MAGAZINE CONSTAS

IREQ, EVLO, Hilo ou l’innovation tous azimuts à Hydro-Québec

Entrevue avec David Murray Chef de l’innovation et vice-président exécutif, Production, santé, sécurité et environnement

Dossier Constas 
LA RECHERCHE ET L’INNOVATION CHEZ HYDRO-QUÉBEC

Au niveau énergétique, on verra beaucoup d’innovations dans les prochaines années un peu partout dans le monde, des choses similaires à ce que fut la bulle technologique. Nous devrons adapter le réseau d’Hydro-Québec à ces innovations et les implanter, explique David Murray.

Après avoir exercé les fonctions de chef de l’exploitation d’Hydro-Québec et de président d’Hydro-Québec Production (2018-2020), puis de chef de l’innovation d’Hydro-Québec et président d’Hydro-Québec Production (2020-2021), David Murray a été nommé chef de l’innovation et vice-président exécutif, Production, santé, sécurité et environnement en février 2021, lorsque Hydro-Québec a remplacé ses divisions d’exploitation par des groupes. Nous l’avons rencontré pour parler d’innovation et de sujets connexes.

Par Jean Brindamour

Q. Pouvez-vous préciser à quel mandat exactement correspond votre titre de chef de l’innovation ?

R. Mon rôle est d’assurer l’évolution du réseau de base d’Hydro-Québec avec l’innovation, entre autres grâce à l’apport de notre Institut de recherche (IREQ) et de notre Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec (Centre d’excellence), afin de nous propulser dans la transition énergétique. Le monde est en grande transformation énergétique : à ce niveau, on verra beaucoup d’innovations dans les prochaines années un peu partout dans le monde, des choses similaires à ce que fut la bulle technologique. Nous devrons adapter le réseau d’Hydro-Québec à ces innovations et les implanter.

Pour améliorer la performance et réduire le coût des batteries au lithium-ion, les chercheurs disposent d’installations perfectionnées et d’appareils à la fine pointe de la technologie. Le Laboratoire–Stockage d’énergie comprend entre autres une chambre anhydre, dédiée au montage de batteries au lithium-ion, de même qu’une salle de nanopoudres où l’on effectue les diverses opérations visant à créer ou à utiliser des particules de dimensions nanométriques. IREQ / Centre d’excellence. Chambre anhydre. CR: Hydro-Québec (Banque d’images)

Q. Hydro-Québec s’est lancée assez récemment dans la commercialisation des nouveaux systèmes de stockage d’énergie développés par l’IREQ. Quelles sont les ambitions d’EVLO ?

R. On est très fier d’EVLO. Ces dernières années, nos équipes à l’IREQ ont développé cette technologie de batterie. Plusieurs autres technologies existent sur le marché, mais la nôtre est très robuste et peut subir de grandes variations de température. En plus, elle se distingue par son côté sécuritaire. Il n’y a pas de risque d’incendie avec ces batteries.



 

« On est très fier d’EVLO, précise David Murray. Plusieurs autres technologies existent sur le marché, mais la nôtre est très robuste et peut subir de grandes variations de température. En plus, elle se distingue par son côté sécuritaire. Il n’y a pas de risque d’incendie avec ces batteries. »

Nos intentions sont doubles. En premier lieu, on veut pouvoir les déployer sur notre réseau, dans tous les endroits où elles peuvent être utiles : imaginons un village où plusieurs entreprises se sont récemment installées; le réseau local d’Hydro-Québec peut avoir certaines limitations aux heures de pointe. Ces batteries nous dispensent de devoir ajouter de la puissance à un réseau pour quelques heures seulement de consommation. La deuxième vocation des batteries est d’accueillir les énergies renouvelables. On a inauguré le 21 juin denier notre parc solaire. On sera capable d’entreposer l’énergie solaire dans nos batteries et de l’injecter, au moment désiré, dans notre réseau électrique. On pourra accueillir l’énergie éolienne et solaire et l’emmagasiner pour être utilisée selon les besoins. On a installé une dizaine de ces batteries présentement au Québec et on planifie d’en installer une vingtaine, voire une trentaine de plus cette année.

« Une centaine d’employés travaillent chez nous sur les prochaines générations de batteries, des batteries qui atteindront une autonomie d’environ 750 km pour une recharge qui prendra 15 à 20 minutes. Lorsqu’on possédera cette technologie, cela entraînera des changements drastiques au niveau de l’électrification des transports. » – David Murray

Q. Hilo est une autre filiale d’Hydro-Québec qui offre, depuis 2019, un service d’énergie intelligente aux particuliers. Quels objectifs visez-vous ?

R. Hilo vise à permettre aux Québécois(es) de réduire leur consommation à certaines heures et de baisser leur facture, sans toutefois en ressentir l’impact. Hilo est un accompagnateur qui rendra votre maison encore plus éco-énergétique et qui récompense ceux qui utilisent ses services. Bref, Hilo réduit la consommation des Québécois, baisse leur facture et permet à Hydro-Québec de pouvoir exporter cette électricité et par conséquent d’enrichir le Québec.



Q. Est-ce offert aux entreprises ?

R. Nous venons d’acquérir une entreprise en immotique. Dans les prochains mois, Hilo offrira des services aux entreprises. Présentement, Hilo, c’est surtout les thermostats intelligents, mais d’autres technologies s’en viennent. Par exemple, on pourra brancher les véhicules électriques avec la maison (en anglais « vehicle to grid » et « vehicle to home »). On a déjà testé cette technologie. En cas de panne, par exemple, vous pourrez utiliser l’énergie de votre voiture pour alimenter l’énergie de votre maison.

Q. Parlez-nous de l’électrification des transports. C’est pour quand ?

R. C’est important de rappeler à quel point le Québec est privilégié. On a tout près de 100 000 véhicules électriques. On vise le million d’ici 2030. On est la province la plus en avance dans cette démarche. Le défi se situe dans le transport plus lourd : pour les autobus, les trains, les véhicules lourds en général, il devra y avoir des évolutions au niveau des batteries. Beaucoup d’entreprises dans le monde des start-up s’activent pour trouver la prochaine génération de batteries. On est une centaine de joueurs sur la planète. Hydro-Québec en fait partie avec son Centre d’excellence. Une centaine d’employés travaillent chez nous sur les prochaines générations de batteries, des batteries qui atteindront une autonomie d’environ 750 km pour une recharge qui prendra 15 à 20 minutes. Lorsqu’on possédera cette technologie, cela entraînera des changements drastiques au niveau de l’électrification des transports. Quand ? Il n’y pas de boule de cristal dans le domaine de la recherche. Mais j’envisagerais 2030 avant que la technologie soit pleinement compétitive. D’ici là, il va y avoir une croissance.

« Aujourd’hui, pour les flottes de camions, c’est assez simple. Il ne s’agit que de faire le plein de diesel et de partir sur la route. Avec l’électricité, il y a des tarifs différents, il y a des endroits dans la journée où c’est plus “pénalisant” de faire la recharge. Ce qu’on est en train de développer présentement, et ce sera la prochaine évolution, permettra aux utilisateurs de flottes d’économiser sur leur facture d’électricité et d’optimiser en période de pointe leur façon de recharger. Un projet-pilote est en voie de réalisation, avec une entreprise d’autobus scolaires. » – David Murray. Circuit électrique, superstation de la Porte du Nord. CR: HYdro-Québec (Banque d’images)

Q. Des transports électriques exigent un réseau de bornes de recharge public efficace. On dit du bien de l’application mobile du Circuit électrique. Quels progrès restent-ils à faire ?

R. On est à déployer plus de 3000 bornes dans la province. On vient d’annoncer un programme avec les municipalités pour un ajout de 4500 bornes. C’est maintenant possible de prendre ses vacances au Québec avec un véhicule électrique. On a mis la nouvelle application en service en juin 2020. Elle a eu beaucoup de succès. Cette application était numéro 1 en termes de téléchargements avec Apple, qui nous a demandé quel était ce produit et de quelle technologie il s’agissait. On en est assez fier. Depuis on l’a implantée aussi avec Android. Aujourd’hui, pour les flottes de camions, c’est assez simple. Il ne s’agit que de faire le plein de diesel et de partir sur la route. Avec l’électricité, il y a des tarifs différents, il y a des endroits dans la journée où c’est plus « pénalisant » entre guillemets de faire la recharge. Ce qu’on est en train de développer présentement, et ce sera la prochaine évolution, permettra aux utilisateurs de flottes d’économiser sur leur facture d’électricité et d’optimiser en période de pointe leur façon de recharger. Un projet-pilote est en voie de réalisation, avec une entreprise d’autobus scolaires.



Q. Y a-t-il place pour l’innovation en santé et sécurité du travail (SST) ?

R. L’innovation peut certainement nous servir à repousser les limites. La SST débute d’abord par l’ingénierie, par la façon dont on conçoit nos ouvrages en amont, avec nos ingénieurs et nos scientifiques. Par la suite, sur les chantiers, un exemple très récent d’innovation qui aide la SST est l’utilisation de drones. Des inspections de barrages ou de lignes dans des zones à risque exigeaient auparavant que la main-d’œuvre se rende sur place. Ce n’est plus nécessaire avec les drones et c’est encore plus efficace. C’est gagnant pour la SST et pour la productivité.

Q. Est-ce que le gouvernement québécois et Hydro-Québec ont un rôle à jouer pour aider les petites et moyennes entreprises à investir dans la recherche et développement.

R. On est actif en ce sens. Un projet est en cours avec Innovation Québec, lancé par le gouvernement. On a mis en place un innovateur en chef, Luc Sirois, une personne exceptionnelle qui guide vraiment l’écosystème québécois pour l’aider à se modeler autour de l’innovation et atteindre un autre niveau. Je fais partie du CA. On vient de faire un travail sur l’innovation; on a reçu plus de 230 mémoires qui contribueront à aiguiller le gouvernement et Hydro-Québec vers les bonnes stratégies. Nous comptons ainsi stimuler nos PME pour qu’elles fassent preuve d’innovation. ■