MAGAZINE CONSTAS

Turcot : le chantier de la collaboration

Entretien avec Sandra Sultana, directrice générale des grands projets au ministère des Transports

« Malgré les impacts évidents de la pandémie et du confinement, les premières voitures ont commencé à circuler cet automne sur la nouvelle structure »

Au terme de cinq ans de travaux colossaux, l’échangeur Turcot figure au palmarès québécois des plus importants chantiers routiers des dernières décennies. Retour sur les moments phares de cette imposante réfection avec Sandra Sultana, directrice générale des grands projets au ministère des Transports du Québec (MTQ).

Par Florence Sara G. Ferraris

Sandra Sultana

À l’instar de bien des chantiers au Québec, celui de l’échangeur Turcot a dû s’adapter au ralentissement imposé par la COVID-19. Les travaux ont ainsi été suspendus durant sept semaines au printemps, à compter de la mi-mars 2020, causant par le fait même un léger retard à l’échéancier prévu au départ. Qu’à cela ne tienne, la nouvelle mouture de ce mastodonte autoroutier a tout de même été inaugurée en octobre dernier tel que prévu. « Malgré les impacts évidents de la pandémie et du confinement, les premières voitures ont commencé à circuler cet automne sur la nouvelle structure, se réjouit Sandra Sultana, directrice générale des grands projets au MTQ. Il reste bien quelques travaux d’achèvement et d’ordre paysager, mais ça demeure mineur. Le plus gros est enfin derrière nous ! »

Jointe en décembre dernier, un peu plus d’un mois après l’inauguration officielle, qui s’est tenue surtout de manière virtuelle en raison des circonstances sanitaires actuelles, la gestionnaire expose avec un sentiment de fierté évident les nombreux défis relevés par ses équipes au cours des dernières années. « Vous savez, le secteur de l’échangeur Turcot – qui est composé de quatre échangeurs distincts – est l’un des plus achalandés au Québec; il s’agit d’une plaque tournante nationale, insiste celle qui suit le projet depuis le tout début. Ce sont plus de 300 000 automobilistes qui l’empruntent sur une base quotidienne. Maintenir cette mobilité durant toute la durée des travaux, sans trop faire dévier le trafic dans les quartiers avoisinants, est une prouesse en soi. »

« Vous savez, le secteur de l’échangeur Turcot — qui est composé de quatre échangeurs distincts — est l’un des plus achalandés au Québec; il s’agit d’une plaque tournante nationale, insiste celle qui suit le projet depuis le tout début. Ce sont plus de 300 000 automobilistes qui l’empruntent sur une base quotidienne. Maintenir cette mobilité durant toute la durée des travaux, sans trop faire dévier le trafic dans les quartiers avoisinants, est une prouesse en soi. »  – Sandra Sultana

Le cœur du tout nouvel échangeur Turcot, vu en direction du centre-ville de Montréal. CR: MTQ (MOCA photo)

Nécessaire collaboration

Pour réussir ce tour de force, le MTQ a dû travailler d’arrache-pied avec les différents acteurs de la région : la Ville de Montréal, les villes non fusionnées et les différents arrondissements touchés, ainsi que la Société québécoise des infrastructures, les services publics, les sociétés de transport collectif et les transporteurs ferroviaires présents sur le territoire, pour ne nommer que ceux-là. Des comités de bon voisinage ont également été créés pour faciliter les relations avec les citoyens résidant à proximité du chantier. « Il a fallu faire preuve de flexibilité et d’écoute, mais aussi vraiment affiner nos outils de communication, souligne Mme Sultana. Ce n’est pas toujours une mince affaire quand on se retrouve avec autant de gens autour d’une même table. »



Le séquencement des travaux au rythme des saisons mis sur pied par KPH Turcot, le consortium responsable de près de 80 % du chantier, a également permis de minimiser les impacts sur les quartiers situés aux abords du chantier. À titre d’exemple, le démantèlement de l’ancienne structure – qui à lui seul représentait un défi d’envergure – s’est principalement effectué en hiver, alors que les travaux de construction ont surtout été réalisés en période estivale, ce qui a permis, du même coup, d’organiser les fermetures de bretelles et de tronçons en phases.

Laboratoire technique

Au-delà des défis organisationnels, un chantier de cette ampleur vient avec son lot d’innovations techniques. De nouvelles manières de faire ont notamment été mises sur pied pour démanteler de façon plus efficace la structure déjà en place et pour récupérer la majeure partie du béton et de l’armature. « L’idée était d’éviter de produire davantage de gaz à effet de serre (GES) en déplaçant les matériaux démolis, explique Sandra Sultana. Ils ont donc été revalorisés : soit dans le nouvel échangeur lui-même, soit en étant transformés en remblais autoroutiers, par exemple. En tout, ce sont près de 80 % des anciens matériaux qui ont été recyclés. »



Il faut dire que le chantier de l’échangeur Turcot a eu, tout au long de sa mise en œuvre, des visées de carboneutralité. « Et nous y sommes arrivés, lance avec enthousiasme la directrice générale. Nous avons compensé toutes les émissions de GES liées aux travaux. » Concrètement, cet effort s’est traduit par la plantation de plusieurs milliers d’arbres et d’arbustes, par l’ajout de kilomètres cyclables au pied de la structure et par une meilleure intégration du projet à la trame urbaine, notamment en réduisant de près de 60 % la taille des structures par rapport aux anciennes. « Mais on espère être capable, même pour les autoroutes de cette envergure, de faire encore mieux dans l’avenir pour minimiser les contrecoups sur les quartiers avoisinants. » ■