MAGAZINE CONSTAS

La Côte-Nord

Symbole de notre nordicité

C’est d’abord, dans les années 1950, sur la rivière Betsiamites que sont construits deux aménagements hydroélectriques, les centrales Bersimis-1 en 1956, et Bersimis-2
en 1959.

« C’est la terre que Dieu donna à Caïn ». Ainsi Jacques Cartier décrit-il la « coste du Nort », lors de son premier voyage en 1534. Les grandes beautés et les immenses ressources de cette partie septentrionale du Québec restaient encore à découvrir. Pourtant ces lieux étaient déjà connus. Les premières nations y pratiquaient la pêche et la chasse depuis longtemps et des pêcheurs portugais, espagnols, basques, bretons les fréquentaient depuis le début du XVIe siècle.

Par Jean Brindamour

Située au nord-est de la province de Québec, on considérait, à la fin du régime français, que la Côte-Nord commençait à Cap-Tourmente, sur la Côte-de-Beaupré, à 40 km de la capitale nationale. Aujourd’hui, elle débute officiellement à Tadoussac, environ 160 km plus loin. Sa frontière sud étant le fleuve Saint-Laurent, à l’ouest, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, et, à l’est, la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

Installations de la Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire (SFP Pointe-Noire) à Sept-Îles dédiées au transport des minerais. CR : SPN

 

De beaux noms amérindiens (Tadoussac, Les Escoumins, Manicouagan, Natashquan), et français (Havre-Saint-Pierre, Blanc-Sablon, Chute-aux-Outardes, Les Bergeronnes) jalonnent le parcours de cette région gigantesque qu’on appelait Labrador occidental au XIXe siècle. La Côte-Nord est la deuxième région du Québec en termes de superficie avec 300 282 km², dépassée seulement par le Nord-du-Québec, avec 718 229 km², tandis que l’Abitibi-Témiscamingue est loin derrière avec 64 700 km². Sa population, surtout présente sur les bords du Saint-Laurent, correspond à peu près à celle de la Gaspésie avec quelque 94 000 personnes, environ la moitié habitant Baie-Comeau et Sept-Îles, les deux grands pôles économiques de la région.

Un parc énergétique impressionnant

L’économie de la Côte-Nord a d’abord été fondée sur la pêche et la traite des fourrures. La pêche commerciale est demeurée une ressource importante, à laquelle se sont ajoutées la foresterie, les mines – le fer (celui de la fosse du Labrador est d’une qualité exceptionnelle), mais aussi aujourd’hui le graphite et les terres rares –, ainsi que la production d’énergie hydroélectrique. Les premières centrales construites par Hydro-Québec loin des grandes villes le seront sur la Côte-Nord, qui jouit d’une abondance de grandes rivières, sites idéaux pour alimenter la production hydro-électrique, tandis que des lacs, à la source de ces rivières, ont pu servir de réservoirs retenus par de grands barrages.

C’est d’abord, dans les années 1950, sur la rivière Betsiamites que sont construits deux aménagements hydroélectriques, les centrales Bersimis-1 et Bersimis-2, la première mise en service en 1956, la seconde en 1959. Hydro-Québec devint alors la première entreprise au monde à effectuer le transport d’électricité par des lignes à haute tension. On peut soutenir que cette innovation fut un des principaux moteurs économiques de la Révolution tranquille.
Plus tard, ce seront les huit centrales de Manic-Outardes, comprenant Manic 1, mise en service en 1966, Jean-Lesage (Manic-2), mise en service en 1965, René-Lévesque (Manic-3) mise en service en 1975, Outardes 2 mise en service en 1978, Outardes 3 et 4 en 1969, Manic-5 en 1970 et Manic-5-PA en 1989 (Manic-4 n’a jamais été construit à cause d’une erreur de calcul).

C’est d’abord, dans les années 1950, sur la rivière Betsiamites que sont construits deux aménagements hydroélectriques, les centrales Bersimis-1 et Bersimis-2, la première mise en service en 1956, la seconde en 1959. Hydro-Québec devint alors la première entreprise au monde à effectuer le transport d’électricité par des lignes à haute tension. On peut soutenir que cette innovation fut un des principaux moteurs économiques de la Révolution tranquille.

Puis, plusieurs installations hydroélectriques sont aménagées sur la rivière Sainte-Marguerite, située entre Baie-Comeau et Havre-Saint-Pierre : la SM-1, la SM-2 et la plus importante la SM-3, mise en service en 2003, après plusieurs problèmes.
N’oublions pas la centrale de la Toulnustouc, mise en service en 2005, une centrale hydroélectrique et un barrage érigés sur la rivière Toulnustouc, un affluent de la rivière Manicouagan. À l’heure actuelle, la construction du Complexe de la Romaine demeure le projet d’Hydro-Québec le plus important en cours non seulement sur la Côte-Nord, mais dans tout le Québec. Quelques travaux restent à compléter à la Romaine-3, le gros du travail est sur le chantier de l’aménagement de la Romaine-4, dont la mise en service est prévue en 2020.

Les routes

Cette région immense, relativement peu peuplée, manque de routes, la seule donnant accès à la Haute-Côte-Nord étant la 138. La porte d’entrée de la région n’est accessible que par un service de bateaux-passeurs. L’absence d’un pont entre Baie-Sainte-Catherine et Tadoussac sur la rivière Saguenay est un terrible frein au développement économique, social, touristique de toute la Haute-Côte-Nord.

Projet de prolongement de la R-138 entre Kegaska et Vieux-Fort (Plan Nord)

 

Dans la Basse-Côte-Nord, la route 138 s’arrête, depuis le 26 septembre 2013, à la municipalité de Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent (Kegaska), situé à l’est de Natashquan. La partie orientale de la Basse-Côte-Nord, de Kegaska à Blanc-Sablon, est donc inaccessible par voie terrestre la plus grande portion de l’année, sauf une cinquantaine de jours par motoneige (la « route de neige »).

La route 138, près de La Tabatière en Basse-Côte-Nord. CR : MTQ

Le projet de prolonger la route 138 entre Kegaska et Blanc-Sablon comporte toutefois des difficultés liées à la géographie, à la configuration physique des lieux, à l’environnement. Des relevés aériens ont été réalisés à l’été 2017. Des travaux de déboisement ont été faits entre Kegaska et La Romaine et sont complétés entre Tête-à-la-Baleine et La Tabatière. La construction des deux tronçons priorisés en raison de son niveau d’avancement dans le projet de prolongement de la route 138 devrait débuter en 2019. Mentionnons qu’il existe un tronçon long de 69 km à l’extrémité est de la Basse-Côte-Nord entre Blanc-Sablon et Vieux-Fort (au Labrador).

 

Le développement de la Basse-Côte-Nord dépend aussi de la route 389, qui part de la 138 à Baie-Comeau, pour se rendre jusqu’à Fermont, au-delà du 52e parallèle. La Société du Plan Nord parraine un programme d’amélioration de cette route sinueuse et terriblement isolée. La Côte-Nord a d’immenses ressources à sa disposition, non pas terre de Caïn, mais riche symbole de la nordicité québécoise. Il lui manque encore des infrastructures routières dignes d’elle. Bonne nouvelle pour les bâtisseurs. •


La Côte-Nord dans le budget provincial 2018-2019

Par Florence Sara G. Ferraris

Les citoyens de la Côte-Nord pourront profiter d’un certain soutien de la part du gouvernement du Québec au cours des prochaines années. En effet, Québec a entre autres confirmé, au moment du dépôt du plus récent budget, qu’une somme de 232 millions de dollars serait consacrée au prolongement de la route 138 sur près de 400 kilomètres. Cet investissement, issu du cadre financier du Fonds du Plan Nord, devrait permettre de relier Kegaska et La Romaine, ainsi que Tête-à-la-Baleine et La Tabatière.
Il s’agit là d’un projet phare du Plan Nord. Déjà, des investissements sont en cours pour finaliser les plans et les devis, de même que pour déboiser une partie des deux tronçons ciblés. Le Plan économique du Québec 2018 indique toutefois qu’une partie du financement devra être tiré de la Société du Plan Nord et du Fonds des réseaux de transport terrestre. Le fédéral est également invité à contribuer « dans le cadre du volet infrastructures provinciales-territoriales du Nouveau Fonds Chantiers Canada ».
Le gouvernement a aussi fait savoir qu’un bureau pour analyser les impacts et les coûts entourant la construction d’un nouveau pont sur la rivière Saguenay entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine serait mis en place. En entrevue avec les médias locaux à la suite du dépôt de son budget, le ministre des Finances Carlos Leitão avait déclaré qu’il s’agissait d’une première étape nécessaire pour mener à bien ce projet. Aucun budget spécifique n’y est toutefois rattaché. •
NDLR. Pour mieux comprendre l’impact global du budget 2018-2019 sur l’industrie de la construction, voir analyse ici .