MAGAZINE CONSTAS

Poste Jeanne-d’Arc

Un témoin de l’histoire énergétique dans Hochelaga-Maisonneuve

La Montreal Light, Heat and Power Company aménage en 1938 les bases de ce qui est toujours, à l’heure actuelle, le poste de transformation Jeanne-d’Arc, à l’angle des rues Hochelaga et Jeanne-d’Arc.

Le poste de transformation Jeanne-d’Arc célébrait, le printemps dernier, ses 80 ans d’activité. Situé en plein cœur de l’île de Montréal, dans un des quartiers centraux de la métropole, ce site patrimonial pose aujourd’hui des défis de préservation et de cohabitation à Hydro-Québec. Tour d’horizon, des origines à notre époque.

Par Florence Sara G. Ferraris

Toujours actif, le poste de transformation atteste du passé hydroélectrique du quartier. Véritable témoin de l’histoire de Montréal, le poste de transformation Jeanne-d’Arc, installé à un jet de pierre des installations olympiques, à même la trame urbaine du quartier Hochelaga-Maisonneuve, dans l’est de Montréal, est aujourd’hui l’un des plus vieux sites du genre toujours actif. Maintenant considéré comme patrimonial par Hydro-Québec, il atteste, entre autres, du passé énergétique du quartier, à une époque où la société d’État n’existait pas encore.

 

Certificat d’actions de la Montreal Light, Heat and Power Company. La Commission hydroélectrique de Québec a fait une offre d’achat aux actionnaires de l’entreprise lors de la nationalisation, en 1944. CR : Archives d’Hydro-Québec

 

On est alors au tout début du 20e siècle et la Shawinigan Water and Power Company (SWPC), l’une des entreprises qui détient le quasi-monopole de la distribution de l’électricité dans la province, s’attelle à développer son réseau dans l’est de l’île de Montréal où de nombreuses industries se sont installées. C’est d’ailleurs là, sur les terrains aux abords du futur site du poste Jeanne-d’Arc, que la SWPC décide de faire passer la première ligne pouvant transporter de l’électricité sur une grande distance. Là aussi que l’entreprise, qui tire presque toute son énergie du potentiel hydroélectrique de la rivière Saint-Maurice, décide d’ériger son second terminal dans le secteur. Terminal qui, quelques années plus tard, servira de base à la première ligne de ceinture métropolitaine.



Collaboration inédite

La SWPC n’est toutefois pas la seule à voir le potentiel de ce quartier ouvrier. Elle est d’ailleurs rapidement rejointe par une compagnie concurrente : la Montreal Light, Heat and Power Company (MLHPC), qui détient alors, elle aussi, une sorte de monopole dans la région. C’est elle qui aménagera finalement en 1938 – à peine six ans avant la fondation d’Hydro-Québec – les bases de ce qui est toujours, à l’heure actuelle, le poste de transformation Jeanne-d’Arc, à l’angle des rues Hochelaga et Jeanne-d’Arc.

Vue à vol d’oiseau du poste de transformation Jeanne-d’Arc, au cœur d’Hochelaga-Maisonneuve. CR: Hydro-Québec.

« À cause de leur proximité géographique dans le quartier, les deux entreprises, bien que naturellement rivales, n’auront pas le choix de travailler ensemble, expose Marie-Josée Deschênes, qui est l’une des conseillères en recherche scientifique spécialisée en patrimoine chez Hydro-Québec. C’est notamment ce qui rend ce site aussi intéressant : il est au cœur d’une collaboration historique. »

Celle-ci ne durera toutefois pas bien longtemps, la MLHPC étant nationalisée quelques années plus tard, en 1944, lorsqu’Hydro-Québec voit le jour. On n’en est alors qu’aux premiers balbutiements de la nationalisation, la société d’État en étant à ses tout premiers pas. Pendant près de dix ans, c’est d’ailleurs la SWPC qui continuera d’alimenter en électricité le poste de transformation Jeanne-d’Arc jusqu’à la seconde phase de la nationalisation en 1963.
Encore aujourd’hui certains détails in situ témoignent de cette époque. C’est le cas, notamment, de l’ancien panneau de commande pour l’éclairage des rues qui repose toujours au sous-sol du poste, vestige d’une époque depuis longtemps révolue.

C’est en réaction aux doléances de certains citoyens qu’Hydro-Québec a entrepris, en 2015, l’installation d’une clôture architecturale aux limites du poste de transformation.

 



Les défis de l’intégration urbaine

Plusieurs décennies après sa construction, le site pose toutefois aujourd’hui de nouveaux défis à la société d’État, liés notamment à son emplacement en plein cœur de la ville. « Règle générale, la cohabitation se passe relativement bien, explique la chef de projet pour le poste Jeanne-d’Arc chez Hydro-Québec, Andréanne Turgeon. Mais, c’est certain que ce n’est pas toujours évident de gérer un poste situé dans un quartier résidentiel assez dense. Il faut savoir être à l’écoute des résidents du secteur et tenir compte de leur réalité, entre autres, lorsqu’on a besoin de faire des travaux. »

C’est d’ailleurs en réaction aux doléances de certains citoyens qu’Hydro-Québec a entrepris, en 2015, l’installation d’une clôture architecturale aux limites du poste de transformation. Celle-ci est venue remplacer la clôture Frost qui se trouvait auparavant sur le pourtour du site. « On nous demandait depuis déjà un moment de mettre quelque chose d’un peu plus propre, note celle qui travaille pour la société d’État depuis près de dix ans. On a donc travaillé en collaboration avec la communauté pour mettre en place une clôture qui répondait à leurs exigences. »



Une attention particulière doit également être prise en compte lorsque des travaux sont nécessaires sur le site, souligne Guy Tremblay, qui a géré la réfection de la toiture du poste en 2018. « Il s’agissait de travaux mineurs – le tout ayant pris à peine un mois –, mais il a quand même fallu être vigilant pour limiter les nuisances pour les résidents vivant à proximité », précise-t-il. « C’est toujours une question d’équilibre, renchérit Andréanne Turgeon. Nos interventions répondent généralement à des besoins très spécifiques, mais il faut savoir les expliquer aux voisins, histoire d’incommoder les gens le moins possible. » •