MAGAZINE CONSTAS

Démantèlement de la ligne 120 kV Beauharnois-Aqueduc

Du génie à l’œuvre en déconstruction

FOCUS SUR... LA DÉCONSTRUCTION ET SES TECHNIQUES

Dans son ensemble, le projet prévoit le retrait des câbles conducteurs et le démantèlement de 131 pylônes. Selon l’échéancier établi, les travaux doivent se dérouler de l’automne 2020 à l’automne 2022.

Le démantèlement d’une ligne électrique à haute tension en milieu urbain et fluvial ne se fait pas en criant ciseau. Une mission délicate qui demande du génie et beaucoup de précautions !

Par Jean Garon

Il a fallu plusieurs mois de réflexion et d’analyse à l’équipe de projet d’Hydro-Québec pour déterminer la méthode de travail la plus appropriée pour le démantèlement de la ligne 120 kV Beauharnois-Aqueduc. Cette ligne de 20 kilomètres traverse la ville de Châteauguay, le territoire mohawk de Kahnawake, le canal de la Voie maritime et le fleuve Saint-Laurent jusqu’au poste de l’Aqueduc dans l’arrondissement Lasalle à Montréal.



Dans son ensemble, le projet prévoit le retrait des câbles conducteurs et le démantèlement de 131 pylônes. Selon l’échéancier établi, les travaux doivent se dérouler de l’automne 2020 jusqu’à l’automne 2022. Voici un aperçu de l’avancement des travaux dont les coûts sont estimés entre 10 et 15 millions de dollars.

  • Tronçon de Châteauguay : Le retrait des conducteurs s’est déroulé de novembre 2020 jusqu’à la fin de janvier 2021. En 2022, on démantèlera les 44 pylônes de ce tronçon.
  • Tronçon de Kahnawake : Le retrait des conducteurs et le démantèlement des 60 pylônes ont été réalisés de l’automne 2020 jusqu’au mois de juin 2021.
  • Traversée du Saint-Laurent : Le retrait des conducteurs a eu lieu en février 2021.
  • Tronçon de LaSalle, à Montréal : Il y a 21 pylônes dans ce secteur. Le démantèlement des conducteurs et le retrait des pylônes auront lieu à l’automne 2022.
Démantèlement de la ligne 120 kV Beauharnois-Aqueduc Composantes du projet- CR-Hydro-Québec

Déconstruire efficacement en toute sécurité

Même si elle peut sembler relativement simple, la méthode de déconstruction retenue n’en devait pas moins s’avérer sécuritaire à tout point de vue. « En gros, résume la conseillère aux communications chez Hydro-Québec, Caroline Des Rosiers, les conducteurs sont tirés à l’aide de treuils installés au sol à proximité des pylônes de part et d’autre des segments à démanteler. »

Le démantèlement de la ligne Beauharnois-Aqueduc pose d’importants défis à relever, notamment du fait qu’elle passe au-dessus de la ligne à 315 kV Hertel-Aqueduc en relais du réseau de transport.

« Pour retirer les circuits au-dessus du fleuve, explique pour sa part Hugo Ferland, ingénieur, Méthodes de construction, chez Hydro-Québec, chaque conducteur a été posé sur des poulies préalablement installées dans le haut des pylônes de traversée de manière à être récupéré sur la rive nord au moyen d’un poste tracteur. Sur la rive sud, on a relié l’extrémité du conducteur à un câble flottant léger, puis on a rattaché celui-ci à un poste freineur dont le rôle est de maintenir une certaine tension sur le conducteur. Tout au long de la manœuvre de tirage, le câble flottant continue de retenir le conducteur afin qu’il chemine vers la rive nord de manière maîtrisée, sans risquer de plonger dans l’eau. Ce genre de câble est utilisé pour plus de maniabilité et pour ses capacités de flottaison. »



La tâche n’est pas moins imposante en ce qui concerne le démantèlement des pylônes. À eux seuls, les deux pylônes de traversée situés sur la presqu’île qui sépare la Voie maritime et le fleuve mesuraient environ 100 mètres et pesaient 150 tonnes.

La réalisation de ce projet n’est pas une mince affaire et requiert non seulement l’expertise d’Hydro-Québec, mais aussi celle d’autres entreprises qui ont la capacité et l’équipement nécessaire pour effectuer des travaux aussi imposants.

L’expert en méthodes de construction d’Hydro-Québec nous donne une idée du défi que posait la réalisation de ces travaux. « Il a fallu faire du déboisement à proximité afin qu’une grue puisse passer. De plus, pour s’y rendre, la machinerie lourde devait emprunter le pont levant des écluses de Sainte-Catherine. Or, il faut une autorisation spéciale pour les véhicules de plus de 20 tonnes. À LaSalle, les deux pylônes de traversée, situés près du fleuve, sont tout aussi gigantesques. Bien que l’accessibilité ait été moins problématique, certaines de leurs caractéristiques et leur situation en milieu urbain ont limité les possibilités de manœuvres pour leur démantèlement. »

Démantèlement de la ligne 120 kV Beauharnois-Aqueduc 2 CR-Hydro-Québec

D’importants défis à relever

Le démantèlement de la ligne Beauharnois-Aqueduc pose d’importants défis à relever, notamment du fait qu’elle passe au-dessus de la ligne à 315 kV Hertel-Aqueduc en relais du réseau de transport.

La porte-parole Caroline Des Rosiers en donne un aperçu : « Compte tenu des enjeux techniques de l’étape du démantèlement entre les deux rives du Saint-Laurent, il a été déterminé qu’il était préférable que la ligne à 315kV reste sous tension pendant les travaux pour respecter ses contraintes d’exploitation. La méthode de travail choisie devait donc permettre d’éviter qu’un circuit en démantèlement ne tombe sur la ligne à 315kV, là où les deux lignes se croisent. De plus, le maintien sous tension impliquait aussi de travailler l’hiver, quand la Voie maritime est fermée. » Les monteurs de lignes de transport d’Hydro-Québec ont donc dû intervenir pour ce volet qui impliquait de travailler près d’une ligne sous tension.



Par ailleurs, Caroline Des Rosiers mentionne un autre enjeu important de ce projet : « Les équipes ont aussi eu à composer avec des contraintes environnementales. Ainsi, durant les manœuvres, il fallait limiter le contact des conducteurs avec l’eau et, pour ne pas perturber le fond marin, éviter tout contact avec le fond de l’eau. »

Comme on peut le constater, la réalisation de ce projet n’est pas une mince affaire et requiert non seulement l’expertise d’Hydro-Québec, mais aussi celle d’autres entreprises qui ont la capacité et l’équipement nécessaire pour effectuer des travaux aussi imposants.

Pour la phase I, les autres étapes du démantèlement ont été confiées aux entrepreneurs Valard Construction pour les conducteurs et les pylônes de traversées, ainsi que Rice Mohawk Landscaping et Hamel Construction. Pour la phase II, un appel de proposition reste à venir. La réalisation du projet a également requis l’expertise professionnelle du Groupe Hémisphère et d’Amphibia Nature pour dresser les inventaires floristiques et fauniques, de WSP pour l’étude de sol et de FNX-Innov pour l’ingénierie et la caractérisation des milieux humides. ■


UN DÉMANTÈLEMENT JUSTIFIÉ

 

Démantèlement de la ligne 120 kV Beauharnois-Aqueduc CR-Hydro-Québec
Les deux circuits de la ligne 120 kV Beauharnois-Aqueduc, construits en 1931 pour la 1201 et dans les années 1950 pour la 1202, étaient utilisés pour transiter l’énergie de la centrale Beauharnois vers le poste Aqueduc à Montréal. En dépit de son âge avancé, cette ligne n’était pas considérée comme dépassée technologiquement, puisque Hydro-Québec exploite encore plusieurs lignes à 120 kV dans son réseau de transport. La société d’État justifie néanmoins sa décision du fait de l’existence d’une ligne à 315 kV et d’une architecture de réseau à 315 kV à Montréal, qui a rendu possible ce démantèlement.
Selon la porte-parole Caroline Des Rosiers, Hydro-Québec tient également à rappeler qu’elle a une politique de récupération et de disposition et/ou de revente des équipements en fin de vie utile. Elle souhaite conserver la plupart de ses droits de servitude pour d’éventuels besoins futurs. Pour la société d’État, les emprises constituent des actifs stratégiques très importants, particulièrement en milieu urbain, où les disponibilités de terrain se font très rares.
La porte-parole souligne finalement qu’une étude de planification de la croissance du réseau est en cours pour la Montérégie. Cette étude permettra de déterminer comment Hydro-Québec pourra répondre aux besoins futurs de la région.