Les postes de transformation
Leur rôle, leur histoire, leur avenir
Les postes Manic, Lévis et Boucherville furent mis en service à la fin de l’année 1965. Aujourd’hui le réseau d’Hydro-Québec, le plus vaste d’Amérique du Nord, comprend 533 postes.
Le commun des mortels est familier avec les lignes électriques, celles qui sillonnent nos rues bien sûr, mais aussi celles, immenses, visibles dans les terres tout le long du fleuve Saint-Laurent, et vers le nord jusqu’aux grands barrages. Les postes de transformation sont moins remarqués. On les oublie. En ville, ils sont généralement derrière de larges clôtures, souvent élégantes, qui leur garantissent un certain incognito.
Par Jean Brindamour
Mais à quoi donc sert un poste de transformation ? « La fonction d’un poste est d’élever ou d’abaisser la tension, répond André Dagenais, ingénieur à Hydro-Québec TransÉnergie. Plusieurs éléments dans un poste sont prévus pour contrôler la tension, que ce soit des changeurs de prises de transformateurs ou des éléments de compensation shunt ou série (1). »
Les postes de départ sont liés à une centrale et doivent élever la tension pour la diriger vers le réseau de transport (généralement 13.8 kV – 120, 230 ou 315 kV). Les postes stratégiques sont en lien avec un réseau à 735 kV (généralement 735 kV–315 kV). Les postes sources sont des postes où on abaisse la tension pour alimenter des postes satellites (plusieurs combinaisons possibles, comme 315-120 kV, 315-230 kV ou 120-69 kV). Enfin les postes satellites, qui abaissent de la haute tension vers la moyenne tension, font le lien entre le réseau de transport et le réseau de distribution (315, 230, 161, 120, 69 ou 49 vers 25 ou 12 kV).
Retour dans le passé
Plusieurs inventeurs sont à l’origine de la mise au point des transformateurs, des alternateurs et du courant alternatif. On peut mentionner le Français Lucien Gaulard (1850-1888) et l’Anglais John Gibbs (1834-1912). C’est eux, écrit Jean-Louis Fleury, spécialiste de l’histoire du transport électrique au Québec, qui « vont démontrer qu’en recourant aux transformateurs et au courant alternatif, on pouvait transporter l’électricité à haut voltage de façon économique et la distribuer à bas voltage rendue aux sites de consommation ». Les droits du premier transformateur Gaulard-Gibbs sont achetés pour l’Amérique du Nord par George Westinghouse en 1885, et cette technologie sera petit à petit améliorée et développée, en particulier grâce à un employé de Westinghouse, un ingénieur de génie nommé Nikola Tesla (1856-1943), pour s’étendre partout en Amérique et dans le monde. Gaulard, Gibbs et Tesla sont morts dans la misère.
En 1944, au moment de la création d’Hydro-Québec, Jean-Jacques Archambault n’avait pas encore créé la ligne à 735 kV, qui arrivera plus de 20 ans plus tard. « En 1944, raconte Marie-Josée Deschênes, spécialiste du patrimoine à Hydro-Québec, il y avait quelques lignes à 230 kV depuis les années 1930 (comme celle mise en service en 1932 à la centrale de Beauharnois pour le marché ontarien). Cependant, la majorité des lignes de transport au Québec étaient des lignes de 120 kV. À cette époque, il n’y avait pas de réseau principal, mais plutôt des réseaux régionaux qui servaient à alimenter la charge locale. »
« La première ligne de transport à 315 kV d’Hydro-Québec, indique André Dagenais, a été mise en service en 1956. Il s’agit de la ligne Bersimis-Montréal, qui reliait le poste Bersimis au poste Bout-de-l’Île. »
Aujourd’hui le réseau d’Hydro-Québec, le plus vaste d’Amérique du Nord, comprend 533 postes (et plus de 34 272 km de lignes à différentes tensions), dont près d’une quarantaine de postes à 735 kV.
C’est en 1958, qu’apparaît la télécommande des postes locaux de transformation. C’est une innovation importante. « La télécommande des postes, précise l’ingénieur Dagenais, permet de gérer le réseau à distance, et donc d’effectuer des manœuvres à partir des centres de téléconduite ainsi que du centre de conduite du réseau. » Chacune de ces sous-stations a son tableau de commande à un centre de conduite. Comme l’explique une publication d’Hydro-Québec datée de décembre 1958: « Un opérateur est chargé de la surveillance de ces tableaux. Il fait périodiquement le relevé des cadrans, enregistre la puissance en mégawatts et les kilowattheures utilisés. S’il décèle une anomalie quelconque, il communique avec l’opérateur de réseau. Ce dernier, par radio ou par téléphone, communique à son tour avec une des équipes mobiles et celle-ci se rend immédiatement sur les lieux. L’opérateur de l’équipe mobile exécute alors les manœuvres nécessaires pour remédier à la situation. »
Plusieurs inventeurs sont à l’origine de la mise au point des transformateurs, des alternateurs et du courant alternatif. On peut mentionner le Français Lucien Gaulard (1850-1888) et l’Anglais John Gibbs (1834-1912). C’est eux, écrit Jean-Louis Fleury, spécialiste de l’histoire du transport électrique au Québec, qui « vont démontrer qu’en recourant aux transformateurs et au courant alternatif, on pouvait transporter l’électricité à haut voltage de façon économique et la distribuer à bas voltage rendue aux sites de consommation ».
Le 29 novembre 1965, la première ligne à haute tension à 735 kilovolts au monde est mise en service pour transporter l’énergie du complexe Manic-Outardes. Il fallait concevoir et établir un réseau de postes de transformation capables de gérer un tel niveau de tension. « Cette technologie étant une première mondiale, explique André Dagenais, aucun équipement de poste capable de supporter une tension de 735 kV n’existait à l’époque. Il a donc fallu tout concevoir. L’utilisation de ce niveau de tension comportait de nombreux défis, car les équipements devaient être plus performants, plus imposants et mieux isolés. Il a fallu également concevoir des nouveaux équipements de compensation réactive, telle que les inductances shunt. Cela s’explique par l’importance de la puissance réactive propre aux lignes à 735 kV en courant alternatif. »
L’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) à Varennes, abrite le plus gros transformateur de puissance du réseau : il pèse 507 tonnes métriques et contient 212 000 litres d’huile minérale, une matière isolante. L’IREQ s’est muni d’un transformateur d’une telle ampleur précisément pour pouvoir tester les effets d’une si grande puissance : « À une certaine époque, souligne Jean-Pierre Tardif, conseiller aux communications à l’IREQ, alors que le 735 kV était encore en développement, des tests à grande puissance (parfois destructifs) étaient nécessaires. Nous avions alors besoin de ces transformateurs à grande capacité pour conduire ces tests. »
La première ligne et les postes Manic, Lévis et Boucherville à 735 kV furent mis en service à la fin de l’année 1965. Aujourd’hui le réseau d’Hydro-Québec, le plus vaste d’Amérique du Nord, comprend 533 postes (et plus de 34 272 km de lignes à différentes tensions), dont près d’une quarantaine de postes à 735 kV.
L’avenir
Où en sommes-nous maintenant ? « Les grands automatismes du réseau de transport jouent un rôle très important, répond André Dagenais. L’automatisme nommé Rejet de la production et télé délestage de charge (RPTC) en est un bon exemple. Cet automatisme permet de préserver la stabilité du réseau en exécutant du rejet de production et du télédélestage de charge lorsque requis pour se prémunir contre des pannes majeures pouvant survenir lors d’événements sévères, par exemple la perte de deux lignes de manière simultanée. » •
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(1) Mentionnons pour le bénéfice de nos lecteurs que la compensation de puissance réactive a pour objectif de compenser les pertes, les diminutions de la stabilité et les chutes de tensions à l’extrémité d’un réseau. C’est grâce à une bobine d’inductance shunt (shunt est un anglicisme pour « dérivation »), souvent immergée dans l’huile minérale pour être isolée, qu’une telle compensation s’effectue.