontant à l’Âge du bronze. Les traces anciennes deviennent toutefois plus précises autour de 2000 ans avant notre ère : des éclats de terre cuite, deux haches en bronze, une statuette du dieu Mars indiquent même un passage des Étrusques, peuple précédant les Romains dans la Vallée du Pô, sur un chemin muletier dit des « Wormions » qui sera également exploité par les Romains et ce autant pour le commerce et les voyages que les armées.
Un passage militaire ancien
Selon les historiens, cette piste de montagne sera curieusement peu empruntée, notamment pendant la période médiévale, les échanges commerciaux lui préférant le col de l’Umbrail voisin, plus proche des villes marchandes. Au point que deux cartographies du Tyrol, en 1660 et 1770, citeront le col comme une voie peu achalandée.
C’est la guerre de Trente Ans qui relancera la pertinence de cette voie de montagne puisque le col du Stelvio sera emprunté plusieurs fois par les armées en lice. En 1632, le duché de Milan vient prêter main forte à Léopold, archiduc d’Autriche-Tyrol. En 1633, pas moins de 12 000 hommes et 1600 chevaux milanais franchissent à nouveau le Stelvio qui marque la frontière entre les deux États.
En 1795, la ville de Bormio sur le versant italien envisage l’agrandissement de la voie pour en faire une route rurale à voie unique, mais des intérêts économiques contrarient ce projet. En 1808, on étudie la construction d’une route large de 2,70m entre Bormio et le col. Mais la situation politique européenne en ces temps de guerres napoléoniennes reporte sine die le projet avant même le choix du tracé et le début des travaux.
Une route construite en 24 mois !
Le traité de Vienne en 1815 bouleverse les stratégies géopolitiques et redessinent quelques frontières. François 1er d’Autriche veut relier Milan, à l’époque dans l’empire d’Autriche, et nomme un expert en construction de routes de montagne, l’ingénieur Carlo Donegani (1775-1845). Les travaux commencent en 1820 pour s’achever en 1825, ce qui est très court au regard des interruptions dues à l’hiver. Près de 2000 ouvriers œuvraient sur le chantier pendant les étés. Ce chantier aura coûté à l’époque 2 901 000 florins autrichiens.
D’une longueur cumulée de 700 mètres, six tunnels ponctuent le trajet. Ils se sont avérés les chantiers les plus complexes à bâtir. Contre les avalanches, on a construit près de 3500 m de tunnels de protections en bois, détruits par le feu des insurgés lombards lors de la révolution autrichienne de 1848. La route perdit alors son intérêt militaire parce qu’on pouvait l’obstruer aisément.
Utilisée par les postes puis un service de diligence, la route du Stelvio restera toutefois ouverte toute l’année jusqu’en 1859. Des traîneaux tractés par des chevaux transportaient voyageurs et marchandises en hiver. Des maisons cantonales servaient alors d’étape et d’écuries. Il fallait 9 heures pour voyager la distance de 50 km de Bormio en Italie, à Prato en Suisse !
Les travaux commencent en 1820 pour s’achever en 1825, ce qui est très court au regard des interruptions dues à l’hiver. Près de 2000 ouvriers œuvraient sur le chantier pendant les étés. Ce chantier aura coûté à l’époque 2 901 000 florins autrichiens.
Un site touristique et sportif
Le traité de Saint-Germain en Laye en 1919, à l’issue de la Première Guerre mondiale, redéfinit la frontière austro-italienne, enlevant au Stelvio son enjeu stratégique. Ce sera le tourisme, mais aussi le sport qui rendront ses lettres de noblesse au col du Stelvio. La construction d’un hôtel en 1897, d’autres aménagements routiers complémentaires et, en 1928, de vastes travaux de consolidation, d’agrandissement et de pavage permettront la création d’une double voie.
En 1953, le Giro d’Italia, le fameux tour cycliste d’Italie, s’arrête pour la première fois au Stelvio. Fausto Coppi y remporte le maillot rose et son cinquième et dernier Giro. Une stèle commémore l’évènement. Cette étape historique a été cependant maintes fois annulée en raison de la neige et des conditions climatiques. Chaque année, à la fin du mois d’août, environ 8000 cyclistes font l’ascension de ce col, fermé pour l’occasion de toute circulation automobile.
Un marathon s’y déroule depuis 2017. Des courses et des rallyes automobiles également. Des sentiers de randonnée partent du col. Les afficionados du ski d’été s’y pressent pour accéder au glacier voisin. Et les motocyclistes s’en donnent à cœur joie sur cette multitude de virages…■