Adapter les routes aux changements climatiques
Des solutions durables et résilientes pour la construction routière
Avec les changements climatiques que l’on vit et la nécessité d’intégrer le développement durable dans les techniques de construction, concevoir les routes exige de nouvelles façons de faire et parfois l’usage de nouveaux matériaux et une nouvelle expertise. Discussion avec Éric Lachance-Tremblay, professeur au Département de génie de la construction à l’École de technologie supérieure (ÉTS), spécialisé dans la réhabilitation de chaussées.
par Stéphane Gagné

Juillet 2023, Rivière-Éternité. Des pluies diluviennes font rage dans cette petite localité du Saguenay. Plusieurs chemins subissent des dommages importants et un glissement de terrain survient, causant deux morts. En ces temps de changements climatiques, ce genre de situation peut se reproduire, à tout moment, partout au Québec.
Face à cette éventualité, il faut réagir et s’adapter. Il faut aussi tester de nouvelles techniques de réhabilitation, plus propres et moins génératrices de gaz à effet de serre (GES). C’est sur ce sujet que portent les travaux du professeur Lachance-Tremblay.
Les changements climatiques touchent désormais tous les pays, perturbent les économies et affectent des vies. Afin de bien cibler les actions à entreprendre pour adapter les chaussées, il est essentiel d’identifier les impacts des changements climatiques que celles-ci peuvent subir.
— Rapport du Vérificateur général
Une chaussée zéro déchet
Ainsi, M. Lachance-Tremblay a participé à la mise en pratique d’une technique de réhabilitation de chaussées appelée recyclage à froid, à l’été 2024, au Saguenay. «Elle ne génère aucun déchet, car aucun matériau ne sort du chantier, dit-il. On réutilise 100% de l’enrobé existant pour faire une nouvelle couche de base pour la structure de chaussée qui sera ensuite recouverte d’un enrobé bitumineux comme couche de roulement.»
La technique présente d’autres avantages. «Elle s’effectue rapidement et réduit les émissions de GES en comparaison avec les techniques traditionnelles, poursuit le professeur. En collaboration avec des entreprises québécoises, on fait de la recherche pour être en mesure d’en démocratiser l’utilisation.»

Combattre l’orniérage
L’orniérage est un autre problème que les chercheurs tentent d’atténuer. Avec les cycles de gel-dégel, plus fréquents, et la hausse du trafic sur certaines routes (p. ex.: l’autoroute des Laurentides), les ornières se multiplient. «Pour limiter le problème, il faut notamment rendre les routes plus costaudes», affirme M. Lachance-Tremblay. La technique du retraitement en place avec stabilisation pourrait le permettre. «En plus de ne générer aucun déchet et de réduire les émissions de GES, elle améliore considérablement la capacité portante de la chaussée, en allongeant sa durée de vie, dit le professeur, qui a fait des tests sur cette technique en juillet 2022 sur un chemin des Laurentides. On fait de la recherche pour être en mesure de la populariser, de concert avec des entreprises québécoises.»
Il est difficile aussi de se fier sur les solutions appliquées à l’étranger pour les mettre en pratique ici. On a un climat spécifique qui exige que l’on élabore des solutions adaptées à notre réalité.
— Éric Lachance-Tremblay
Prévoir l’imprévisible et être résilients
Éric Lachance-Tremblay croit qu’il y a encore beaucoup d’inconnu sur l’impact que les changements climatiques auront sur le comportement des chaussées. «Il est difficile aussi de se fier sur les solutions appliquées à l’étranger pour les mettre en pratique ici, soutient-il. On a un climat spécifique qui exige que l’on élabore des solutions adaptées à notre réalité.»
Et, selon lui, lorsque survient un événement météorologique extrême, il faut être résilients et être en mesure d’agir rapidement pour réhabiliter une route qui a été endommagée. ■
Miser sur la prévention
C’est ce que suggère notamment le rapport du Vérificateur général du Québec, publié en novembre 2023 et intitulé Conservation des chaussées du réseau routier. On y donne quelques exemples de mesures préventives qui peuvent être prises:
— Intensifier l’entretien (p. ex.: en scellant les fissures et en nettoyant les fossés plus souvent) pour éviter que l’eau des précipitations et de la fonte des neiges s’infiltre dans les structures des chaussées et les endommage prématurément;
— Utiliser une combinaison de matériaux drainants pour maximiser l’expulsion rapide de l’eau d’infiltration et augmenter la résistance à l’orniérage;
— Limiter l’apparition d’ornières, en utilisant, par exemple, un produit qui épaissit le revêtement ou encore en recourant à un bitume résistant aux variations de température.
Le rapport mentionne aussi la nécessité d’optimiser l’utilisation des ressources dans la conception des chaussées afin de limiter le gaspillage et de réduire l’empreinte environnementale.