MAGAZINE CONSTAS

La gestion du changement dans les entreprises

Entretien avec Johann Goineau, chef de Projet innovation chez Groupe Colas

« Comment faire accepter une innovation dans l’entreprise ? Elle peut perturber des équilibres, des habitudes. Il faut faire preuve d’innovation dans la façon de déployer une innovation. » – Johann Goineau

Nul n’en disconviendra, l’innovation est nécessaire, bienfaisante, souhaitable. Mais l’innovation signifie aussi de nouvelles pratiques, des nouveaux défis, un nouveau savoir-faire, une préparation, voire une formation, bref l’innovation est synonyme de changements dans l’entreprise. Comment gérer ces changements ? Johann Goineau, chef de Projet Innovation chez Groupe Colas, a bien voulu nous éclairer à ce sujet.

Par Jean Brindamour

Johann Goineau
CR: Groupe Colas

«J’anime un réseau de correspondants en innovation, raconte Johann Goineau, afin de collaborer à des problématiques de terrain ou des problématiques liées à la clientèle. Nous avons travaillé sur l’Exopush, un exosquelette dont j’ai déjà pu m’entretenir avec l’un de vos journalistes; ou sur un projet de visualisation des réseaux enterrés par réalité augmentée, via téléphone ou tablette pour être utilisés directement sur le terrain ou sur le chantier. Cela correspond un peu au fonctionnement de l’HoloBIM, qui est un casque de réalité augmentée, sauf que la visualisation pour ce nouveau projet passe par un téléphone ou une tablette. »


 


Si on suppose que l’innovation exige un budget substantiel en Recherche & Développement, on pense au premier abord qu’un tel budget en R&D n’est possible que pour des grandes entreprises, telles que le Groupe Colas. « L’innovation dans l’entreprise, rectifie Johann Goineau, est multiple. Elle concerne bien sûr des nouveaux produits, des nouveaux matériaux, des nouveaux enrobés. Mais ce peut être aussi de nouveaux services, de nouvelles offres, des nouveaux procédés, des nouvelles manières de faire, des nouveaux modes d’organisation. C’est plus large que des nouveaux produits qui nécessitent en effet de la R&D. »



« Une innovation doit apporter de la valeur; la valeur, c’est un bénéfice sur un coût. Il faut qu’il y ait un bénéfice pour l’utilisateur, soit pour répondre à de nouveaux marchés, soit pour être plus performant. Nous travaillons sur plusieurs thématiques : le bas carbone, la mobilité responsable, le digital au service de la performance et les nouvelles technologies. Certaines innovations sont précédées d’une phase de R&D qui nécessitent des investissements. Chez Colas furent développées notamment la route solaire Wattway et la signalisation lumineuse dynamique Flowell. Mais une innovation n’est pas nécessairement adossée à une invention. Il n’y a pas toujours de la R&D en amont. »

« L’innovation n’est pas l’apanage des seules grandes entreprises, elle est ouverte à toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes. » – Johann Goineau

La signalisation lumineuse dynamique Flowell, telle qu’expérimentée à Nantes, en France (notre photo), a été développée chez Colas. CR : Groupe Colas

« On parle maintenant beaucoup d’innovation ouverte. On est aujourd’hui, poursuit-il, dans un monde plus ouvert. L’innovation est ouverte à toutes les entreprises. Chez Colas, nous pouvons collaborer avec des partenaires avec lesquels nous partageons les risques, les dépenses et les informations ou avec des starts up, comme RB3D par exemple avec qui nous avons collaboré pour l’Exopush. L’innovation n’est pas l’apanage des seules grandes entreprises, elle est ouverte à toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes. »



« Et il y a plus d’une sorte d’innovation. On peut sans doute évoquer les innovations externes, qui correspondent à des nouveaux produits ou à de nouveaux services. Mais les innovations internes ont aussi une grande valeur. Pour ces dernières, il faut d’abord s’assurer qu’elles apportent un bénéfice. Ce peut être un bénéfice en termes de productivité, de simplicité ou de commodité ou un bénéfice en termes d’images de l’entreprise ou en termes d’environnement. Encore une fois, l’innovation doit apporter de la valeur. »

« L’innovation dans l’entreprise est multiple. Elle concerne bien sûr des nouveaux produits, des nouveaux matériaux, des nouveaux enrobés. Mais ce peut être aussi de nouveaux services, de nouvelles offres, des nouveaux procédés, des nouvelles manières de faire, des nouveaux modes d’organisation. » – Johann Goineau

Un questionnaire pour évaluer l’impact

« Il faut ensuite juger de son impact, explique Johann Goineau. Comment faire accepter cette innovation dans l’entreprise ? Elle peut perturber des équilibres, des habitudes. Il faut faire preuve d’innovation dans la façon de déployer une innovation. L’acceptation dépend largement d’un processus psychologique qui détermine si l’utilisateur va accepter ou rejeter cette nouvelle technologie. Nous nous sommes appuyé sur un modèle d’acceptation développé par l’INRS, structuré autour de 6 dimensions, toutes importantes :

  • La facilité ou non d’utilisation.
  • Est-ce performant (pour la sécurité, la santé) ?
  • Les conditions facilitantes (est-ce bien expliqué par l’entreprise ? Est-ce clair ?).
  • La dimension sociale. Ce que l’entourage perçoit au sens large : le regard des collègues, mais ce peut être aussi celui des riverains.
  • La construction de l’identité professionnelle de celui qui l’utilise. Est-ce que ça valorise son métier ou non ? Est-ce que ça lui permet de développer de nouvelles compétences ou non ?
  • Les affects ou le ressenti de l’utilisateur. »

« En travaillant sur ce modèle de l’INRS, nous avons conçu un questionnaire adapté à notre usage. Nous avons employé ce questionnaire auprès des utilisateurs de l’Exopush. Les questions ont été posées en présentiel auprès des utilisateurs. L’objectif est maintenant d’élargir auprès d’autres personnes pour comprendre l’influence sociale. L’acceptation peut se poser pour de nombreuses innovations, que ce soit pour le digital ou la réalité augmentée par exemple. »

Colas travaille sur un projet de visualisation des réseaux enterrés par réalité augmentée, via téléphone ou tablette. CR : Groupe Colas

En terminant, Johann Goineau souligne la nécessité de sensibiliser les collectivités, les donneurs d’ouvrage, les maîtres d’œuvre, les bureaux d’études sur l’importance de l’innovation, qu’il s’agisse d’innovations dans les produits et services ou, à l’interne, au niveau de l’organisation de l’entreprise. « Il faut diffuser une culture de l’innovation », conclut le chef de Projet Innovation chez Groupe Colas.