FOCUS / L’intelligence artificielle et la construction 4.0
La révolution est en cours et constitue, pour les entreprises du secteur de la construction, une occasion unique pour améliorer leur performance, augmenter leur productivité et rehausser leur compétitivité.
La quatrième révolution industrielle, celle qui voit les technologies numériques s’immiscer au cœur des processus industriels, est en cours. À la filière construction, elle promet croissance et productivité. Êtes-vous prêt? Tour de piste avec Érik Poirier, vice-président du Groupe BIM du Québec.
Par Marie Gagnon
À l’échelle mondiale, la plupart des secteurs économiques jonglent actuellement avec les impératifs de la quatrième révolution industrielle. Entièrement numérique, cette révolution repose sur la convergence technologique, qui permet la collecte de données en temps réel et leur partage continu et instantané. Au Québec, certains secteurs, dont le manufacturier, ont habilement négocié ce virage. D’autres, comme la construction, tardent à s’engager sur cette voie.
Il est vrai que la structure même de l’Industrie qui est notamment et traditionnellement fragmentée, n’est pas étrangère à ce retard. Et, de ce fait, pose au virage numérique de nombreux défis, spécialement d’ordre culturel et opérationnel. Mais il reste que cette révolution est en cours et qu’elle constitue, pour les entreprises du secteur, une occasion unique pour améliorer leur performance, augmenter leur productivité et rehausser leur compétitivité.
L’univers BIM
« Le virage numérique, ou construction 4.0, c’est tout simplement le passage d’une source d’information statique, comme les plans et devis, vers des données numériques accessibles via une base de données, résume Érik Poirier, vice-président du Groupe BIM du Québec. Et comme BIM fournit l’environnement technologique nécessaire pour modéliser les données de l’ouvrage ou du bâtiment, il est naturellement au cœur de cette révolution. Sans virage numérique, il ne peut pas y avoir de BIM et sans BIM, il ne peut pas y avoir de virage numérique. »
« Comme BIM fournit l’environnement technologique nécessaire pour modéliser les données de l’ouvrage ou du bâtiment, il est naturellement au cœur de cette révolution. »
– Érik Poirier
On définit en effet le BIM comme la représentation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un bâtiment ou d’un ouvrage. C’est cette modélisation qui sert de plateforme au partage des données relatives au projet. Les données générées dès la phase conception pourront ainsi être utilisées tout au long de la durée en service de l’ouvrage, y compris pour son entretien, son exploitation et sa mise au rebut au terme de sa vie utile.
Il va sans dire que l’implantation d’une telle stratégie comporte son lot de défis. Il faut notamment doter la filière des outils technologiques propres à la construction 4.0, harmoniser les normes et les processus afin de faciliter le partage de données, et réviser les façons de faire et les procédés de manière à favoriser la préfabrication. Sans oublier l’acquisition des compétences requises pour en tirer le meilleur.
Une bonne initiative
Pour faciliter ce passage obligé, la Table multisectorielle BIM-PCI, une entité issue de la Chaire industrielle de recherche Pomerleau et relevant aujourd’hui du Groupe BIM du Québec, s’est engagée à fédérer les pôles de gouvernance et à accompagner l’Industrie dans ce virage névralgique. « Jusqu’ici, les ressources étaient éparpillées, note Érik Poirier. La construction est pourtant un moteur économique du Québec, mais elle reste en queue de peloton en termes d’innovation et d’investissements dans les technologies.
« On a donc fait beaucoup de représentations auprès du gouvernement et il nous a entendus, ajoute-t-il. En 2016, il a créé une direction de la construction au ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation. Il a ensuite mis en place l’Initiative québécoise pour la construction 4.0 qui propose entre autres des diagnostics pour accompagner les entreprises dans leur transition numérique. »
Le projet Diagnostics numériques servira d’abord à brosser un portrait numérique des entreprises désireuses de prendre le virage BIM et à les doter d’un plan d’action adapté à leur réalité. La première phase a permis de recruter 70 entreprises. On espère doter d’un plan numérique 500 entreprises québécoises d’ici cinq ans. Les diagnostics numériques seront également utilisés pour suivre le taux de numérisation de l’Industrie ainsi que les besoins financiers et de formation nécessaires à cette transition. •
L’EXEMPLE ANGLAIS
Si on regarde ce qui se fait ailleurs, notamment en Angleterre, on devine que le vent qui souffle en faveur de la construction 4.0 n’est pas près de tomber. « L’Angleterre n’est pas une pionnière, Singapour et les États-Unis l’ont devancée, nuance Érik Poirier. Mais oui, elle est en tête, parce qu’il y a une volonté politique derrière. Depuis 2016, tous les contrats publics comprennent des livrables numériques. Et elle vise même d’exporter son expertise BIM. » So British !