Les nombreux avantages du collaboratif
Entretien avec Sébastien Marcoux, directeur conception-construction et vice-président de Construction Kiewit
Dossier Constas / Congrès 2024 Maîtriser les changements de cette nouvelle ère
Nouveaux modes de réalisation collaboratifs / 2
« Les modèles de contrats collaboratifs ne sont pas uniquement l’affaire de gros projets. C’est une tendance mondiale, où l’Industrie réalise que nous pouvons et devons faire mieux. On se doit absolument de mieux travailler ensemble. » — Sébastien Marcoux
On parle de plus en plus dans l’industrie de la construction de nouveaux modes de réalisation collaboratifs. Un haut responsable de chez Construction Kiewit, ancien président de l’ACRGTQ (2020-2022), bien connu de nos lecteurs, Sébastien Marcoux, a bien voulu nous éclairer sur ces pratiques.
Par Jean Brindamour
«Un mode de réalisation collaboratif, explique Sébastien Marcoux, est une alternative à un contrat conventionnel. C’est une approche qui favorise la collaboration entre toutes les parties impliquées dans la construction et l’atteinte d’un objectif commun auquel chacun contribue en fonction de son expertise. De façon générale, le donneur d’ouvrage, le concepteur et le constructeur travaillent ensemble dès les premières phases de conception d’un projet, ce qui augmente la probabilité du succès du projet. Cette approche favorise l’optimisation, l’apport d’innovations, l’évacuation de risques et la constructibilité d’un projet. Les relations entre les partenaires sont gérées par des ententes contractuelles qui encadrent le mode de fonctionnement et de prise de décision collaboratifs tout en définissant le rôle de tous et chacun. »
D’après le vice-président de Construction Kiewit, les avantages sont nombreux : « Il est certain que les modes collaboratifs ne sont pas requis pour tous les projets. Cependant, les risques sont beaucoup moins élevés que sur un contrat en mode traditionnel. Le donneur d’ouvrage s’assure d’avoir le juste prix et ce, dès la phase de développement du projet. Ce type de contrat favorise l’innovation et facilite la constructibilité du projet pour mettre en valeur les meilleures solutions, augmente le partage de l’expertise, l’identification et la tarification des risques sont facilités lors de la conception, il s’ensuit une amélioration de la planification, une optimisation de l’échéancier de réalisation du projet, ainsi qu’une plus grande certitude des coûts. Au final, ces approches représentent une diminution marquée des litiges. Les modèles de contrats collaboratifs ne sont pas uniquement l’affaire de gros projets. C’est une tendance mondiale, où l’Industrie réalise que nous pouvons et devons faire mieux. On se doit absolument de mieux travailler ensemble. »
« Le Québec est en retard sur le reste du pays. Nous n’avons qu’à voir ce qui se passe présentement en Ontario, où la province travaille avec des modes conception-construction progressive (CCP) et réalisation de projet intégrée (RPI), ou encore en Colombie-Britannique. Il semble aussi y avoir une certaine crainte de la part des donneurs d’ouvrage publics à utiliser ce type de contrat, et pour toutes sortes de raisons différentes : manque de connaissance et d’expertise, crainte quant au mode d’attribution essentiellement qualitatif des contrats, crainte de ne pas respecter l’équité entre les soumissionnaires, ou encore, une certaine méfiance des différents acteurs de l’Industrie. La règle du plus bas soumissionnaire est un obstacle majeur à l’utilisation de ce type de contrat. Tant qu’il n’y aura pas une véritable volonté politique, le Québec va continuer à tirer de la patte. » — Sébastien Marcoux
Le BIM (Building Information Modeling ou, en français, modélisation des données du bâtiment) peut-il contribuer à l’utilisation de ces nouveaux modes ? « Absolument, rétorque Sébastien Marcoux. Contrairement à l’utilisation du BIM dans des contrats conventionnels, le BIM peut être utilisé à son plein potentiel dans des modèles collaboratifs. Le BIM favorise l’échange d’information entre les parties, favorise l’optimisation des coûts d’un projet, autant durant la conception et la construction que sur le cycle de vie de l’ouvrage. »
« Chez Kiewit, poursuit-il, nous avons de l’expérience avec ce type de contrat partout en Amérique du Nord. Nous travaillons sur des contrats de type “non-conventionnel” depuis de nombreuses années comme par exemple la conception-construction qui entraîne une participation hâtive de l’entrepreneur. Au Québec, nous avons travaillé sur les projets de l’Autoroute 25 et celui de l’échangeur Turcot. Certains considèrent les contrats en mode conception-construction comme étant des contrats collaboratifs, mais aujourd’hui, dans l’Industrie, lorsque l’on parle de contrats collaboratifs, le contrat conception-construction n’est pas nécessairement considéré comme en faisant partie et, dans les dernières années, en particulier dans certaines provinces canadiennes, les donneurs d’ouvrage ont mis de l’avant d’autres types de contrats collaboratifs. Ainsi, le projet du pont Waaban à Kingston a été réalisé en mode de réalisation de projet intégrée (RPI) avec la Ville de Kingston et nous sommes présentement impliqués dans le projet d’amélioration de la gare Union à Toronto en mode Alliance *. Toutefois le mode de RPI a été très peu utilisé aux États-Unis. La tendance est très forte présentement pour les contrats en mode conception-construction progressive (CCP) **. La CCP gagne en popularité partout en Amérique du Nord. Nous travaillons actuellement avec Ontario Power Generation sur un tel type de contrat. Ces modèles favorisent une collaboration accrue entre les différents partenaires, tôt dans le processus de développement du projet. »
Le Québec s’est-il bien adapté à ces nouveaux modes collaboratifs ? « Le Québec est en retard sur le reste du pays, répond Sébastien Marcoux. Nous n’avons qu’à voir ce qui se passe présentement en Ontario, où la province travaille avec des modes conception-construction progressive (CCP) et réalisation de projet intégrée (RPI), — ou encore en Colombie-Britannique. Il semble aussi y avoir une certaine crainte de la part des donneurs d’ouvrage publics à utiliser ce type de contrat, et pour toutes sortes de raisons différentes : manque de connaissance et d’expertise, crainte quant au mode d’attribution essentiellement qualitatif des contrats, crainte de ne pas respecter l’équité entre les soumissionnaires, ou encore, une certaine méfiance des différents acteurs de l’Industrie. La règle du plus bas soumissionnaire est un obstacle majeur à l’utilisation de ce type de contrat. Tant qu’il n’y aura pas une véritable volonté politique, le Québec va continuer à tirer de la patte. » ■