Les travaux du vaste complexe hydroélectrique de la Romaine ont nécessité, jusqu’ici, des investissements d’environ 6,5 milliards de dollars, en plus de créer près de 1000 emplois par année.
Au cœur de la Côte-Nord, au-delà du 51e parallèle, les travaux du vaste complexe hydroélectrique de la Romaine mobilisent depuis une décennie des milliers de travailleurs et ont nécessité, jusqu’ici, des investissements de près de 6,5 milliards de dollars. Aujourd’hui, un peu plus de dix ans après la première pelletée de terre, trois centrales sont achevées et une dernière doit être mise en service en 2021. Retour sur cet imposant chantier.
Par Florence Sara G. Ferraris
En dix ans de travaux, ce vaste chantier a mobilisé des milliers de travailleurs, dont plusieurs issus directement de la région. « La Romaine, c’est, de loin, le plus gros chantier que j’ai eu à coordonner durant ma carrière, lance sans ambages Stéphane Jean, ingénieur de formation et directeur de chantier, qui coordonne les travaux de la Romaine depuis les débuts. Il s’agit d’un des plus complexes aussi… Mais on en voit finalement le bout ! Aujourd’hui, c’est l’aboutissement – ou presque ! – d’un projet qui s’est échelonné sur plus dix ans. »
Il faut dire qu’entre les défis techniques, l’éloignement des sites et les imprévus géologiques rencontrés au fil des ans, les travailleurs déployés aux abords de la Romaine en ont vu de toutes les couleurs depuis la mise en branle des travaux. « Il a fallu savoir faire preuve de créativité et s’adapter au fur et à mesure », note celui qui coordonne également les chantiers d’Hydro-Québec de la région de la Manic depuis une quinzaine d’années.
Projet d’envergure
Réparti le long de la rivière du même nom, au nord de la municipalité de Havre-Saint-Pierre, le vaste complexe hydroélectrique de la Romaine, dont les travaux ont été lancés en marge du Plan Nord des libéraux de Jean Charest en 2009, devrait répondre, selon les prédictions d’Hydro-Québec, aux besoins énergétiques du Québec pour les 100 prochaines années. De fait, les quatre centrales à réservoir prévues devraient permettre de produire jusqu’à huit térawattheures d’énergie annuellement, soit assez pour alimenter 470 000 maisons.
« La Romaine, c’est, de loin, le plus gros chantier que j’ai eu à coordonner durant ma carrière, lance sans ambages Stéphane Jean, ingénieur de formation et directeur de chantier, qui coordonne les travaux de la Romaine depuis les débuts. Il s’agit d’un des plus complexes aussi… Mais on en voit finalement le bout ! Aujourd’hui, c’est l’aboutissement – ou presque ! – d’un projet qui s’est échelonné sur plus dix ans. – Stéphane Jean»
Déjà, trois des quatre installations ont été inaugurées entre 2014 et 2017, alors que la dernière – la Romaine-4 – devrait être opérationnelle à compter de 2021. « Nous avons pris un peu de retard sur notre échéancier initial en raison de défis géologiques inattendus – nous avons dû composer avec un roc particulièrement friable – , mais les travaux avancent tout de même bien, se réjouit Stéphane Jean. La totalité des excavations est terminée. Nous en sommes à l’étape du bétonnage des structures qui devrait, tout comme la construction du barrage et le parachèvement de la mécanique électrique, s’achever d’ici la fin de l’année. »
Restera ensuite à superviser la mise en eau du réservoir en 2020. « Une fois ces dernières étapes complétées, la dernière centrale pourra enfin être mise en service », affirme l’ingénieur de formation.
Améliorations techniques
Véritable moteur économique, tant pour le Québec que la région – près de 50 % des entreprises impliquées sont issues de la Côte-Nord –, le complexe de la Romaine a permis à Hydro-Québec, et aux entrepreneurs à l’œuvre, de renforcer leur expertise, tant en matière de conception que dans le déploiement de nouvelles techniques de fabrication et de transmission de l’information, ou de construction dans le cas des entrepreneurs. « De fait, précise Stéphane Jean, bien que chacune des centrales soit très semblable, les méthodes de fabrication, elles, ont grandement évolué au cours de la dernière décennie ».
Parmi ces changements, notons, entre autres, une intégration graduelle d’outils 3D dans la conception, de même qu’une utilisation de plus en plus systématique de la préfabrication en usine et du prémontage des groupes turbine-alternateur en amont du chantier. « D’une centrale à l’autre, on a essayé d’éliminer le plus possible l’utilisation du béton en le remplaçant par de l’acier ou par des produits préfabriqués », se rappelle le gérant de chantier, en précisant du même coup que cela leur a notamment permis de réduire les temps de travail sur le terrain, en plus de réduire la main-d’œuvre nécessaire in situ. « Plus encore, ces améliorations nous ont permis de réduire de beaucoup les coûts, tant pour la société d’État que pour les entrepreneurs impliqués. »
Besoins humains
Au-delà des défis techniques rencontrés, le gestionnaire de chantier précise que son équipe a également dû apprendre à composer avec des besoins humains très précis. « L’éloignement est toujours un enjeu sur les chantiers d’Hydro-Québec, souligne Stéphane Jean, en faisant référence aux chantiers historiques de la Baie-James et de la Manic, par exemple. On commence à être bien rodé. Par contre, il faut tenir compte du fait que les besoins et les attentes de la population changent aussi. On ne peut plus demander à nos employés d’être coupés du monde pendant trois mois comme c’était le cas autrefois. »
Pour pallier, Hydro-Québec offre aujourd’hui du soutien psychologique aux employés qui en ont besoin, en plus de veiller à adapter les horaires de travail afin de permettre à tous de retrouver leurs proches sur une base régulière. Des ajustements technologiques ont également été faits afin de se coller aux réalités du 21e siècle. « Quand on a débuté le chantier de La Romaine, Internet n’était pas disponible partout et tout le temps sur le site, lance en riant l’ingénieur. Aujourd’hui, ce n’est même plus une option ! » •
SANTÉ ET SÉCURITÉ : DE NÉCESSAIRES CHANGEMENTS
Profondément marqué par le décès de quatre travailleurs – le pire bilan qu’a connu la société d’État sur ses chantiers depuis les 20 dernières années – , le chantier de la Romaine a été le théâtre d’importants changements en matière de santé et sécurité. « C’est certain que des événements tragiques comme ceux-là, ça force à prendre un virage complet et à revoir nos manières de faire, soutient Stéphane Jean. Ces décès étaient déjà de trop… mais on essaie maintenant d’inculquer une culture de “tolérance zéro” sur nos sites. »
Pour y arriver, la direction a revu l’ensemble de son programme de santé et sécurité, notamment en rendant obligatoire la présence d’un gestionnaire sur chacun des chantiers. « Le fait d’être présent sur place nous permet, par exemple, de participer aux rencontres de début de quarts, de les animer, explique Stéphane Jean, et d’être à l’écoute des interrogations des travailleurs. »
« On a aussi mis sur pied des outils afin de responsabiliser l’ensemble des acteurs dans l’identification des risques sur le terrain », renchérit Hélène Perreault, conseillère à la gestion stratégique chez Hydro-Québec. « L’idée est de mettre à contribution tous les yeux qui se trouvent sur le terrain ! », lance avec vigueur le directeur de chantier.
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