MAGAZINE CONSTAS

Un exosquelette québécois

Conçu pour les travailleurs, avec les travailleurs

Chronique innovation SST
AVIS D’EXPERT

Sur les chantiers de construction, les entrepreneurs doivent avoir la volonté de toujours agir en amont des risques associés aux accidents de travail dans plusieurs industries afin de réduire la charge physique des travailleurs. Allant de la manutention en entrepôt à l’industrie automobile, les exosquelettes arrivent également dans le domaine de la construction, notamment chez les briqueteurs-maçons. Mais qu’en est-il au juste des métiers de la construction qui demandent de se pencher, de soulever des charges et de prendre des postures difficiles ?

Par Marc Joncas, en collaboration avec Laurent Blanchet *

Les statistiques de l’industrie sont alarmantes : selon l’INSPQ et la CNESST, c’est un ouvrier sur huit qui souffre de douleurs musculo-squelettiques au dos. Les travailleurs touchés par ce mal se retrouvent souvent limités dans leurs activités personnelles. Lorsque les douleurs se transforment en blessures, on parle alors de plus de 150 jours d’arrêt de travail en moyenne par blessure.

Exosquelette. Situation en chantier. CR: Eurovia et Biolift

Il est important d’agir, de trouver des solutions. Pour cela, il faut aborder les défis du travail physique sur les chantiers. Le développement d’un exosquelette spécialement adapté aux métiers de la construction aux prises avec des blessures au dos est certainement une avenue intéressante.

Il faut savoir qu’adapter un exosquelette aux métiers de la construction représente un défi de taille puisque les chantiers changent constamment, les tâches sont très diversifiées, l’accès à une source d’énergie n’est pas toujours facile.

En compagnie d’un fournisseur, Biolift, une start-up montréalaise qui se spécialise dans le développement d’exosquelettes industriels, de nombreux tests et visites en chantier ont été faits afin d’analyser les contraintes et proposer une solution innovante, répondant aux différents commentaires et rétroactions des travailleurs. D’impliquer sur le terrain nos équipes de conception de l’exosquelette était primordial pour optimiser leur adhésion.



Résultat

Le résultat de cette collaboration est un exosquelette de support lombaire. À l’aide de ressorts à air comprimé, le système emmagasine l’énergie mécanique du corps humain lorsqu’on fléchit le dos et la redistribue lorsqu’on se relève. Ce principe permet d’alléger l’effort des muscles du dos jusqu’à l’équivalent de 20 kg, le tout sans moteur ni batterie.

Ce qui a été le plus apprécié par les travailleurs, c’est le support perçu en œuvrant avec l’exosquelette. La majorité disent ressentir nettement l’effet bénéfique de l’exosquelette en mentionnant que l’équipement rendait le travail moins forçant.

Après une année à tester les nombreux prototypes développés, c’est au début de la saison 2021 que cet exosquelette est entré dans une phase d’essais à long terme sur nos chantiers. Plusieurs travailleurs l’ont utilisé pendant quelques mois et l’engouement s’est immédiatement fait sentir. Chaque personne impliquée était motivée pour être un acteur de l’innovation dans notre secteur.

Ce qui a été le plus apprécié par les travailleurs, c’est le support perçu en œuvrant avec l’exosquelette. La majorité disent ressentir nettement l’effet bénéfique de l’exosquelette en mentionnant que l’équipement rendait le travail moins forçant. Autre point positif : la courbe d’apprentissage pour utiliser l’exosquelette est presque nulle. Après un ajustement adéquat, les travailleurs ne sentent pas l’exosquelette et peuvent travailler comme à leur habitude.

Exosquelette. Formation en chantier. CR: Eurovia et Biolift

Pour bien intégrer les exosquelettes dans les métiers de la construction, il faut s’assurer qu’ils soient appropriés aux tâches des travailleurs. Pour des métiers où le travail penché, par exemple, est quasi inexistant, leur utilisation n’aura pas d’impact. Ce qu’observent également les superviseurs sur les chantiers, c’est qu’il n’est pas toujours évident de savoir à quel moment utiliser l’exosquelette. Pour répondre à ce problème, nous avons mis en place, avec Biolift, plusieurs formations permettant d’aider les travailleurs à reconnaître les tâches dans lesquelles les exosquelettes sont pertinents.

Un autre point important pour favoriser l’intégration des exosquelettes est de sensibiliser les travailleurs aux risques liés à nos métiers. En effet, il est important de comprendre que l’impact du travail physique sur le corps n’est souvent ressenti qu’à long terme et que l’idéal est donc de se protéger le plus tôt possible.

Les technologies telles que l’exosquelette sont un vent de fraîcheur dans l’industrie. Les blessures en milieu de travail sont un enjeu majeur et toutes les innovations qui peuvent les réduire sont à prendre en considération. A la suite de ces premiers succès sur nos chantiers, l’exosquelette développé par Biolift est déjà en cours d’implantation chez d’autres partenaires, ce qui est très encourageant pour l’ensemble de notre industrie. ■

* Marc Joncas est président d’Eurovia Québec, et Laurent Blanchet, co-fondateur et PDG de Biolift.