La santé-sécurité est une culture
La prévention comme modèle d’affaires en construction
Pour améliorer sa performance en santé et sécurité au chantier, il faut d’abord implanter une véritable culture de prévention au sein de l’organisation. Sans oublier de faire preuve d’un leadership exemplaire en la matière. Histoire de mobiliser les troupes et de toujours chercher à prévenir le pire.
Par Marie Gagnon
Assurer une saine gestion de la prévention au chantier n’est pas chose facile. En effet, de par sa nature même, l’industrie de la construction recèle un niveau de dangerosité plus élevé que toute autre industrie : les métiers sont physiques, le roulement de travailleurs est considérable, le milieu de travail est en constante transformation. Face à une telle mouvance, il est d’autant plus crucial d’exercer un leadership en santé et sécurité du travail, surtout si l’on veut améliorer son bilan en la matière.
« Au chantier, les agents de prévention jouent un rôle de policier, alors qu’ils devraient plutôt agir comme des coachs en santé et sécurité du travail. Leur approche pourrait être beaucoup plus proactive. » – Gérald Perrier
C’est du moins l’avis de Gérald Perrier, le président du Groupe Perrier, une entreprise saguenéenne qui a fait sa marque en santé et sécurité du travail (SST). « Même si les statistiques se sont améliorées au fil des ans, les taux de blessures et d’accidents sont toujours très élevés dans l’industrie de la construction, si l’on compare à l’ensemble de l’industrie québécoise, constate-t-il. Ça nous confirme que les risques ne sont pas toujours bien maîtrisés au chantier ».
« D’un autre côté, on observe un manque de leadership en prévention dans les organisations, commente-t-il. En général, la gestion de la SST est laissée aux agents de prévention, mais ils sont limités dans la gestion des risques. Bien souvent, ils voient à ce que la réglementation soit appliquée, et c’est tout. Au chantier, c’est un rôle de policier qu’ils jouent, alors qu’ils devraient plutôt agir comme des coachs en santé et sécurité du travail. Leur approche pourrait être beaucoup plus proactive. »
Instaurer une culture SST
Pour instaurer une véritable culture de la SST dans ses rangs, Gérald Perrier suggère de commencer par faire de la prévention une valeur fondamentale de son organisation, au même titre que la productivité et la rentabilité. La haute direction doit en effet envoyer un message clair et traduire sa volonté en y investissant les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires. Elle devra ensuite mobiliser la chaîne hiérarchique, des dirigeants aux chefs de projet, en passant par les surintendants et les contremaîtres.
« Il faut miser sur les dirigeants, les gestionnaires et les responsables de chantier, insiste Gérald Perrier. C’est à eux de stimuler les travailleurs, de leur faire découvrir les bénéfices d’une bonne gestion de la prévention au chantier. Parce que le changement vient de l’engagement des gens. Ce n’est pas en forçant les gens à se conformer à une série de règlements qu’on obtient des résultats. Au contraire, ça les incite à ne faire que le minimum.
Démontrer son engagement
« Ce qui fait une différence par contre, c’est la volonté des dirigeants de faire de leur chantier un milieu de travail sécuritaire en mettant en place un système de gestion de la prévention et en se dotant des bons outils, comme des réunions de chantier, des formations spécifiques, des analyses de risques exhaustives, souligne-t-il. Sauf qu’on peut avoir le meilleur système du monde, si l’information ne se rend pas à la base, il ne servira à rien. Pour que le système fonctionne, les gens doivent se sentir impliqués. »
Un enjeu d’autant plus important que l’engagement et la mobilisation du travailleur et de son contremaître sont essentiels à une gestion optimale de la prévention. Ensemble, ils sont en effet les principaux acteurs du chantier. L’un doit s’assurer que les travaux sous sa responsabilité sont effectués de façon sécuritaire, l’autre doit les exécuter sans se blesser ni causer de préjudice à autrui. Ils sont donc bien placés pour évaluer les dangers et identifier les moyens et les méthodes qui permettront de les contrer.
Savoir mobiliser
Mais pour influencer ces joueurs-clés, encore faut-il prendre en compte leur dimension comportementale, signale Gérald Perrier. L’un comme l’autre doivent en effet composer avec des délais et des contraintes qui ne dépendent pas toujours de leur volonté. Pour répondre aux impératifs de production, ils vont parfois commettre des imprudences. « Il faut adopter une approche concrète, se rendre sur le chantier et observer les gens dans leur travail », conseille-t-il.
« Parce que les enjeux de rendement et de productivité peuvent nuire à l’atteinte des objectifs en SST qu’on s’est fixés, fait valoir l’expert. C’est pour cette raison que le leadership en prévention ne doit pas être exercé seulement par le contremaître et ses hommes et que la prévention doit être intégrée au modèle d’affaires de l’entreprise. On peut même aller plus loin et inclure des critères de performance en prévention dans l’appel d’offres: les entrepreneurs ne devraient pas seulement se qualifier pour les travaux, ils devraient aussi se qualifier en SST pour soumissionner! » •