Des modifications législatives essentielles
Les nouveautés législatives qui auront des répercussions sur le secteur des grands travaux et du génie civil
Le projet de loi no 51, Loi modernisant l’industrie de la construction, adopté en mai 2024, et la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) auront pour effet d’accroître la productivité dans le secteur de la construction, d’atténuer le problème de main-d’œuvre et d’améliorer la santé et la sécurité sur les chantiers. Bref examen des incidences de ces lois sur le secteur des grands travaux et du génie civil avec Me Audrey Charest, avocate chez Fasken.
par Stéphane Gagné

La Loi modernisant l’industrie de la construction
Avec la pénurie de main-d’œuvre que l’on vit actuellement en construction et les nombreux grands travaux qui devront être réalisés dans les années à venir (par exemple, ceux prévus par Hydro-Québec), il était nécessaire de s’ajuster pour répondre à cette forte demande. Cela explique, en partie, l’adoption du projet de loi no 51 en mai 2024. La hausse des coûts de construction a aussi justifié ces modifications législatives. Le gouvernement devait trouver pour l’industrie une façon de hausser sa productivité.
Plusieurs mesures ont été adoptées pour répondre aux défis de main-d’œuvre et de productivité. «La loi a introduit les concepts de polyvalence et de souplesse du travail, dit Me Charest. Certains corps de métier seront moins cloisonnés. Cependant, le secteur des grands travaux et du génie civil profitera moins de cette nouvelle façon de faire, car les occupations et plusieurs métiers seront exclus de cette polyvalence.» À titre d’illustration, les grutiers, les électriciens, les mécaniciens d’ascenseur.
La loi propose aussi des modifications législatives permettant un accès plus facile à l’industrie aux personnes représentatives de la diversité (autochtones, femmes, minorités visibles ou ethniques, immigrants et personnes handicapées).
La loi a introduit les concepts de polyvalence et de souplesse du travail. Certains corps de métier seront moins cloisonnés. Cependant, le secteur des grands travaux et du génie civil profitera moins de cette nouvelle façon de faire, car les occupations et plusieurs métiers seront exclus de cette polyvalence.
— Me Charest
Autre aspect important: la mobilité interrégionale. Cette loi interdit aux parties syndicales et patronales, à compter du 1er mai 2025, de convenir, dans les conventions collectives, de clauses limitant la mobilité d’un salarié pouvant être affecté partout au Québec en vertu d’un règlement ou qui auraient pour effet de restreindre la liberté d’un employeur d’embaucher un tel salarié. «Cependant, dans le secteur des grands travaux et du génie civil, selon la convention collective de l’ACRGTQ, beaucoup de main-d’œuvre profite déjà d’une grande mobilité», affirme l’avocate de Fasken.
Enfin, depuis la fin de novembre 2024, la Commission de la construction du Québec (CCQ) pourra permettre, par règlements, à des manœuvres d’effectuer certaines tâches réservées jusqu’ici à des corps de métier. Par exemple, des manœuvres pourraient faire des tâches réservées aux charpentiers-menuisiers. «Vingt-cinq métiers de l’industrie pourraient être touchés par ces changements, dit Me Charest. Cela va toutefois exiger préalablement des consultations. Ces mesures, une fois adoptées, auront un impact sur les membres de l’ACRGTQ.»
Modifications en matière pénale
En matière pénale, la Loi 51 modifie plusieurs lois et règlements relatifs au secteur de la construction. Ces changements concernent les employeurs, les maîtres d’œuvre, les administrateurs, les propriétaires et les dirigeants.
Ainsi, la loi prévoit une révision des montants des amendes en cas d’infraction à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction. Dans ces cas, une hausse considérable des amendes est prévue. Par exemple, les amendes sont beaucoup plus importantes pour quiconque qui moleste, injurie ou incommode un membre de la Commission de la construction du Québec (CCQ) dans l’exercice de ses fonctions ou y fait obstacle. La personne commet alors une infraction passible d’une amende de 2500 à 25000$. Auparavant, cette amende était de 1773 à 6825$.
Des règles relatives à la gouvernance de la CCQ seront aussi touchées. Le rôle et les responsabilités de la CCQ sont revus afin d’éliminer l’obligation d’obtenir l’autorisation de la Commission avant de recourir à l’arbitrage de griefs en cas de mésentente sur l’interprétation d’une clause d’une convention collective.
Des dispositions touchant au salaire des travailleurs sont aussi intégrées dans la Loi 51. La loi introduit la possibilité pour les parties de négocier le versement d’un ajustement salarial rétroactif pour les salariés. De plus, elle prévoit l’ajout d’un recours devant le Tribunal administratif du travail en cas de manquement, par l’une ou l’autre des parties aux négociations, à l’obligation de négocier avec diligence et bonne foi.
La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST)
Parmi les modifications législatives touchant la construction, il y a la LMRSST. Pour Me Audrey Charest, il était important d’améliorer la santé et la sécurité sur les chantiers, car de 2021 à 2022, une hausse de 15% des accidents de travail a été observée. Ainsi, dès que 10 travailleurs et plus se trouveront en même temps sur un chantier, le maître d’œuvre sera tenu d’élaborer un programme de prévention, et cela, durant l’étape de planification.
Un point important de ces modifications? Les obligations relatives aux représentants en santé et sécurité (RSS) et aux coordonnateurs en santé et sécurité (CoSS). Le CoSS a un rôle très important, car il est le cadre désigné par le maître d’œuvre pour assurer la sécurité sur les chantiers.
La loi propose aussi des modifications législatives permettant un accès plus facile à l’industrie aux personnes représentatives de la diversité (autochtones, femmes, minorités visibles ou ethniques, immigrants et personnes handicapées).
Plus de RSS et de CoSS sur les chantiers
«Plus les chantiers seront gros, plus il y aura de RSS et de CoSS présents sur les lieux», affirme l’avocate de Fasken. Depuis janvier 2023, leur nombre augmente selon le nombre d’ouvriers présents sur le chantier ou son coût (12 M$ et plus). Ainsi, cela prendra un CoSS à temps plein pour un chantier de 100 à 199 employés et 5 pour un chantier de 1200 travailleurs et plus. Le nombre de RSS variera dans les mêmes proportions que les CoSS. Pour les chantiers plus petits, de 10 à 99 travailleurs, un RSS à temps partiel sera requis.
Enfin, depuis janvier 2024, les RSS et les CoSS à temps plein doivent suivre une formation obligatoire. Elle est de 40 heures pour les RSS et de 240 heures pour les CoSS. Pour les RSS à temps partiel, elle sera de 3 heures. ■